La constitution est-elle toujours la norme suprême ?
Dissertation : La constitution est-elle toujours la norme suprême ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Hunding • 22 Mars 2019 • Dissertation • 2 406 Mots (10 Pages) • 1 577 Vues
La Constitution est-elle toujours la norme suprême ?
Sur un plan matériel, la Constitution de 1958 détermine de manière horizontale les entités composant l’Etat et organise les relations entre elles. Sur un plan vertical, elle s’attache à régler les relations de l’Etat avec les différentes collectivités existant en son sein, ainsi qu’avec ses homologues étrangers et les organisations internationales. Elle fixe enfin les droits et obligations fondamentaux des citoyens.
Il n’est dans ces conditions pas surprenant qu’en sa qualité de loi fondamentale, elle soit habituellement placée au sommet de l’ordre juridique français et qu’il soit souvent considéré comme acquis que ses dispositions priment sur tout autre texte.
La création d’un Conseil Constitutionnel, les renforcements successifs de ces pouvoirs et la mise à jour d’un bloc de constitutionnalité dont le contenu n’a cessé de s’élargir, n’ont pu que renforcer ce type d’opinion.
Cependant, certains exemples comme celui des actes réglementaires pris en application d’une loi amènent cependant à s’interroger sur le point de savoir si la primauté de la Constitution est toujours assurée en pratique. Et l’émergence d’un droit de l’Union européenne conduit même à se demander si cette prééminence ne serait pas aujourd’hui, au moins en partie, battue en brèche.
Est-il dès lors légitime de placer toujours la Constitution au sommet de la pyramide des normes?
Nous verrons que, si la primauté de la Constitution est aujourd’hui à la fois affirmée et défendue (I), cette primauté ne présente néanmoins pas un caractère absolu (II).
I – Une primauté de la Constitution affirmée et défendue
La place de la Constitution au sommet de l’ordre juridique non seulement a été affirmée par le Conseil Constitutionnel et les deux juridictions suprêmes de l’ordre administratif et judiciaire (1.1.) mais fait de manière générale l’objet d’une défense effective de la part des ces trois juridictions (1.2.).
1.1. L’affirmation de la primauté de la Constitution
C’est essentiellement vis-à-vis des traités et engagements internationaux ainsi que du droit de l’Union que la primauté de la Constitution a été affirmée par les plus hautes juridictions françaises.
Alors que l’article 55 de la Constitution fait prévaloir le traité sur la loi, le Conseil d'État, de manière expresse avec l'arrêt "Sarran" (CE, ass., 30 oct. 1998, n° 200286, Sarran, Levacher et a. - Rec. CE 1998, p. 368), et la Cour de Cassation avec l'arrêt "Fraisse" (Cass. ass. plén., 2 juin 2000, n° 99-60.274 – Bull. 2000 AP n° 4) ont affirmé que cette prééminence ne s’applique pas aux dispositions à valeur constitutionnelle.
Ces juridictions ont donc considéré que la hiérarchie des normes juridiques résultant des articles 54 et 55 de la Constitution donne aux normes internationales une place de normes subordonnées par rapport à la Constitution.
C’est la position qu’en 2001, le Conseil d’Etat a même fait prévaloir pour le droit communautaire en considérant que sa prééminence vis-à-vis des lois "ne saurait conduire, ... dans l'ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution" (CE, 3 déc. 2001, Synd. nat. Industrie pharmaceutique - Rec. CE 2001, p. 624). Et c’est celle qu’elle a reprise 6 années plus tard en indiquant que "la suprématie ... conférée aux engagements internationaux ne saurait s'imposer, dans l'ordre interne, aux principes et dispositions à valeur constitutionnelle" (CE, ass., 8 févr. 2007, n° 287110, Sté Arcelor : JurisData n° 2007-071436).
Le Conseil constitutionnel est quant à lui allé plus loin en reconnaissant "l'existence de la Constitution française et sa place au sommet de l'ordre juridique interne" (Cons. const., 19 nov. 2004, déc. n° 2004-505 DC, Traité établissant une Constitution pour l'Europe : Rec. Cons. const. 2004, p. 173).
