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Ne Sommes Nous Pas Esclaves Des Objets Techniques?

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la nature extérieure et la modi e, il modi e sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêtons pas à cet état primordial du travail où il n'a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c'est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l'homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte. Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur. Ce n'est pas qu'il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et auquel il doit subordonner sa volonté. Et cette subordination n'est pas momentanée. L'oeuvre exige pendant toute sa durée, outre l'effort des organes qui agissent, une attention soutenue, laquelle ne peut ellemême résulter que d'une tension constante de la volonté. Elle l'exige d'autant plus que, par son objet et son mode d'exécution, le travail entraîne moins le travailleur, qu'il se fait moins sentir à lui, comme le libre jeu de ses forces corporelles et intellectuelles ; en un mot, qu'il est moins attrayant. » Karl MARX, Le Capital, livre I, section 3, chapitre VII, I

II - REMISE EN QUESTION DE LA CONCEPTION DE LA TECHNIQUE COMME CAPACITÉ DE MAITRISE La maîtrise théorique : le point de vue de l'ouvrier et de l'utilisateur

« L'objet technique a fait son apparition dans un monde où les structures sociales et les contenus psychiques ont été formés par le travail : l'objet technique s'est donc introduit dans le monde du travail, au lieu de créer un monde technique ayant de nouvelles structures. La machine est alors connue et utilisée à travers le travail et non à travers le savoir technique ; le rapport du travailleur à la machine est inadéquat, car le travailleur opère sur la machine sans que son geste prolonge l'activité d'invention. […] [L]'homme connaît ce qui entre dans la machine et ce qui en sort, mais non ce qui s'y fait : en présence même de l'ouvrier s'accomplit une opération à laquelle l'ouvrier ne participe pas même s'il la commande ou la sert. Commander est encore rester extérieur à ce que l'on commande, lorsque le fait de commander consiste à déclencher selon un montage préétabli […]. Les objets techniques qui produisent le plus d'aliénation sont aussi ceux qui sont destinés à des utilisateurs ignorants. De tels objets techniques se dégradent progressivement : neufs pendant peu de temps, ils se dévaluent en perdant ce caractère, parce qu'ils ne peuvent que s'éloigner de leurs conditions de perfection initiale. Le plombage des organes délicats indique cette coupure entre le constructeur, qui s'identi e à l'inventeur, et l'utilisateur, qui acquiert l'usage de l'objet technique uniquement par un procédé économique ; la garantie concrétise le caractère économique pur de cette relation entre le constructeur et l'utilisateur ; l'utilisateur ne prolonge en aucune manière l'acte du constructeur ; par la garantie, il achète le droit d'imposer au constructeur une reprise de son activité si le besoin s'en fait sentir. » Gilbert SIMONDON, Du mode d'existence des objets techniques, 1958, éd. Aubier, p.249–251

La maîtrise pratique : comparaison de l'homme sauvage et de l'homme civilisé

« Le corps de l'homme sauvage étant le seul instrument qu'il connaisse, il l'emploie à divers usages, dont, par le défaut d'exercice, les nôtres sont incapables, et c'est notre industrie qui nous ôte la force et l'agilité que la nécessité l'oblige d'acquérir. S'il avait eu une hache, son poignet romprait-il de si fortes branches ? S'il avait eu une fronde, lancerait-il de la main une pierre avec tant de raideur ? S'il avait eu une échelle, grimperait-il si légèrement sur un arbre ? S'il avait eu un cheval, serait-il si vite à la course ? Laissez à l'homme civilisé le temps de rassembler toutes ses machines autour de lui, on ne peut douter qu'il ne surmonte facilement l'homme sauvage; mais si vous voulez voir un combat plus inégal encore, mettez-les nus et désarmés vis-à-vis l'un de l'autre, et vous reconnaîtrez bientôt quel est l'avantage d'avoir sans cesse toutes ses forces à sa disposition, d'être toujours prêt à tout événement, et de se porter, pour ainsi dire, toujours tout entier avec soi. » ROUSSEAU, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Première partie, éd. GF, p. 174–175

