Le rôle du conseil constitutionnel sous la Vème République
Dissertation : Le rôle du conseil constitutionnel sous la Vème République. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar etudiant-droit • 3 Avril 2016 • Dissertation • 3 663 Mots (15 Pages) • 1 899 Vues
Selon les termes de François Luchaire, le Conseil Constitutionnel semble avoir été conçu dans le but de lancer « un canon braqué contre le Parlement. »
Le Conseil Constitutionnel est une institution française qui voit le jour sous l’égide de la Constitution du 04 Octobre 1958, mais n’est véritablement installé qu’en Mars 1959. Historiquement, la France se classe parmi les dernières démocraties occidentales à instituer un tel organe. C’est sous l’impulsion de Hans Kelsen, en 1830, que l’Autriche fut la première à établir une Cour constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel français est composé de 9 membres, (dont trois sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale et trois par celui du Sénat), pour un mandat de neuf ans, et sont renouvelés par tiers tous les trois ans. Il compte également les membres de droit (ils sont membres à vie), que sont les anciens Président de la République, bien que la plupart n’y aient pas siégé, du moins pas de façon continue.
Dans l’esprit des constituants, le rôle du Conseil Constitutionnel était cantonné à défendre le champ de compétence du gouvernement contre les empiètements du Parlement. En effet, il s’apparentait alors à un pur instrument du parlementarisme rationnalisé voulue par le Général de Gaulle. Dès lors, le Conseil avait pu être assimilé à un « chien de garde de l’exécutif », mais n’en était pas pour autant un organe majeur. En revanche, l’évolution qu’a connu le Conseil permet aujourd’hui de le considérer comme un organe occupant une place prépondérante au sein des Institutions de la Vème République. En 1988, François Mitterrand, alors Président de la République, s’était exprimé à l’occasion d’une interview pour la revue Pouvoir, affirmant que : « disposant de grands pouvoirs, le Conseil constitutionnel doit à tout prix éviter de s’ériger en gouvernement des juges. »
D’ailleurs, si le Conseil Constitutionnel français n’a pas été conçu pour être placé au sommet de la hiérarchie des tribunaux (administratifs, où judiciaires), contrairement à d'autres tribunaux compétents en matière constitutionnelle, tel que la Cour Suprême aux Etats-Unis ; c’est précisément afin d’éviter d’aboutir à « un gouvernement des juges », auquel De Gaulle était particulièrement hostile puisque il l’assimilait à une dérive américaine, alors qu’à ses dires « la seule Cour suprême, c’est le peuple. »
Bien que son rôle se soit considérablement accru, il n’en demeure pas moins que le Conseil s’auto pose des limites dans l’exercice de ses fonctions. Dans une décision du 06 Novembre 1962, relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, le Conseil argue que le contrôle des lois adoptées par le peuple à la suite d’un référendum était exclu de sa compétence dans la mesure où de telles lois « constituent l’expression directe de la souveraineté nationale. » De même, à travers une décision du 15 Janvier 1975, il a pu affirmer que son rôle n’était pas de faire prévaloir son opinion sur la volonté du législateur, appuyant ses dires sur le fondement de la Constitution, cette dernière ne lui attribuant pas « un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen. »
L’avènement de cet organe a suscité à maintes reprises diverses remontrances. Concernant la critique émise par ses adversaires, elle réside dans le fait qu’ils voyaient en cette institution un autre moyen d’anéantir la souveraineté parlementaire. Par ailleurs, même les défenseurs du contrôle de constitutionnalité éprouvaient une grande déception face à la conception de cet organe, tout d’abord eu égard de l’institution elle-même. En effet, malgré la multiplicité de ses attributions, le contrôle de la loi « ne paraissait pas tenir la place essentielle », selon les termes de Jean Rivero ; aussi, le mode de désignation des membres ne garantissait ni leur compétence juridique, ni leur indépendance vis-à-vis des assemblées ou du président. Ensuite, la contestation du Conseil, portait sur sa saisine. En effet, comme le souligne à juste titre Jean Rivero, il apparaissait invraisemblable que « les deux chefs de l’Exécutif, inspirateurs, dans le nouveau régime, de la quasi-totalité des lois, et les présidents des assemblées dont la majorité aurait adopté le projet à elles soumis, seraient amenés à en contester devant le Conseil, la constitutionnalité. » Enfin, les modalités de contrôle étaient également sujets à polémique, car aucun contrôle a posteriori n’était établie par la Constitution, et les délais d’action était réputés trop brèves.
