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Que sur toi se lamente le tigre

Chronologie : Que sur toi se lamente le tigre. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  6 Novembre 2024  •  Chronologie  •  1 933 Mots (8 Pages)  •  26 Vues

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Socrate: lopinion 

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« Commencer à philosopher, c’est, de prime abord, mettre en question non pas seulement le contenu divers desopinions,« c'est la notion même d' « opinion personnelle» qu'il faut mettre en question» (extrait 5) – celles-ci font apparaître si pratiquement leurs contradictions qu’elles se ruinent d’elles-mêmes – mais encore le statut d’une existence qui croit qu’opinerc’estsavoiret qu’il suffit d’êtrecertainpour prétendre à êtrevrai

C’est ce que Socrate entreprend de dénoncer dans toute sa philosophie. Dans un certain sens commun, la philosophie est considérée comme l’espace privilégié de l’opinion. Il faut apprendre à défendre son opinion pour être citoyen, “à chacun son opinion“ est la formule consacrée pour parler de tolérance, etc. Pourtant, le moment fondateur de la philosophie, son véritable acte de naissance, réside en la méfiance socratique envers l’opinion, parce qu’elle prétend connaître la réalité telle qu’elle est. En d’autres termes, elle est certaine d’elle-même, «alors elle le pense, elle le connaît et elle semble posséder lintellect» (extrait 1). Le problème, dès lors, n’est pas tant d’avoir des opinions – on pourrait même dire plus, il ne semble pas possible de ne pas en nourrir – mais de se laisser abuser par leur nature en les considérant comme étant autre chose que des opinions, en étant vérités. Si opinion il y a, elle doit être prise pour telle, et par son examen, elle doit être une ouverture ou comme un levier qui amène à se mettre en quête de vérité et donc, à entrer en philosophie. «Lopinion est autre chose que la connaissance» (extrait 2) 

Lorsqu’une opinion, ainsi assurée d’elle-même, se heurte à la certitude égale de l’autre, elle s’indigne, s’enferme sur elle-même en se croyant seule vérité et reste sourde et imperméable à l’argumentation, au soin que la raison peut lui prodiguer. Deux conséquences à cette méprise: le dogmatisme  j’ai raison, tu as tort -, porteur d’une forme de violence philosophique, «qui suppose une vérité décisive qui engendre une rigidité intellectuelle et mène du même coup à lintolérance et à la violence» (extrait 4) et le relativisme «c’est ici mon avis, tu as le tien», non moins dangereuxparce quil signe également larrêt de la pensée. 

La véritable ignorance, celle que la philosophie cherche à combattre, n’est pas la non-connaissance, au sens d’une privation totale de savoir. Socrate ne dit-il pas, en effet, que sa sagesse vient de son ignorance, et que c’est cette ignorance qui le rend, lui, porteur de savoir pour les athéniens? Lignorance qui met en péril lexercice de la pensée est autre, elle est l’ignorance qui s’ignore en se pensant savoir, c’est l’opinion, non seulement qui veut faire croire qu’elle sait alors qu’elle ignore – à la manière du sophiste qui prétend pouvoir convaincre n’importe qui de n’importe quoi -, mais plus perfide encore, l’opinion en tant qu’elle ne sait pas qu’elle ne sait pas. Ne sachant pas qu’elle est ignorance, se revendiquant savoir, elle n’a aucune raison de se mettre en chemin vers la vérité et demeure dans un immobilisme stérile.  

L’opinion est ainsi un danger pour la pensée parce qu’elle est vraisemblable; n’étant pas pure ignorance, elle a lapparence de la vérité, et plus encore, elle dit certainement quelque chose de ce qui est sans pour autant dire et révéler ce qui est. Le propre du philosophe est de faire une différence entre vraisemblance et vérité, de ne pas se laisser flouer par l’opinion, mais de la questionner en se hissant vers la vérité de l’être ».  

 

François Châtelet,Platon,Gallimard, 1965. 

 

 

 

 

 

Extrait 1: Platon, République 508 d – 508 e (trad. par Leroux, Flammarion, Paris, 2004) 

 

« (…) Tu sais, repris-je, que les yeux, lorsqu’on les tourne vers ces objets colorés que n’éclaire plus la lumière du jour, mais seulement quelque lueur nocturne, perdent leur acuité et semblent devenir presque aveugles, comme si la clarté de la vision les avait quittés?  Oui, bien sûr, dit-il.  Et je pense bien que si les yeux se tournent vers des objets que le soleil illumine, ils les voient nettement, et il semble bien que la vision soit claire pour ces mêmes yeux.  Sans doute.- Conçois donc, maintenant, qu’il en est de même pour la vision de l’âme. Lorsqu’elle se tourne vers ce que la vérité et l’être illuminent, alors elle le pense, elle le connaît et elle semble posséder l’intellect. Lorsqu’elle se tourne cependant vers ce qui est mêlé d’obscurité, sur ce qui devient et se corrompt, alors elle a des opinions dans lesquelles elle s’embrouille en les revirant dans tous les sens, et on dirait qu’elle est alors dépourvue d’intellect ».  

 

Extrait 2: Platon, République 478b (trad. par Leroux, Flammarion, Paris, 2004) 

 

« - () Bien, dis-je, on voit clairement que nous nous sommes mis daccord pour dire que lopinion est autre chose que la connaissance.  Elle est différente.  Cest donc en rapport avec une chose différente que chacune delles est par nature capable de quelque chose?  Nécessairement.  Pour ce qui est de la connaissance, cest en rapport nest-ce pas avec ce qui est quelle peut connaître comment se comporte ce qui est?  Oui.  Quant à lopinion, disons-nous, elle peut opiner.  Oui.  Est-ce quelle a pour objet la même chose que la connaissance connaît? Et ce qui est connu et ce qui est opiné, est-ce la même chose, ou bien est-ce impossible?  Cest impossible, dit-il, en fonction de ce sur quoi nous sommes tombés daccord. Si lon admet que chaque capacité se rattache naturellement à un objet différent, et que lune et lautre constituent des capacités, connaissance autant quopinion, tout en étant chacune différente, comme nous laffirmons, alors en fonction de cela il n’y a pas moyen que ce qui est connu et ce qui est opiné soient la même chose. – Par conséquent, si c’est ce qui est qui est connu, alors ce qui est opiné sera autre que ce qui est?  Oui, autre.  Serait-ce alors sur ce qui nest pas quon opine? ou bien est-il impossible aussi dopiner sur ce qui nest pas? Réfléchis-y. Celui qui opine ne rapporte-t-il pas son opinion à quelque chose? ou bien est-il au contraire possible dopiner, sans opiner sur quoique ce soit?  Cest impossible.  Mais alors, celui qui opine opine donc sur quelque chose?  Oui.   Mais, par ailleurs, ce qui nest pas, serait-il plus correct de le désigner non pas comme une certaine chose, mais comme rien?  Oui, certes.  Mais nous avons rapporté, par nécessité, lignorance à ce qui nest pas, et la connaissance à ce qui est?  Avec raison, dit-il.  On nopine donc ni sur ce qui est, ni sur ce qui nest pas?  Non, en effet.- Par conséquence, lopinion ne serait ni ignorance ni connaissance.  

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