La primauté de la Constitution a aussi été affirmée par le Conseil Constitutionnel dans l’interprétation qu’il a fait des articles 23-2 et 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 en donnant priorité au contrôle de constitutionnalité sur le contrôle de conventionnalité.
Par un arrêt rendu le 3 décembre 2009, le Conseil Constitutionnel a considéré que cette règle a pour effet de "garantir le respect de la Constitution et rappeler sa place au sommet de l'ordre juridique interne" (Cons. const., 3 déc. 2009, déc. n° 2009-595 DC, Loi organique relative à l'article 61-1 de la Constitution : Rec. Cons. const. 2009, p. 206).
La prééminence de la Constitution a ainsi fait l’objet d’affirmations. Or ces affirmations ont une portée d’autant plus grande que, dans la pratique, cette prééminence est dans une large mesure assurée de manière effective.
1.2. La défense de la primauté de la Constitution
C’est au premier chef au Conseil constitutionnel qu’il appartient de défendre la primauté de la Constitution. Il s’agit à l’origine d’une simple application du texte de cette dernière qui prévoit notamment que le Conseil s’assure notamment de la conformité à elle des traités internationaux (article 54) et des lois ordinaires (article 61) et qu’il veille à ce que les dispositions législatives déjà entrées en vigueur respectent “les droits et libertés garantis par la Constitution” (article 61-1). Mais les juridictions des deux ordres ordinaires de juridiction, judiciaire et administrative, participent également à un certain degré à ce travail de protection.
Pour le Conseil Constitutionnel, la défense de la primauté de la Constitution passe, on le sait, par un contrôle a priori et, par le biais de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, a posteriori.
Pour ce qui a trait au contrôle a priori, on peut par exemple citer la décision 2018-769 DC du 4 septembre 2018 ayant dit contraires à la Constitution un certain nombre de dispositions de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (JORF n°0205 du 6 septembre 2018, texte n° 2)
Pour ce qui concerne le contrôle a posteriori on peut par exemple citer une décision du 2 mars 2018 ayant décidé que le deuxième alinéa de l'article 365-1 du code de procédure pénale en n’imposant pas aux cours d'assises de motiver le choix de la peine, a méconnu les exigences tirées des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789, et est de ce fait contraire à la Constitution (décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018 – M. Ousmane K. et autres).
Les contrôles opérées par les juges administratifs et judiciaires sont de leur côté extrêmement variés et fonctions des conditions de leur intervention. Nous nous limiterons donc à en donner quelques exemples parlants.
Dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité, les juges administratifs et judiciaire exercent dans les faits une sorte de pré-contrôle de constitutionnalité de la loi sur laquelle porte la question en cause puisque c’est à eux qu’il revient de s'assurer que la question “n'est pas dépourvue de caractère sérieux” (Ord. n° 58-1067, 7 nov. 1958, art. 23-2) et qu'elle présente, pour le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, “un caractère sérieux” (Ord. n° 58-1067, art. 23-4.). Et c’est ensuite, s’il y a lieu, au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation qu’il appartient à leur tour de faire office de filtres.
Le juge administratif est par ailleurs compétent pour annuler les actes administratifs non conformes à la Constitution, sous la réserve, cependant, que la théorie déjà évoquée de la loi-écran et sur laquelle nous reviendrons plus loin, ne trouve pas à s’appliquer. Seront plus particulièrement concernés les actes administratifs pris en application du pouvoir réglementaire autonome prévu par l'article 37, alinéa 1er de la Constitution.
Le juge administratif a également à vérifier que l’Administration n’empiète pas sur les attributions du législateur fixées par l’article 34 de la Constitution. C’est ainsi que le Conseil d'État a été amené à annuler des actes administratifs pour méconnaissance de cet article (CE, 25 mars 1988, Sté centrale canine pour l'amélioration des races de chien en France : Rec. CE 1988, p. 132).
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