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ois, seulement à cause qu’ils étaient riches, ont eu l’audace d’avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles. Tienne qui voudra contre de si grandes extrémités ; je ne veux être, si je le puis, ni malheureux, ni heureux ; je me jette et me réfugie dans la médiocrité1. (Ed. 5.) L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines : ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. (Ed. 4.)

Jean de La Bruyère, Les Caractères ou les mœurs de ce siècle, 1689.

1. Médiocrité au sens ici de «position du milieu».

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Texte B

Contexte : Ce texte est extrait d’un roman dont l’action se situe pendant les années noires de la crise économique des années trente et qui raconte le périple d’une famille fuyant la sécheresse en Oklahoma pour tenter de se refaire une vie en Californie. Les émigrants déferlaient sur les grand-routes et la faim était dans leurs yeux et la détresse était dans leurs yeux. Ils n’avaient pas d’arguments à faire valoir, pas de méthode ; ils n’avaient pour eux que leur nombre et leurs besoins. Quand il y avait de l’ouvrage pour un, ils se présentaient à dix - dix hommes se battaient à coups de salaires réduits. Si ce gars-là travaille pour trente cents, moi je marche à vingt-cinq. Il accepte vingt-cinq ? Je le fais pour vingt. Attendez... c’est que j’ai faim, moi. Je travaille pour quinze cents. Je travaille pour la nourriture. Si vous voyiez les gosses, dans quel état ils sont - ils ont des espèces de clous qui leur poussent ; à peine s’ils peuvent remuer. Leur ai donné des fruits tombés et maintenant ils ont le ventre enflé. Prenez-moi, je travaillerai pour un morceau de viande. Bonne affaire. Les salaires baissaient et les cours se maintenaient. Les grands propriétaires se frottaient les mains et envoyaient de nouveaux paquets de prospectus pour faire venir encore plus de monde. Les salaires baissaient sans faire tomber les prix. D’ici peu, nous serons revenus au temps des serfs. Là-dessus, les grands propriétaires et les Sociétés Foncières eurent une idée de génie : un grand propriétaire achetait une fabrique de conserves, et dès que les pêches et les poires étaient mûres, il faisait baisser les cours au-dessous du prix de revient. Et en qualité de fabricant, il se vendait à lui-même les fruits au cours le plus bas et prenait son bénéfice sur la vente des fruits en conserve. Mais les petits fermiers qui n’avaient pas de fabriques de conserves perdaient leurs fermes au profit des grands propriétaires, des Banques et des Sociétés propriétaires de fabriques. Les petites fermes se raréfiaient de plus en plus. Les petits fermiers allaient habiter la ville, le temps d’épuiser leur crédit et de devenir une charge pour leurs amis ou leurs parents ; et finalement ils échouaient eux aussi sur la grand-route, où ils venaient grossir le nombre des assoiffés de travail, des forcenés prêts à tuer pour du travail. Et les Sociétés et les Banques travaillaient inconsciemment à leur propre perte. Les vergers regorgeaient de fruits et les routes étaient pleines d’affamés. Les granges regorgeaient de produits et les enfants des pauvres devenaient rachitiques et leur peau se couvrait de pustules. Les grandes Compagnies ne savaient pas que le fil est mince qui sépare la faim de la colère. Au lieu d’augmenter les salaires, elles employaient l’argent à faire l’acquisition de grenades à gaz, de revolvers, à embaucher des surveillants et des mar-

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chands, à faire établir des listes noires, à entraîner leurs troupes improvisées. Sur les grand-routes, les gens erraient comme des fourmis à la recherche de travail, de pain. Et la colère fermentait.

John Steinbeck, Les Raisins de la colère (1939), Gallimard, Folio.

Repérage

Texte A / Texte B Confrontez les deux textes. Identifiez les textes (genre* et type*, discours ou récit ?) Par l’observation de la situation d’énonciation*, des champs lexicaux et des images, dégagez ce qui les rapproche et ce qui les distingue. Selon vous, quelle est la visée de chacun de ces textes ?