La maîtrise de la nature : la question des risques et des accidents

« Bien évidemment que la technologie a des aspects positifs, mais vous n'avez qu'à ouvrir la télévision, suivre un téléthon, prendre n'importe quel livre pour constater que la publicité de la technique est partout. Par contre, la face cachée de la technique, sa négativité, est nulle part. Quand j'ai proposé il y a quelques années de faire à La Villette un musée de l'accident, l'idée a été repoussée. Quand on invente un objet technique comme le train, on invente le déraillement ; quand on invente le transport aérien, on invente la catastrophe aérienne. En France, on cache toujours ce qui fait mal, on cache toujours ce qui fait peur. [...] La technique émergente est dramaturgique. C'est le traumatisme de la naissance, c'est quelque chose qu'on ne maîtrise pas. Sans un regard clair sur cette dramaturgie, nous sommes devant des choses redoutables politiquement et culturellement. [...] La culture artistique, vous en acceptez la dramaturgie, pourquoi ne pas accepter la dramaturgie de la culture technique ? » Paul VIRILIO, «Territoire, ux et inertie — Débat » in Villes & Transports, tome 1, troisième séance « Mobilité fondatrice et mobilisations de l'espace », 1991-1992, Actes du séminaire

La maîtrise de soi : l'usage des objets techniques dans le travail

« Or, en quoi consiste la dépossession du travail ? D'abord dans le fait que le travail est extérieur à l'ouvrier, c'est-à-dire qu'il n'appartient pas à son être ; que, dans son travail, l'ouvrier ne s'af rme pas, mais se nie ; qu'il ne s'y sent pas satisfait, mais malheureux ; qu'il n'y déploie pas une libre énergie physique et intellectuelle, mais morti e son corps et ruine son esprit. C'est pourquoi l'ouvrier n'a le sentiment d'être à soi qu'en dehors du travail ; dans le travail, il se sent extérieur à soi-même. Il est lui quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il n'est pas lui. Son travail n'est pas volontaire, mais contraint. Travail forcé, il n'est pas la satisfaction d'un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. La nature aliénée du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu'il n'existe pas de contrainte physique ou autre, on fuit le travail comme la peste. Le travail aliéné, le travail dans lequel l'homme se dépossède, est sacri ce de soi, morti cation . En n, l'ouvrier ressent la nature extérieure du travail par le fait qu'il n'est pas son bien propre, mais celui d'un autre, qu'il ne lui appartient pas, que dans le travail l'ouvrier ne s'appartient pas à lui-même, mais à un autre. » Karl MARX, Manuscrits de 1844, (XXIII)

III - LES OBJETS TECHNIQUES CONSTITUENT DES FORMES DE VIE QUI NOUS CONSTITUENT Objets techniques et rôles sociaux

« Le déséquilibre des relations économiques entre les chasseurs et leurs épouses s'exprime, dans la pensée des Indiens, comme l'opposition de l'arc et du panier. Chacun de ces deux instruments est en effet le moyen, le signe et le résumé de deux « styles » d'existence à la fois opposés et soigneusement séparés. Il est à peine nécessaire de souligner que l'arc, seule arme des chasseur, est un outil exclusivement masculin et que le panier, chose même des femmes, n'est utilisé que par elles : les hommes chassent, les femmets portent. La pédagogie des Guayaki s'établit principalement sur cette grande division des rôles. À peine âgé de quatre ou cinq ans, le garçonnet reçoit de son père un petit arc à sa taille ; dès lors, il commencera à s'exercer à l'art de bien décocher la èche. Quelques années plus tard, on lui offre un arc beaucoup plus grand, des èches déjà ef caces, et les oiseaux qu'il rapporte à sa mère sont la preuve qu'il est un garçon sérieux et la promesse qu'il sera un bon chasseur. Que s'écoulent quelques années encore et vient le temps de l'initiation ; la lèvre inférieure du jeune homme d'environ quinze ans est perforée, il a le droit de porter l'ornement labial, le beta, et est alors considéré comme un véritable chasseur, comme un kybuchuété. C'est dire qu'un peu plus tard il pourra prendre femme et devra

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