Critique De Lecole Des Femmes
Recherche de Documents : Critique De Lecole Des Femmes. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresi se rendit ridicule par là. Il écouta toute la pièce avec un sérieux le plus sombre du monde: et tout ce qui égayait les autres ridait son front. À tous les éclats de rire, il haussait les épaules, et regardait le parterre en pitié; et quelquefois aussi le regardant avec dépit, il lui disait tout haut, "Ris donc, parterre, ris donc." Ce fut une seconde comédie, que le chagrin de notre ami; il la donna en galant homme à toute l'assemblée; et chacun demeura d'accord qu'on ne pouvait pas mieux jouer, qu'il fit. Apprends, Marquis, je te prie, et les autres aussi, que le bon sens n'a point de place déterminée à la comédie; que la différence du demi-louis d'or, et de la pièce de quinze sols, ne fait rien du tout au bon goût; que debout et assis on peut donner un mauvais jugement; et qu'enfin, à le prendre en général, je me fierais assez à l'approbation du parterre, par la raison qu'entre ceux qui le composent, il y en a plusieurs qui sont capables de juger d'une pièce selon les règles, et que les autres en jugent par la bonne façon d'en juger, qui est de se laisser prendre aux choses, et de n'avoir ni prévention aveugle, ni complaisance affectée, ni délicatesse ridicule.
LE MARQUIS.- Te voilà donc, Chevalier, le défenseur du parterre? Parbleu, je m'en réjouis, et je ne manquerai pas de l'avertir, que tu es de ses amis. Hay, hay, hay, hay, hay, hay.
DORANTE.- Ris tant que tu voudras; je suis pour le bon sens, et ne saurais souffrir les ébullitions de cerveau de nos marquis de Mascarille. J'enrage de voir de ces gens qui se traduisent en ridicules, malgré leur qualité; de ces gens qui décident toujours, et parlent hardiment de toutes choses, sans s'y connaître; qui dans une comédie se récrieront aux méchants endroits, et ne branleront pas à ceux qui sont bons; qui voyant un tableau, ou écoutant un concert de musique, blâment de même, et louent tout à contre-sens, prennent par où ils peuvent les termes de l'art qu'ils attrapent, et ne manquent jamais de les estropier, et de les mettre hors de place. Eh! morbleu, Messieurs, taisez-vous, quand Dieu ne vous a pas donné la connaissance d'une chose; n'apprêtez point à rire à ceux qui vous entendent parler, et songez qu'en ne disant mot, on croira peut-être que vous êtes d'habiles gens.
LE MARQUIS.- Parbleu, Chevalier, tu le prends là...
DORANTE.- Mon Dieu Marquis ce n'est pas à toi que je parle. C'est à une douzaine de messieurs qui déshonorent les gens de cour par leurs manières extravagantes, et font croire parmi le peuple que nous nous ressemblons tous. Pour moi je m'en veux justifier, le plus qu'il me sera possible; et je les dauberai tant, en toutes rencontres, qu'à la fin ils se rendront sages.
LE MARQUIS.- Dis-moi, un peu, Chevalier, crois-tu que Lysandre ait de l'esprit?
DORANTE.- Oui, sans doute, et beaucoup.
URANIE.- C'est une chose qu'on ne peut pas nier.
LE MARQUIS.- Demandez-lui ce qui lui semble de L'École des femmes: vous verrez qu'il vous dira, qu'elle ne lui plaît pas.
DORANTE.- Eh mon Dieu! il y en a beaucoup que le trop d'esprit gâte; qui voient mal les choses à force de lumière; et même qui seraient bien fâchés d'être de l'avis des autres, pour avoir la gloire de décider.
URANIE.- Il est vrai; notre ami est de ces gens-là, sans doute. Il veut être le premier de son opinion, et qu'on attende par respect son jugement. Toute approbation qui marche avant la sienne est un attentat sur ses lumières, dont il se venge hautement en prenant le contraire parti. Il veut qu'on le consulte sur toutes les affaires d'esprit; et je suis sûre que si l'auteur lui eût montré sa comédie, avant que de la faire voir au public, il l'eût trouvée la plus belle du monde.
LE MARQUIS.- Et que direz-vous de la marquise Araminte, qui la publie partout pour épouvantable, et dit qu'elle n'a pu jamais souffrir les ordures dont elle est pleine?
DORANTE.- Je dirai que cela est digne du caractère qu'elle a pris; et qu'il y a des personnes, qui se rendent ridicules, pour vouloir avoir trop d'honneur. Bien qu'elle ait de l'esprit, elle a suivi le mauvais exemple de celles, qui étant sur le retour de l'âge, veulent remplacer de quelque chose ce qu'elles voient qu'elles perdent; et prétendent que les grimaces d'une pruderie scrupuleuse, leur tiendront lieu de jeunesse et de beauté. Celle-ci pousse l'affaire plus avant qu'aucune, et l'habileté de son scrupule découvre des saletés, où jamais personne n'en avait vu. On tient qu'il va, ce scrupule, jusques à défigurer notre langue, et qu'il n'y a point presque de mots, dont la sévérité de cette dame ne veuille retrancher ou la tête, ou la queue, pour les syllabes déshonnêtes qu'elle y trouve.
URANIE.- Vous êtes bien fou, Chevalier.
LE MARQUIS.- Enfin, Chevalier, tu crois défendre ta comédie, en faisant la satire de ceux qui la condamnent.
DORANTE.-
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