Éléments de réponse

Texte A Extrait d’un essai philosophique Discours : expression de réflexions personnelles Émetteur identifiable : emploi du « je », qui marque l’expression d’une prise de position explicite. Quelques séquences descriptives Ex : L’on voit certains animaux farouches,... Champs lexicaux qui opposent misère et richesse (misères, manque, peine, manquer / délicatesse, riches). Extrait de roman Texte essentiellement narratif (imparfait exprimant des actions en cours de déroulement). Récit dominant ; quelques séquences de discours. Narrateur non identifiable (narration impersonnelle), à deux exceptions près : - le «nous» de la phrase de discours « D’ici peu, nous serons revenus au temps des serfs », unique passage de commentaire sur ce qui est raconté, dans la narration (nous = les Américains ? nous = l’humanité ?) Texte B

Métaphore « des misères qui saisissent le cœur » - le passage de discours direct*, ou le pronom souligne l’émotion, la sensibilité de l’émetteur «je» désigne tout émigrant à la recherche d’un au sujet évoqué. travail : le narrateur rapporte, rend compte de ce Métaphore filée pauvreté/animalité : la misère que disent les émigrants chômeurs. avilit, abaisse l’homme, le réduit à la survie. Champs lexicaux fondés sur des jeux d’opposition : Hyperbole*: « de simples bourgeois ( ... ) ont eu Opulence ; argent (bonne affaire, grands propriél’audace d’avaler en un seul morceau la nourtaires, sociétés foncières, banques, regorgeaient, riture de cent familles » : enfle la dimension argent, acquisition) indécente de l’attitude des possédants. Dénuement ; pauvreté (faim, détresse, besoins, serfs, assoiffés, affamés, pauvres, rachitiques). Comparaisons et métaphores*: « les gens erraient comme des fourmis », « ils échouaient eux aussi sur la grand-route », « Et la colère fermentait » : insistance sur la masse des miséreux et sur leur caractère insignifiant (« fourmis ») ; analogie entre leur errance et un périple sans issue, un naufrage : « ils échouaient ». Séquence 1 – FR40

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➠ Une communauté de thème et de nombreuses similitudes, qui permettent de conclure à une intention commune : dénoncer les mécanismes et les conséquences de la misère. ➠ Mais des approches différentes : les extraits de LA BRUYÈRE expriment explicitement une prise de position, dans un discours. Discours dans lequel sa position, la thèse défendue est aisément repérable (elle est clairement formulée dans les deux extraits (extrait 1 : je ne veux être, si je le puis, ni malheureux ni heureux; je me jette et me réfugie dans la médiocrité ; extrait 2 : [ils] méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé). Le passage des Raisins de la colère, quant à lui, ne se situe pas explicitement dans le discours argumentatif, mais dans la représentation, l’évocation d’une réalité qui révèle un jugement et suscite une prise de position chez le lecteur. Pour simplifier, on peut schématiser ainsi les relations qui s’établissent entre les textes.

Textes A et B Thème Position de l’émetteur du texte Intention de l’émetteur Canal Effet sur le destinataire La misère Constat de l’injustice sociale Susciter une réaction chez le destinataire : ici, dénoncer Le livre: ici, un roman/un essai Sensibilisation au sujet traité

B

Argumentation directe et indirecte

Le texte de LA BRUYÈRE a la forme d’une argumentation directe : le lecteur n’a pas besoin de rechercher les marques de l’argumentation dans une dimension cachée ou dissimulée du texte, l’émetteur dit je et exprime directement ce qu’il pense. C’est une forme d’argumentation. La dimension argumentative du texte B existe également, mais elle s’exprime de manière indirecte, à travers un récit évoquant de manière particulièrement poignante les causes de la misère, mais sans les identifier précisément comme des causes (les faits semblent s’enchaîner d’eux-mêmes, sans cohérence logique), sans exprimer à aucun moment une opinion explicite. C’est une autre forme d’argumentation.

Une démarche de confrontation

Dans les deux textes, on assiste à la confrontation de deux parties : classes laborieuses, nécessiteux d’un côté et classes privilégiées, possédants de

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l’autre (remarquons, dans les deux textes, les multiples jeux d’opposition

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