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Commentaire Composé Sur Le Meurtre De L'Arabe (Acte I, Scene 6)

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mage dansait devant mes yeux, dans l'air enflammé. Le

bruit des vagues était encore plus paresseux, plus étale qu'à midi. C'était

le même soleil, la même lumière sur le même sable qui se prolongeait ici.

Il y avait déjà deux heures que la journée n'avançait plus, deux heures

qu'elle avait jeté l'ancre dans un océan de métal bouillant. A l'horizon, un

petit vapeur est passé et j'en ai deviné la tache noire au bord de mon

regard, parce que je n'avais pas cessé de regarder l'Arabe.

J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais

toute une plage vibrante de soleil se pressait derrière moi. J'ai fait

quelques pas vers la source. L'Arabe n'a pas bougé. Malgré tout, il était

encore assez loin. Peut-être à cause des ombres sur son visage, il avait

l'air de rire. J'ai attendu. La brûlure du soleil gagnait mes joues et j'ai

senti des gouttes de sueur s'amasser dans mes sourcils. C'était le même

soleil que le jour où j'avais enterré maman et, comme alors, le front

surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la

peau. A cause de cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j'ai fait

un mouvement en avant. Je savais que c'était stupide, que je ne me

débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d'un pas. Et cette fois, sans

se soulever, L'Arabe a tiré son couteau qu'il m'a présenté dans le soleil. La

lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante

qui m'atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes

sourcils a coulé d'un coup sur les paupières et les a recouvertes d'un voile

tiède et épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et

de sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et,

indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de

moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux

douloureux. C'est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle

épais et ardent. Il m'a semblé que le ciel s'ouvrait sur toute son étendue

pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma

main sur le revolver. La gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la

crosse et c'est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a

commencé. J'ai secoué la sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais détruit

l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été

heureux. Alors, j'ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles

s'enfonçaient sans qu'il y parût. Et c'était comme quatre coups brefs que

je frappais à la porte du malheur. (Camus, L'étranger, « Le meurtre de l'Arabe »)

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