DM d'histoire
Chronologie : DM d'histoire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar melonlord • 3 Avril 2021 • Chronologie • 882 Mots (4 Pages) • 475 Vues
« Ce qu’il y a de singulier chez Char, et qui le distingue de Breton, c’est que très rapidement, dès les recueils qui suivent Artine, la violence politique, violence de la société, investit thématiquement le poème où elle rencontre la violence d’une écriture qui à la fois la dénonce et la porte à son paroxysme, comme pour en précipiter les conséquences. Cette violence va jusqu’à prendre une dimension cosmique, cataclysmique, dont on verra les enjeux révolutionnaires, ainsi que la portée sur le plan de la conception de l’histoire et du temps historique.
Certes, à prendre le terme de politique en un sens restreint et non pas en un sens large englobant le désir de destruction universelle qui envahit ces recueils, le discours politique du poème n’apparaît que fugitivement. On ne trouve pas de référence aux événements politiques contemporains dans L’Action de la justice est éteinte, Poèmes militants, Abondance viendra et si, ponctuellement, le lexique du poème peut faire écho à un engagement de l’auteur, comme dans « L’Esprit poétique », où la phrase « Je ne plaisante pas avec les porcs » rappelle « Les porcs en liberté », les circonstances sont complètement effacées dans le passage au recueil poétique. Ces poèmes ne sont donc pas des poèmes de circonstance, ainsi que Breton qualifiait « Front rouge » d’Aragon ; au contraire, ils montrent le plus souvent une volonté de « prendre de la hauteur », dont témoignent les visions telluriques et cataclysmiques.
Mais ils n’en ont pas moins pour cibles les valeurs dominantes d’une société. Si leur dimension politique ne se manifeste que ponctuellement, c’est avec toute la vigueur d’une dénonciation. Dans le poème « À la faveur de la peau », le lexique politique ne laisse aucun doute sur l’objet de la dénonciation : « Les notions de l’indépendance sucrent au goût des oppresseurs le sang des opprimés » ; le poème « Devant soi » rappelle, quant à lui, l’engagement politique de Char et des surréalistes en faveur de la classe ouvrière : « Ô sordide indicible ! Sommeil d’aliéné commué en réalité ouvrière… ». L’écriture poétique se fait dénonciation, pour bouleverser l’ordre établi qui n’est qu’une « harmonie agglomérée » (« La luxure »), fondée sur les « lois stupides de la réciprocité » (« Fanatisme »). Ainsi que l’a mis en évidence Jean-Claude Mathieu, l’écriture fait appel aux symboles de la profondeur pour subvertir une justice de surface, une immobilité immonde et dénoncer « sous l’harmonie apparente les cycles invisibles qui perpétuent l’exploitation sociale, religieuse, coloniale » 103 .
Adoptant par endroits le ton de la satire, le poème s’en prend à ceux qui thésaurisent, aux « assis » rimbaldiens, qui forment la « classe de l’engrais » dans « L’accomplissement de la poésie ». L’emploi ironique de l’impersonnel « on » dans ce poème met à distance et tourne en dérision une cible visée pour sa cupidité, à l’activité soudainement effervescente « aussitôt que transparaît le disque du caviar sur le dossier de l’écuelle » : « On taille le roc artificiel du bassin/ On lime le robinet vert-de-grisé de la pile/ On siffle la cascade de sublimé depuis l’éboulement de l’aqueduc […] ». Ailleurs, un long poème comme « Domaine » (Abondance viendra) met en scène, dans une série de visions frappantes, la révolution sociale et le renversement du pouvoir aristocratique : « Les nobles disparus ont curé les bassins, vidé les flasques horreurs domestiques, brossé l’obèse. » Ce n’est pas ici l’ironie ou le sarcasme qui ont valeur de dénonciation, mais la force des images elles-mêmes, dont la violence est sous-tendue par la violence historique : « Le leader a tiré la vermine éclairante. C’est la lave finale. Régicide, estime-toi favorisé si une langue de bœuf vient de loin en loin égayer ta cuvette. » La vision dévastatrice de « la lave finale » fait entendre par connotation la collocation révolutionnaire de la « lutte finale », appelée phonétiquement par la chaîne consonantique en « l » et par l’écho donné à l’attaque du syntagme « la vermine ». Autant que par le champ lexical du conflit social et de la révolution, la charge politique d’un poème comme celui-ci tient à la force rhétorique de l’image visuelle. 104
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