Réveiller le tigre

Les symptômes de l'état de stress post-traumatique n'apparaissent pas en une nuit, il faut parfois des mois avant les premières manifestations de ceux-ci.

Peter A. Levine dans son roman intitulé « Réveiller le tigre » propose une analyse transdisciplinaire de l’état de stress post traumatique. Pour l'auteur le traumatisme ne s'articule pas uniquement autour du caractère psychologique de celui-ci. En effet il est convaincu que le traumatisme émerge d'un réflexe instinctuel de survie communs aux espèces du monde animal. Un réflexe de survie qui aurait mal tourné, car non résolu. Le choc traumatique est caractérisé par la notion de figement que l'on retrouve chez les animaux, figement qui devrait être résolu par la fuite permettant d'échapper au danger. Le fait de ne pas échapper au danger induirait la non-résolution de cet état de figement et plongerait ainsi les personnes dans l'état de stress post-traumatique.

En lisant ce livre on comprend rapidement que la dimension biologique du traumatisme est mise en avant dans la méthode de thérapie de l'auteur car il apprend aux personnes qu'il accompagne à réinvestir leurs corps par le biais d'un concept de pleine conscience de celui-ci qu'il appelle le « felt-sense » (notion conceptualisée par Eugene Gendlin dans son livre « Focusing ») que l'on peut traduire en français par « ressenti corporel ».

Dès lors nous pourrions tous être en capacité de guérir d'un traumatisme en faisant appel aux ressources dont dispose les animaux pour surmonter les situations de danger. « Quel que soit le degré d'évolution atteint par l'être humain dans les domaines du raisonnement, du sentiment, de la planification, la construction, de l'analyse, ou de la création, il n’existe pas de substitut aux forces de guérisons subtiles et instinctuelles qui viennent de notre passé primitif. » (« réveiller le tigre » page 92). On pourrait alors se poser la question de ce qui rend l'être humain si vulnérable par rapport au traumatisme ? Pour l'auteur la réponse pourrait résider dans le fait que de nos jours la survie de chaque individu dépend plus de sa capacité à réfléchir que de sa capacité à gérer physiquement une menace. L'être humain serait alors séparé, mis à distance de sa nature animale et instinctuelle.

L'aspect psychologique de la thérapie n'est pas écarté, bien au contraire, mais il apparaît comme un levier complémentaire du « felt-sense » dans le but de résoudre le traumatisme. Boris Cyrulnik vient d’ailleurs appuyer ce que suggère Peter A. Levine dans son livre lorsqu'il décrit que les personnes en état de stress post-traumatique ne souffrent pas tant du choc en lui même mais de la représentation que la personne projette sur son propre traumatisme ce qui rendrait l'être humain particulièrement vulnérable face à celui-ci.