L’intérêt du sujet réside ainsi dans la compréhension de l’évolution de la place occupée par le Conseil Constitutionnel au long de la Vème République.
C’est pourquoi il s’avère intéressant de comprendre comment s’est renforcé cet organe au cours de la Vème République ?
Ce faisant, il convient d’abord d’observer les compétences attribuées au Conseil Constitutionnel (I), avant de mettre en évidence sa montée en puissance dans la vie institutionnelle de la Vème République. (II)
I. Les missions inhérentes au Conseil Constitutionnel
La Constitution du 04 Octobre 1958 confère principalement au Conseil Constitutionnel un rôle d’arbitre : il doit veiller à ce que chaque organe ne déborde pas de sa sphère de compétence (1), mais lui attribue par ailleurs un rôle consultatif, pouvant le conduire à être le juge des élections. (2)
1. Le Conseil ou le juge régulateur des compétences
Les IIIème et IVème République, marquées par un légicentrisme sans bornes, réduisaient le pouvoir réglementaire à un pouvoir d’application des lois élaborées par le Parlement. La Vème République vient quant à elle marquer une rupture avec la toute-puissance législative, en cantonnant les domaines d’action du pouvoir législatif à l’article 34 de la Constitution. Ainsi, tout ce qui n’appartient pas au « domaine réservé de la loi » relève ainsi du pouvoir réglementaire, aux termes de l’article 37 de la Constitution. Ainsi, le Conseil Constitutionnel s’est vu devenir le véritable protecteur des éventuels « débordements » du pouvoir législatif dans le domaine réglementaire. Dès lors, la protection du domaine réglementaire fut assurée par ce jeune organe, à la demande exclusive du Gouvernement, sur le fondement des articles 37, 41 et 61.
L’article 37-2 de la Constitution prévoit le déclassement d’une disposition de caractère réglementaire intégrée dans un texte de loi. Si le texte que l’on entend modifier est intervenu antérieurement à la Constitution de 1958, il suffit simplement de le modifié par décret pris en Conseil d’Etat. S’il est postérieur à la Constitution, la saisine du Conseil d’Etat doit être précédée de la consultation du Conseil constitutionnel ou de sa déclaration du caractère réglementaire de la disposition en cause : elle est dans ce cas susceptible de perdre sa valeur législative pour acquérir une valeur réglementaire.
L’article 41 dispose qu’au cours d’une procédure législative, si une proposition de loi ou un amendement parlementaire empiète sur le domaine réglementaire, le gouvernement où le président de l’assemblée saisie peut opposer l’irrecevabilité. En cas de désaccord entre le gouvernement et le président de l’assemblée saisie, le Conseil Constitutionnel doit alors statuer, dans un délai de 8 jours.
L’article 61 de la Constitution prévoit quant à lui l’obligation d’un contrôle a priori pour les lois organiques, et les règlements des assemblées parlementaires. En effet, les pères de la Constitution redoutaient que le Parlement, par l’intermédiaire des lois organiques, puisse modifier l’équilibre des pouvoirs. C’est pourquoi, par l’article 61, les lois organiques sont obligatoirement soumises au Conseil Constitutionnel avant leur promulgation. Concernant les règlements des assemblées parlementaires, Michel TROPER les définit comme étant non pas une loi, mais « une simple résolution par laquelle une assemblée parlementaire détermine les modalités de son organisation et de son fonctionnement. » Dans la même méfiance causée par l’expérience de IIIème et IVème République, (les règlements des assemblées parlementaires leur permettaient de s’octroyer des pouvoirs inexistants au regard de la Constitution), le constituant de 1958 a rendu obligatoire le fait de soumettre ces règlements avant leur mise en application. De même, le Conseil a pu décider que ceux-ci avaient pour unique objet l’organisation et le fonctionnement des assemblées parlementaires, la procédure législative et le contrôle du gouvernement, et censure donc toutes dispositions contraires à ces objets.
Si le Conseil veille à l’effectivité du respect de la protection du domaine réglementaire, pour autant, il refuse de frapper d’inconstitutionnalité une loi qui contiendrait des dispositions réglementaires. C’est en effet, par une décision du 30 Juillet 1982 (n°82-143 DC) qu’il a jugé « que par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution n’a pas entendu frapper d’inconstitutionnalité
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