La Fortune Des Rougon
Rapports de Stage : La Fortune Des Rougon. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresné à la projection de ses peurs. Ainsi que dans la plupart des scènes d’angoisse, la lune diffuse sur l’eau « de mystérieux reflets d’étain fondu », le paysage laisse échapper « des voix humaines », « un peuple invisible et innombrable ».
Sous la plume de Zola, la nature devient anthropomorphique : à plusieurs reprises nous pouvons noter des personnifications. Les « rochers », les « pièces de terre labourées », les « prairies », les « bouquets d’arbres », les « moindres broussailles », laissent « sortir des voix humaines » si bien que « la campagne » tout entière « cri[e] vengeance et liberté. »
B – La métaphore du cours d’eau
Il semble pourtant que Zola ne veuille pas laisser son lecteur sur cette impression d’effroi instinctif. Il ne veut pas rendre la force des insurgés repoussante : elle est simplement le résultat d’un phénomène naturel.
Les masses s’organisent, la « bande » devient « bataillons », mais surtout la « route » se transforme en « fleuve ». Pour rendre compte de la force des révoltés, Zola utilise le rassemblement des petits ruisseaux. Les groupes sont collectés pour devenir un « torrent » qui grossit, « roul[e] des flots vivants », dévale la pente vers la ville en contrebas. La métaphore veut rendre compte de l’« élan superbe, irrésistible ». Les insurgés sont un cataclysme impressionnant. La référence est d’autant plus juste que le climat méditerranéen est connu pour ses torrents dévastateurs qui ravinent brusquement les terres arides en hiver. Ce grossissement impétueux est rendu par un allongement des phrases de la première à l’antépénultième.
Ainsi Zola associe-t-il la révolte des hommes aux événements naturels perturbateurs, il va même plus loin en réveillant la nature endormie dans la mort hivernale par un printemps anticipé. Cet anachronisme renforce l’insupportable injustice, et la juste colère du peuple.
C - La Marseillaise, chant républicain, condense l’âme de cette révolte, contribue à magnifier les misérables.
Plus qu’aux éléments visuels, Zola va donner de l’importance aux sons. Ce qui rend particulièrement terrifiant le groupe en marche, c’est le bruit qu’il produit. De tous temps, les armées lancées à l’assaut ont cherché à se donner du courage et à paralyser leur ennemi par les coups, les sonneries et les hurlements. Les révoltés reproduisent instinctivement ces comportements guerriers.
De même qu’au début, les groupes étaient épars avant de se regrouper en une masse compacte, de même « les chants » du début sont disparates, puis vont « enfl[er] » pour devenir « la grande voix de cette tempête humaine », équivalent sonore du torrent visuel, et s’unifier dans l’« éclat assourdissant [de] la Marseillaise ». Le terme d’éclat connote un point culminant et la sauvage beauté de l’hymne révolutionnaire.
Rappelons qu’avant d’être le « chant national » de la République française, la musique attribuée à Rouget de l’Isle fut justement le chant de marche des volontaires marseillais. C’est donc en référence à leurs illustres parents que les Provençaux reprennent doublement à leur compte la défense de l’idéal révolutionnaire.
Zola évoque cette Marseillaise comme un chant de guerre, les voix s’expriment comme des instruments de musique martiaux : « trompettes », « cuivre », « tambour que frappent les baguettes ». L’auteur amplifie l’impression sonore par des expressions hyperboliques. La clameur est « monstrueuse », elle « emplit le ciel », elle est « soufflée par des bouches géantes ». Le spectre acoustique est saturé des basses aux aigus par des voix « vibrante[s] » et « sèche[s] ».
L’hymne barbare entre en accord avec les éléments : l’écho est poétiquement transformé en voix de la nature, comme pour signifier que la cause des révoltés est légitime au point que plantes et minéraux prennent fait et cause pour elle. Une accumulation de composants du paysage crée l’« innombrable » et l’unanimité. Les phrases, qui jusqu’alors s’allongeaient progressivement, reviennent à une expression plus ramassée, au rythme binaire affectif, en guise de point d’orgue. L’avant-dernier membre met en valeur les deux termes conclusifs : « la campagne1, dans l’ébranlement de l’air et du sol, criait vengeance et liberté ».
La dernière phrase, quant à elle, produit un retournement inattendu. Le « tant que » initial met une borne temporelle à l’impression de force et de férocité léonines. Les « masses noires » sont devenues seulement une « petite armée ». Zola laisserait-il planer le doute sur la possibilité que « le rugissement populaire » puisse sérieusement inquiéter l’ordre établi, ou serait-ce que l’élan généreux initial ait perdu de son dynamisme lorsqu’il parvient en terrain découvert et plat ?
Conclusion
La nuit de l’hiver provençal produit des fantasmagories qui prennent forme en se rapprochant de l’observateur. Ces bandes d’insurgés qui descendent sur Plassans deviennent
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