6ème et 1ère sous-sections réunies du Conseil d’Etat, 25 juin 2012
Commentaire d'arrêt : 6ème et 1ère sous-sections réunies du Conseil d’Etat, 25 juin 2012. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Aurélia Rodet • 27 Octobre 2015 • Commentaire d'arrêt • 2 179 Mots (9 Pages) • 2 496 Vues
RODET Aurélia
Groupe 253
TD de Droit Administratif
Séance 12
Commentaire d’arrêt :
La disparition de l’acte administration intervient généralement par abrogation, qui n’a pas d’effet rétroactif et ne vaut que pour l’avenir, ou par retrait, lequel a un effet rétroactif c’est-à-dire qu’il entraine également la disparition des effets passés de la décision. L’abrogation, qui résulte d’une décision nouvelle, permet à l’administration de modifier sa réglementation ou les actes individuels tout en garantissant une certaine stabilité des situations juridiques. En effet, comme elle ne met fin à l’acte que pour l’avenir et ne remet nullement en cause ses effets passés, elle est beaucoup moins dangereuse que le retrait pour la sécurité des relations juridiques. La question de la disparition des actes administratifs unilatéraux a fait l’objet d’une certaine évolution jurisprudentielle ces dernières années et est désormais strictement encadrée.
Nous allons ici analyser un arrêt des 6ème et 1ère sous-sections réunies du Conseil d’Etat du 25 juin 2012 intitulé « Office nationale de la chasse et de la faune sauvage contre M. Pascal ». En l'espèce, M. Pascal A, ingénieur du ministère de l'agriculture détaché à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), s'est vu allouer, d'octobre 2006 à avril 2008, une prime de risque mensuelle dont l'attribution est régie par les dispositions du décret du 29 décembre 1998 relatif au régime indemnitaire des personnels de l'Office national de la chasse et du décret du 21 décembre 2001 relatif aux primes et indemnités allouées aux fonctionnaires des corps d'agents techniques et de techniciens de l'environnement. Le 5 mai 2008, le directeur national de l'ONCFS a informé M. A qu'il n'avait pas droit au versement de cette prime qui lui avait été attribuée par erreur et que la somme totale de 5 932,89 euros, correspondant aux montants versés à ce titre depuis le mois d'octobre 2006, ferait l'objet d'un recouvrement par prélèvements opérés sur son traitement. Par une décision du 2 décembre 2008, le directeur national de l'ONCFS a rejeté la demande de M. A tendant à ce qu'il soit déchargé du reversement de la somme litigieuse. Par le jugement du 9 octobre 2009 contre lequel l'ONCFS se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Caen a, à la demande de M. A, annulé la décision du 2 décembre 2008 et condamné l'ONCFS à verser à ce dernier la somme de 5 932,89 euros correspondant aux montants récupérés sur son traitement.
La question soumise au Conseil d’Etat était de savoir si un fonctionnaire devait rembourser une prime versée par l’administration par erreur. Le Conseil d'Etat considère que le Tribunal administratif a bien motivé son jugement en établissant que le versement de cette prime de risque présentait le caractère d’une décision administrative créatrice de droits et que par conséquent, l’administration ne pouvait procéder au retrait de cet acte plus de quatre mois après son édiction. Le Conseil donne donc raison à M. A en rejetant le pourvoi de l’ONCFS donc en confirmant l’arrêt du tribunal administratif de Caen ; et en condamnant ce dernier à verser à M. A la somme de 3000 euros au titre des frais exposés sur le fondement de l’article L 761-1 du Code de justice administrative.
Plus largement, la question de droit posée dans cette affaire était la suivante : l’administration peut-elle revenir sur un acte individuel créateur de droits pour l’administré à n’importe quel moment du fait de sa propre erreur ?
Le Conseil d’Etat commence par déterminer la nature et la portée de l’acte administratif unilatéral en cause (I), afin de pouvoir lui appliquer un régime particulièrement protecteur concernant son retrait (II).
