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Bien parler est-ce bien penser

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bord voir si la société est un artifice qui dénature l’homme6.

Car7 la société est souvent considérée comme un obstacle à la nature humaine8, donc, comme un enfer. En effet, la culture, qui est un phénomène (et un acquis) social, c’est l’homme ajouté à la nature. La culture est artificielle, illusoire et nocive : elle est donc ce qui dénature.n9 Rousseau le montrera lui-même, car chez lui, toute intervention extérieure sur le déploiement d’un être naturellement bonn10 est tenue pour une corruption. On assiste donc ici à une indéniable destruction de la nature humaine : la culture, c’est ce qui s’ajoute à l’homme, par le biais de la société.

On peut ainsi affirmer que la société travaille à faire de l’homme ce qu’elle a besoin qu’il soit, pour le rendre docile. Elle va donc modeler la personnalité de chaque individu. Ainsi, la culture oriente et modèle toute la personnalité de l’homme ; d’ailleurs, on peut souligner l’existence d’une personnalité de base dans chaque société : il y a toujours des mœurs, des usages qui s’imposent. La personnalité est donc le produit de l’apprentissage, qui est lui-même déterminé et contrôlé par la culture. Elena Belotti, essayiste contemporain, nous expose clairement ce problème dans son ouvrage intitulé Du côté des petites filles n11 ; elle nous y montre en effet que l’éducation qu’on donne aux enfants, et en particulier aux petites filles, les conditionne à se conformer au stéréotype de la femme, et cela, même si leur caractère ne les y prédispose pas. Leurs comportements seront donc inévitablement le fruit de conditionnements sociaux et culturels. La culture, qui représente la société, peut par conséquent changer la nature de l’individu ! n12

De plus, la société fait souvent de l’homme un individu brimé, qui ressent douloureusement la pression sociale. Il est vrai qu’elle fait passer l’homme de l’état de nature, caractérisé par la dispersion et la satisfaction immédiate des besoins, à l’état social, qui est régi par des lois, et qui fixe des bornes partout. Les désirs de l’homme ne lui appartiennent pas en propre : ils sont organisés par la société. Dans le Malaise dans la civilisation n13, Freud affirme que la société est fondée sur l’assujettissement permanent des instincts humains. Ainsi, la libre satisfaction des besoins instinctuels de l’homme est incompatible avec la société civilisée. On peut ainsi dire que la société lutte contre la nature de l’homme n14, puisqu’elle inhibe sans cesse ses instincts. De plus, la société apprend à l’homme à suivre des règles, ce qui fait que toute spontanéité y est brimée. La société est donc un phénomène culturel qui transforme la nature de l’homme. n15 Elle va même opérer sur le plus naturel instrument de l’homme, qui est son corps, en définissant elle-même ce qui est convenable ou non dans ce domaine, sous la forme des attitudes pudiques ou outrageantes : l’instauration des codes d’usage du corps refoule donc encore toute spontanéité.

Dans les sociétés humaines, le droit est donc omniprésent, sous forme de règles, de règlements, qui sont autant de bornes non naturelles à la liberté des individus. n16 Par conséquent, les hommes se révoltent sans cesse contre la société, qui travaille à nous éloigner chaque jour de notre " bonne nature ". n17 Le carnaval en est la plus évidente démonstration n18 : transgressant l’idée même d’organisation sociale, il nourrit de véritables aspirations de rejet et de révolte contre les chaînes de la dépendance sociale. Il est en quelque sorte un retour mythique à des origines naturelles, au " chaos " perçu comme " pré-social ".

