Éducation Budgétaire Cauquil

à la seule rationalisation de la satisfaction des besoins biologiques, passerait à côté de l'humain. Les économistes eux-mêmes en conviennent et admettent que les besoins sont avant tout culturels et imaginaires (1). La différence de fond entre une approche budgétaire et une approche économique tient à ce que la première ignore délibérément! cette spécificité imaginaire et sociale des choix économiques de !'être humain. Alors que l'économie est une histoire d'échanges, de rapports de force ou de dépendance, de solidarité et de réciprocité. Tout acte économique est un acte social : il positionne réciproquement et sanctionne un type de relation sociale. La pratique classique de l'AEB aurait souvent tendance à l'oublier. On assiste alors à un "travail anti-social" qui d'ailleurs bute rapidement sur l'inefficacité. D accord ou pas d'accord. nous sommes dans une société de consommation Celle-ci énonce, tant pour les riches que pour les pauvres, des règles du jeu qui conditionnent leurs possibilités d'inscription sociale. Dans cette société, l'identité sociale transite de plus en plus par l'appropriation et l'usage des objets. Dès lors, l'intervention dans les budgets familiaux constitue un arbitrage social, c'est-à-dire un acte bien moins neutre que ne le laisserait supposer son apparence technique. L'aide éducative économique ne saurait ignorer quelques uns des mécanismes de base qui structurent ce positionnement social à travers la consommation. La comparaison est un mécanisme social primaire. René GIRARD a mis en évidence ses effets à travers la notion de "mimétisme d'appropriation'' (2). Chacun a pu remarquer combien est important ce ressort nommé "convoitise'' que l’on voit à l'oeuvre tant dans les disputes enfantines que dans les rivalités amoureuses : c'est ce qui appartient à l'autre qui prend de la valeur et attise le désir d'appropriation. La conséquence sociale s'exprime, soit en termes de compétition, soit en actes de violence, suivant les mécanismes régulateurs qu'a ou n'a pas pu mettre en oeuvre une Société. Certains pensent même que le système économique joue ce rôle essentiel, prenant ainsi le relais des rituels religieux traditionnels (3). Faute de quoi, le principe de dépense et de destruction prend le dessus et conduit au chaos social (4). LA DIFFÉRENCIATION (5) fait le pendant au mimétisme. Autant celui-ci engendre-t-il des normes de consommation et de comportement économique et favorise-t-il en cela l’intégration sociale, autant celle-là répond-elle à un autre besoin humain fondamental ; celui de se distinguer. La consommation est elle aussi régie par cette nécessité de se positionner différemment des autres. Les pratiques de "mode" obéissent conjointement à ce besoin de se singulariser tout en permettant de s'intégrer à un groupe social de référence. On ne saurait cependant ignorer le caractère imaginaire de ces jeux sociaux En effet, cette compétition d'images et d'apparences ne donne pas les mêmes résultats concrets selon que l'on est riche ou pauvre. Elle a pour effet principal d'accroître les inégalités sociales et économiques. Car, ainsi que le rappelle Pierre BOURDIEU, chacun des groupes sociaux n'a pas les mêmes possibilités de valoriser économiquement ces plus-values symboliques (6). Les uns sont plus rapides et mieux placés que d'autres et la différence de moyens ne fait qu'accroître la différence de chances.

Le caractère "imaginaire'' de la consommation ne veut pas dire qu’il soit irréel Tout au contraire ! Chacun mesure tous les jours le poids des modèles sur ses propres pratiques économiques ou celles de sa clientèle. Et chacun sait du même coup combien les conseils techniques ou rationnels ont peu de prise sur le rêve Cela implique de ta part de l'éducation économique de travailler simultanément dans le registre de la réalité (information du consommateur, aides flnancières, conseil budgétaire) et dans le champ des représentations sociales Car les plus démunis sont souvent ceux qui offrent le plus de prise aux stéréotypes de la réussite sociale associés à la consommation ; ainsi qu'en témoignent la diffusion de l’encyclopédia universalis ou le nombre croissant d'accession catastrophique à la propriété chez de nombreuses familles en situation précaire. Mais peut-on briser le rêve ? A quel prix ? Ou plutôt, en proposant quelles alternatives ? Consommation et échange social La consommation privilégie en effet, un échange social de type marchand, c'est-à-dire qui transite par l'argent. Cela n'est pas sans effet déstructurant sur les liens sociaux. La prime donnée à l'image va de pair avec le renforcement de l'individualisme et l'atténuation des solidarités naturelles. La quête de l'apparence renforce la fragmentation et la compétition sociale même si cette dernière est d'emblée inégale. Le premier prix à payer pour sortir de cet imaginaire social de la différenciation est la remise en question par les intervenants sociaux eux-mêmes et par leurs clientèles de leurs modèles de consommation. Le capital culturel des premiers les rend déjà moins perméables que d'autres groupes sociaux à ces stratégies de valorisation par l'appropriation d'objets. Ayant un certain nombre d'arrières assurés, peut-être peuvent-ils résister plus que leurs clients aux sirènes du crédit ou des grandes surfaces ? Ce qui provoque parfois des incompréhensions. Mais pour les uns et les autres, reste posée la question du comment sortir du monopole de l'échange marchand pour s'inscrire dans d'autres modalités d'échange social. En effet, la "marchandisation" croissante des biens et des services délivre subjectivement de la dépendance vis-àvis des contraintes physiques ou du voisinage, mais elle diminue simultanément les