I – La qualification de l’acte administratif unilatéral créateur de droits
Avant de s’intéresser au régime juridique de la disparition d’un acte unilatéral, il faut caractériser la nature de l’acte initial sur lequel l’administration souhaite revenir (A), puis s’intéresser à sa portée et donc à sa valeur (B).
A – La qualification l’acte unilatéral en question
Un acte administratif peut être individuel ou réglementaire, il faut ici faire la distinction puisque c’est de celle-ci que découlera le régime juridique de ces actes. Une décision individuelle édicte une norme ayant pour destinataire une ou plusieurs personnes nommément désignées, quels que soient leur nombre ou leur nature ; qu’elles soient privées ou publiques. A l’inverse, un acte réglementaire édicte une norme générale s’adressant à une ou plusieurs personnes désignées de façon abstraite par leur situation, leur statut ou leur fonction. En l’espèce, il s’agit d’une prime de risque mensuelle allouée à M. A, ingénieur du ministère de l’agriculture détaché à l’ONCFS sur le fondement du décret du 29 décembre 1998 relatif au régime indemnitaire des personnels de l’ONCFS et du décret du 21 décembre 2001 relatif aux primes et indemnités allouées aux fonctionnaires des corps d’agents techniques et de techniciens de l’environnement. De ce fait, cette prime consiste bien en l’édiction d’un acte individuel puisque les personnes pouvant en bénéficier sont nommément désignées.
De plus, l’acte est le plus souvent explicite et formalisé par un document écrit. Le Conseil d’Etat dans un avis du 3 mai 2004, Fort, avait énoncé concernant les règles du retrait que « doit être assimilée à une décision explicite accordant un avantage financier celle qui, sans avoir été formalisée, est révélée par des agissements ultérieurs ayant pour objet d’en assurer l’exécution ». Autrement dit, même si l’acte n’a pas été formalisé, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de document écrit, le simple fait qu’il soit accompli par des « agissement ultérieurs » permet de l’assimiler à une décision explicite. Concernant les avantages financiers, comme dans l’affaire, le versement d’une prime mensuelle caractérise la décision explicite de l’acte.
B – Le principe du respect des droits acquis par les administrés sur le fondement d’une décision unilatérale
Le Conseil d’Etat a décidé que c’était à bon escient que le Tribunal administratif de Caen avait relevé que la décision d’octroyer une prime à M. A était une décision administrative créatrice de droits afin de motiver son jugement. En effet, sont créateurs de droits les actes qui confèrent à l’administré des droits définitivement constitués et donc insusceptibles d’être remis en cause. Ils ne peuvent résulter que d’actes individuels. Dans un arrêt du 6 novembre 2002, Madame Soulier, le Conseil d’Etat est revenu sur une ancienne jurisprudence et considère que désormais les décisions qui accordent un avantage financier aux administrés sont créatrices de droits. L’arrêt de section du Conseil d’Etat du 12 octobre 2009, Fontenille, précise qu’« une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage ».
L’arrêt du 25 juin 2012 reprend donc cette jurisprudence pour qualifier la décision en cause dans ce litige. En effet, la prime allouée à M. A s’est avérée être illégal en ce que ce dernier ne remplit pas les conditions nécessaires à l’attribution de cette prime. Or, depuis octobre 2006 M.A se voyait verser cette prime de risque alors même que dès le début il ne remplissait pas les conditions, ce n’est donc pas un changement de situation, de droit ou de fait, qui a rendu la décision illégale ; elle l’était dès le départ. De ce fait, si l’on en suit la jurisprudence antérieure, cette décision est bien créatrice de droit quand bien même l’administration a commis une erreur.
Par ailleurs, l’ONCFS qui expliquait sa décision de mettre fin à la prime et même d’obtenir répétition de celle-ci, sur le fait que l’acte était illégal dès le départ et que M. A ne remplissait pas les conditions nécessaires pour l’obtention d’une telle prime est logiquement irrecevable pour des raisons de sécurité juridique. L’administration ne peut pas accorder des droits puis les supprimer aussi simplement, cela causerait de l’instabilité juridique et serait contraire aux principes fondamentaux du droit.
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