Pourtant, rien ne dit qu’il est dans la nature de l’homme de vivre isolé, i.e., hors d’une société. n19 En effet, que serait la fuite dans la solitude ? Un égarement, un abêtissement. Vouloir quitter la Cité, c’est ainsi retomber dans la passion, dans la violence, la " loi de la jungle " propre aux animaux…n20 C’est ainsi aggraver le malheur que le fugitif peut trouver dans la Cité ! Comme le dit Aristote, l’homme est fait de telle sorte qu’il ne peut se contenter d’un bonheur solitaire. Selon Platon, n21" ce qui donne naissance à une cité (…) c’est l’impuissance où se trouve chaque individu de se suffire à lui-même " (La République). En effet n22, l’homme a naturellement besoin de nourriture, de vêtements, d’un logement, et il se trouve qu’il ne peut assumer seul ces exigences vitales : par conséquent, l’organisation sociale se révèle être nécessaire. Ainsi, l’association des hommes est naturelle, puisqu’elle s’origine dans le besoin biologiquement déterminé.n23 Par la suite, on peut donc dire qu’il est naturel de produire de l’artifice, de construire des sociétés, des règles d’échange. Tout cela fait partie de la potentialité déterminée de la nature humaine ! Ainsi, la Cité a une fin utilitaire, puisqu’elle assure la satisfaction des besoins ; c’est aussi une sécurité, dont l’individu isolé ne peut nullement disposer. L’homme a besoin de son semblable pour vivre, mais aussi pour se perpétuer. Et puis, surtout, " l’homme est un animal politique ". L’homme est en effet un animal raisonnable, qui est donc perfectible, puisqu’il dispose de la pensée, pour réaliser sa condition ; ainsi, il a un réel penchant à s’associer, puisque ses dispositions naturelles ne se développent que dans la société. L’homme est donc indubitablement un être social, qui ne peut être homme en dehors d’une société n24 ; la vie sociale, c’est l’exigence absolue de la nature de l’homme ! L’homme n’est ni bête ni dieu, et se doit, non seulement de vivre en société, mais aussi de se différencier des autres animaux par cette inclination que nous avons à entrer en société. Car si nous exaltons trop la nature, ce que nous proposent par exemple les cyniques, nous aurons alors la même vie qu’un chien.

Ainsi, l’homme qui ne vit pas en société est une bête sauvage. Comme le dit Aristote, " quiconque est incapable de vivre dans la société des hommes ou n’en éprouve nullement le besoin est une bête ou un dieu ". Par conséquent, un homme qui aurait toujours vécu en dehors de toute société ne peut être qu’un homme déshumanisé, comme en témoignent les enfants sauvages. n25Ceux-ci ont vécu dans le pur " état de nature " depuis leur plus jeune âge. L’étude de nombreux cas d’enfants sauvages a amplement confirmé combien l’homme qui est isolé de la société est assez comparable à la bête (inertie des sens, quasi-inaptitude à l’acquisition du langage, etc.). Le cas le plus célèbre est celui de Victor de l’Aveyron, qui a été recueilli en 1799 par le médecin Itard. Les enfants sauvages témoignent de ce que la personnalité humaine normale ne peut jamais se constituer, sauf si le milieu, par sa valeur éducative, offre à l’enfant en temps utile les rapports culturels opportuns à son développement. Ainsi, si l’homme " naturel " possède la raison, c’est toutefois une raison en quelque sorte endormie, qu’il ne sait ni exercer ni développer. n26 L’homme naturel n’a donc qu’à répondre à ses besoins physiques. Mais sa liberté apparente n’est que soumission à l’instinct, dépourvue, par conséquent, de choix et de responsabilité. Pour répondre à sa vocation humaine, l’homme ne peut aucunement se contenter de vivre dans un état quasiment animal. n27L’homme naturel, s’il existe vraiment, se rapproche donc de la bête… L’état de nature, quant à lui, est le règne de la violence et des injustices ; c’est même un état fratricide, puisque, selon Hobbes, " l’homme est un loup pour l’homme ". En effet, l’homme, par nature, n’est pas bon n28, pas plus que les animaux livrés à la " loi de la jungle ". Par conséquent, la nature peut dissocier les hommes et les rendre enclins à s’attaquer et se détruire les uns les autres. L’état de nature, c’est ainsi la guerre de chacun contre chacun : c’est ce que nous montre encore Hobbes, dans Le Léviathan. Par conséquent, l’homme naturel n’est pas un homme, il est seulement une bête sauvage. Et, paradoxalement, c’est cet homme là qui nie et ne réalise pas la nature humaine : ce qui mène la nature de l’homme à son terme, c’est bien la société, et elle seule.29 L’état de nature, l’état de l’homme pré-social, n’est donc qu’un mythe … puisque l’homme naturel n’existe pas !30

Donc, si la société est un acquis par rapport à la (soi-disant) nature de l’homme, on ne peut pas dire qu’elle le dénature ; au contraire, la société, c’est ce qui parfait l’homme. Ainsi, la société est la fin de tout homme, elle est l’aboutissement de sa nature. On ne peut d’ailleurs pas vraiment dissocier nature et culture (comme l’affirme Merleau-Ponty, " tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme ").n31

II. Ainsi, nous allons maintenant voir que la société, c’est ce qui fait de l’homme un homme.n32

L’éducation, premier phénomène social dans la vie d’un homme, est un devoir qui doit conduire l’enfant de l’animalité à l’humanité. En effet, puisque nos désirs ne sont pas réglés, il nous faut une éducation par les lois. L’éducation se révèle ainsi être une nécessité, car, à sa naissance, tout homme est un être culturellement démuni, et durant toute son enfance, il reste un animal sauvage qui a besoin d’un maître. Elle est de plus un devoir, car elle doit faire passer

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