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Les Mémoires Dans La Littèrature.

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lité telles qu’elles ont été. En filigrane, l’on comprend qu’il entend ainsi couper l’herbe sous le pied de ses détracteurs de l’époque (ce que Sand a bien compris) et régler la question de la vérité sur son vécu une fois pour toutes. Cependant, dans sa quatrième promenade, il paraît déjà se contredire ; « … je me sentais plutôt porté à mentir dans le sens contraire en m’accusant avec trop de sévérité (…) » Il avoue ainsi être porté par le mensonge. Même s’il ne s’agit pas, dit-il, de s’octroyer des vertus qui ne sont pas les siennes mais plutôt de s’affubler de plus de torts que dans la réalité, il s’agit encore de mentir et non de livrer la vérité nue. Par ailleurs, il avoue avoir été confronté à une autre difficulté d’importance : les nécessaires limites de la mémoire humaine. Aussi extraordinaire soit la mémoire humaine, outil essentiel pour relater sa propre vie, elle est imparfaite et, pire même, elle devient progressivement défaillante avec l’âge, comme il l’admet lui-même. Ainsi, pour remédier aux chaînons manquants de sa vie en raison de trous de mémoire - qu’ils soient conscients ou non - il avoue avoir eu recours à l’invention ou l’imagination. Il a donc embelli ou travesti la réalité « en disant les choses …oubliées comme il (lui) semblait qu’elles avaient du être ». Là encore, le constat est que ses petits arrangements avec la vérité rentrent forcément en contradiction avec son projet de départ consistant à ne rien rajouter à la réalité de sa vie. Il en résulte qu’à travers les difficultés qu’a rencontrées Rousseau dans l’écriture de son autobiographie, il paraît complexe sinon impossible de relater fidèlement et sans altération l’ensemble des étapes jalonnant sa propre vie. Il y a trop de souvenirs flous ou enfouis qu’il est impossible de se remémorer ou, comme Rousseau, que l’on peut être tenté d’embellir ou au contraire de noircir en forçant le trait, même sans chercher nécessairement à s’inventer une autre vie, tel un avatar aujourd’hui.

Chateaubriand adopte dès le départ une tout autre approche pour son projet autobiographique « Mémoires d’outre-tombe » ; celui-ci ne consistera qu’à dire que événements heureux et qui apparaissent « convenables à sa dignité humaine ». Il n’entend pas écrire un livre sur lui-même pour qu’on s’apitoie sur les vicissitudes et les malheurs trop ordinaires de sa vie, tenant somme toute à la nature imparfaite de l’être humain. Il a pour ambition de partager avec ses lecteurs ses joies et ce qu’il a vécu de beau dans la vie, de façon à n’inspirer à ses concitoyens que des actes nobles et généreux. C’est une approche positive et non pas réaliste de la fonction que peut remplir une autobiographie, loin de casser le mythe d’une vie qui à l’extérieur a pu ne paraître que brillante. Il choisit délibérément, par pudeur ou pour ne pas ennuyer le lecteur par le récit de ses manquements et fautes pathétiques, de ne pas dévoiler toute la vérité. Au moins, contrairement à Rousseau, ne surprend-t-il pas ou ne déçoit-il pas les lecteurs puisqu’il les avertit explicitement qu’il ne compte pas faire l’énumération fastidieuse de ses misères trop humaines. Cette conception de l’autobiographie idéalisée est aux antipodes de celle de Rousseau.

George Sand fait elle aussi la critique de l’œuvre autobiographique de Rousseau dans cet extrait de L’histoire de ma vie. Avec le recul dont elle dispose par rapport à l’époque de Rousseau, elle a des mots cruels concernant la démarche de celui-ci, le considérant comme une personne calculatrice qui s’accuse trop pour mieux se chercher des excuses et attirer sur lui l’indulgence de ses concitoyens. Pour elle, les Confessions se perdent dans de vaines ou médiocres considérations personnelles et la grande affectation de Rousseau enlève le mérite qui tient pourtant à une certaine sincérité, à défaut de vérité. Elle en retient cependant que l’autobiographie de Rousseau est digne d’intérêt dans la mesure où elle renseigne sur la société et l’époque qu’elle décrit. Pour Sand, le fondement, la raison d’être d’une autobiographie est de raconter sa vie simplement et humblement, sans fioritures, rajouts, exagérations ou surtout sans auto - flagellation. C’est sûrement en cela que cet exercice est le plus difficile : se mettre à nu, exposé à l’œil curieux de tous, sans se dissimuler ni se justifier par orgueil et en restant sincère à soi-même.

Edgar Quinet a des mots impitoyables vis-à-vis de Rousseau dont l’approche de l’autobiographie l’a scandalisé, à tel point qu’il affirme se sentir trahi par l’auteur et le philosophe. Alors qu’il s’attendait à lire une autobiographie laissant apparaître la vérité, tel que l’avait annoncé Rousseau lui-même, il a réalisé que son auteur n’avait pas été honnête avec ses lecteurs et avaient abusé de leur confiance en annonçant la vérité puis en la maquillant à sa guise, selon ses intérêts. C’est la raison pour laquelle Quinet veut à son tour écrire une autobiographie plus honnête et conforme à la vérité. Il annonce ainsi qu’il ne rajoutera ni n’inventera le moindre détail. Ce faisant, il pose ouvertement la question de la nature d’une telle œuvre autobiographique, rédigée platement, sans concession ni contre-vérité: peut-il encore s’agir d’une œuvre d’art susceptible d’intéresser ou de passionner le public ? Pour lui, si l’homme se ment à lui-même et transforme la réalité, c’est pour se donner l’occasion de rêver. L’autobiographie serait-elle l’antithèse du rêve ? Quinet reconnaît aussi l’impossibilité de tout se rappeler mais veut malgré tout que ses mémoires, ou plutôt l’histoire de ses idées comme il appelle plus modestement son ouvrage, soient sincères.

Au terme de cette analyse, il convient de se poser la question de savoir s’il est possible d’écrire une autobiographie sans dériver vers la fiction, en ne disant que la vérité, tout en trouvant son public ?

Chacun des auteurs semble s’accorder à sa manière sur le fait que la vérité est le socle de toute autobiographie digne de ce nom. La vérité serait donc nécessaire pour ne pas tromper le public ni trahir ses attentes, contrairement à Rousseau.

Il est cependant étonnant de constater qu’aucun des auteurs évoqués ci-dessus ne s’est posé la question fondamentale de ce qu’est la vérité. La vérité ne peut plus être considérée aujourd’hui comme unique, objective ou dogmatique (LA vérité) ; elle est nécessairement multiple et subjective. Ainsi pour un événement unique, chaque personne qui y a assisté ou participé le rapportera ou l’interprétera à sa propre façon en y intégrant son point de vue personnel, à moins évidemment d’être supra - humain ou omniscient comme seul Dieu le serait, selon les croyants. Il ne paraît dès lors pas réaliste qu’un écrivain puisse écrire une

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