Construction De L'Identité De L'Enfant
Commentaires Composés : Construction De L'Identité De L'Enfant. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresdulte. Une fois établis dans les premières années de la vie, et dans un environnement stable, les liens d’attachement ont tendance à persister, tout en subissant des transformations en rapport avec les processus de maturation. À chaque étape du développement, l’enfant doit remanier l’équilibre entre ses besoins de sécurité et d’autonomie. La survenue de la puberté, déclenchée par des modifications hormonales, marque le commencement de l’accès à la maturité physique et sexuelle. C’est le début d’une étape clé dont les enjeux diffèrent fondamentalement de ceux des étapes précédentes. Se conjuguent alors des transformations physiques, cognitives et affectives majeures. Ces transformations imposent un remaniement des relations avec les figures d’attachement primaires dès le début de l’adolescence et pour la première fois depuis les premiers mois de la vie, conduisent à la création de nouveaux liens d’attachement, à la fin de l’adolescence.
DIALOGUE - Recherches cliniques et sociologiques sur le couple et la famille - 2007, 1er trimestre
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Au niveau du monde interne, et plus précisément des modèles internes opérants (MIO), ces changements vont avoir un impact sensible tandis que, réciproquement, les représentations des relations d’attachement qui ont été intériorisées au cours de l’enfance vont peser sur le processus d’autonomisation. L’adolescence est une période où le rôle du système comportemental d’exploration est au premier plan. Exploration du monde physique comme pendant l’enfance, mais surtout, à cet âge, de nouveaux rôles sociaux, de nouvelles relations, de la sexualité, de soi-même, de son corps et de ses émotions. Or, et c’est un point fondamental de la théorie, il existe une balance dynamique entre attachement et exploration, ce qu’illustre la notion de « base de sécurité » de Mary Ainsworth (1978). Dans cette perspective, il est clair qu’un attachement sécure favorisera l’exploration et donc le développement de l’autonomie, tandis qu’un attachement insécure sera susceptible de l’entraver. Ainsi, si le fait d’être attaché à ses parents peut paraître antinomique aux défis développementaux auxquels l’adolescent doit faire face, le système comportemental d’attachement joue en réalité un rôle fondamental pour aider l’adolescent à surmonter ces défis.
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Nous envisagerons successivement les liens entre attachement et autonomie, les relations avec la psychopathologie et l’utilisation qui peut être faite de ces notions dans la prise en charge des adolescents.
Attachement et autonomie à l’adolescence
Les transformations cognitives Sur le plan cognitif, l’adolescence se caractérise par l’émergence de ce que Piaget appelle les opérations formelles : la pensée se libère du concret, l’adolescent devient capable de raisonner de façon formellement correcte sur des données abstraites et des hypothèses. Ces nouvelles capacités lui permettent de réfléchir différemment sur ses propres processus de pensée, sur ses représentations. Il peut alors développer ses facultés réflexives, ce que Mary Main appelle métacognition (1991). Du point de vue de l’attachement, ces nouvelles capacités de travail sur les représentations vont avoir deux principaux impacts : la mise en place de modèles internes intégrés des relations et la transformation du partenariat corrigé quand au but dans les relations avec les parents. Avant l’adolescence, le sujet a tendance à se représenter des expériences d’attachement avec des personnes différentes sans les relier entre elles, (par exemple : « ma mère m’aide toujours à me sentir mieux quand je me sens
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mal » et « mon père m’ignore quand je me sens mal »). L’adolescent au contraire peut élaborer des propositions plus complexes (telle que : « je peux obtenir de l’aide quand j’en ai besoin, de certaines personnes, mais pas de tout le monde »). Les représentations de soi et de l’autre dans les relations d’attachement sont ainsi intégrées dans un modèle général qui est moins dépendant d’une relation particulière. Patricia Crittenden parle de « métamodèle » (1990), Mary Main « d’état d’esprit » vis-à-vis de l’attachement (1991), que son « entretien d’attachement de l’adulte », utilisable dès l’adolescence, permet d’évaluer. Le développement des capacités réflexives va également entraîner des changements majeurs dans les interactions avec les parents. Il va permettre une plus grande souplesse dans la gestion du « partenariat corrigé quant au but » (Bowlby, 1969) dont on sait qu’il joue un rôle déterminant dans la négociation des conflits. L’adolescent peut intégrer ses besoins et ses désirs actuels de façon plus souple et se représenter plus finement ceux de ses parents. Ce « partenariat corrigé quant au but » apparaît dès les premières années de la vie, mais il atteint un nouveau degré de complexité et d’ajustement du fait de la capacité augmentée de l’adolescent de mettre en perspective différents éléments qui interviennent dans la relation. Cette sophistication du partenariat explique le recours moins fréquent aux parents comme figures d’attachement. Leur rôle reste important pour assurer son sentiment de sécurité interne mais les interactions sont plus ponctuelles. Les transformations affectives Elles sont liées aux mouvements simultanés de mise à distance des parents et de rapprochement des pairs. L’irruption de la sexualité et la sexualisation des liens primaires jouent sans aucun doute un rôle déterminant dans ce double mouvement. Mais la théorie de l’attachement n’aborde malheureusement pas ces interrelations entre les deux systèmes motivationnels que sont le système d’attachement et le système sexuel. Le plus souvent ces changements sont « expliqués » dans la théorie par le processus d’autonomisation et la pression sociale.
Les relations avec les parents
Au début de l’adolescence on constate une prise de distance vis-à-vis des parents. Le temps passé avec eux, la proximité émotionnelle entre les adolescents et leurs parents, le recours à leur avis pour prendre des décisions, se réduisent très fortement. Mais en dépit des apparences Bowlby (1969) a d’emblée insisté sur le fait que les liens d’attachement restent intenses avec les parents, tandis que d’autres liens importants se mettent en place à cette période. Les nombreux travaux qui ont porté depuis sur ce point confirment
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l’importance de la qualité du lien d’attachement actuel avec les parents dans le processus d’autonomisation. Les travaux d’Allen par exemple mettent en évidence une forte corrélation entre la présence de comportement de recherche d’autonomie chez les adolescents et des indices d’une relation positive avec les parents (Allen et coll, 1994). La notion de « base de sécurité », qui met l’accent sur l’importance de la balance entre attachement et exploration, permet de comprendre le rôle des parents pour favoriser l’autonomie. À l’adolescence, il est essentiel que le système d’exploration soit hautement activé pour permettre que le sujet développe ses diverses compétences physiques, intellectuelles et sociales et audelà pour qu’il puisse nouer de nouvelles relations. La construction de l’autonomie de l’adolescent repose donc en grande partie sur l’activation du système d’exploration qui ne peut être optimale que si le système d’attachement est désactivé. Ainsi l’autonomie de l’adolescent ne se développe pas dans l’isolement, mais dans le contexte d’une relation proche toujours possible avec ses parents lorsqu’il la demande. À la différence de ce qui se passe chez l’enfant, la pression vers l’autonomie est à l’adolescence beaucoup plus intense, plus permanente et plus directement en compétition avec le système d’attachement. Aussi les risques qu’attachement et exploration entrent en conflit sont beaucoup plus grands. Pour faire face à ces tensions, les nouvelles capacités cognitives de l’adolescent évoquées plus haut vont jouer un rôle important. Mais réciproquement l’autonomisation va influencer les capacités de l’adolescent à réévaluer et réaménager ses relations d’attachement avec ses parents. La distance créée par le mouvement d’autonomisation joue un rôle au moins aussi important que le développement des capacités cognitives pour permettre de penser les relations d’attachement. À mesure que l’indépendance croît,
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