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Commentaire de l'article 1168 du code civil

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Par   •  2 Avril 2018  •  TD  •  2 504 Mots (11 Pages)  •  4 154 Vues

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Commentaire de l’article 1168 du Code civil

L’article 1168 du Code civil traite du régime général du défaut d’équivalence entre les prestations. Sur ce point, la réforme du 10 février 2016 n’a pas fait œuvre d’originalité. Elle se contente de reprendre les règles préexistantes. En substance, l’article 1168 pose un principe d’indifférence quant au défaut d’équivalence entre les prestations au stade de la formation du contrat, tout en réservant la possibilité au législateur de prévoir des exceptions. Cet article s’inscrit logiquement dans une sous-section 3 relative au contenu du contrat, car il porte sur les prestations des parties. Plus précisément, le défaut d’équivalence entre les prestations renvoie, au sein du contenu du contrat, à une question relative à l’équilibre contractuel.

        La question de l’équilibre contractuel met en balance plusieurs principes contradictoires. D’un côté, la liberté contractuelle, qui autorise les parties à déterminer librement le contenu du contrat, milite en faveur d’une indifférence au regard du défaut d’équivalence entre les prestations. Une telle indifférence favorise par ailleurs la sécurité des transactions. D’un autre côté, on peut hésiter à consacrer une liberté absolue en faveur des parties. Il peut paraître illégitime de permettre à l’une d’entre elle de tirer un avantage excessif de son cocontractant. Il conviendrait alors d’introduire certains garde-fous afin d’assurer un minimum de justice contractuelle. À ce titre, on pourrait penser que la prise en compte du défaut d’équivalence entre les prestations constituerait un tel garde- fou.

        Toutefois, s’agissant de contrôler la valeur des prestations, il peut paraître difficile de garantir un parfait équilibre. En effet, la valeur d’une chose s’avère subjective, car elle dépend dans une large mesure de la volonté des parties. Tout le monde n’est pas prêt à donner la même chose en contrepartie d’une prestation. Ainsi, l’accessoire porté par une célébrité n’aura que peu de valeur aux yeux de la plupart des gens mais le fan serait sans doute prêt à le payer très cher. Étant donné que la valeur d’une chose est difficile à apprécier, on peut penser que les interventions du juge fondées sur la valeur risqueront d’être arbitraires. Il peut donc paraitre logique de réduire les pouvoirs du juge en la matière.

        Compte tenu de ces impératifs contradictoires, quel est alors le régime général du défaut d’équivalence entre les prestations instauré par l’article 1168 du Code civil ?

        Le régime posé par cet article se caractérise tant par son champ d’application (I) que par le traitement qu’il impose au défaut d’équivalence entre les prestations (II)

         

        I : Le champ d’application du défaut d’équivalence entre les prestations

        On peut distinguer le champ d’application quant au type de contrats concerné (A), et le champ d’application quant à l’objet du déséquilibre traité (B).

        A : La champ d’application quant au type de contrats

        L’article 1168 semble limiter la portée de la règle qu’il pose aux « contrats synallagmatiques ». Ces derniers renvoient aux contrats qui font naître des obligations réciproques entre les parties. C’est le cas du contrat de vente ou du contrat de bail par exemple. Ils s’opposent aux contrats unilatéraux qui ne font naître d’obligations qu’à la charge d’une seule des parties. Ces définitions résultent de l’article 1106 du Code civil.

Une telle mention au sein de l’article 1168 appelle deux remarques.

        D’un côté, on peut penser que la mise en œuvre de la règle posée par l’article 1168 aux contrats synallagmatiques se justifie pleinement, et cela qu’il s’agisse d’un contrat aléatoire ou d’un contrat commutatif. S’agissant des contrats aléatoires, on peut remarquer que la solution retenue par l’article 1168 se justifie d’une manière autonome. En ce qui les concerne, « l’aléa chasse la lésion ». Les avantages et les pertes que les parties tireront du contrat ne sont pas connus dès l’origine mais dépendent d’un évènement futur et incertain. Il est donc difficile d’apprécier dès la formation du contrat si les prestations sont équivalentes. S’agissant des contrats commutatifs, on peut remarquer que l’article 1108 alinéa 1 du Code civil les définit comme les contrats dont les prestations réciproques sont tenues pour équivalentes. Autrement dit, dans un tel contrat, les prestations sont, par définition, regardées comme des équivalents. La solution est logique et tient compte du fait que la valeur d’une prestation dépend dans une large mesure des besoins et des attentes de celui qui s’engage. Il n’y a donc pas lieu de vérifier le défaut d’équivalence entre les prestations, puisque celles-ci sont réputées d’égale valeur.

        D’un autre côté, si la mise en œuvre de la règle posée par l’article 1168 du Code civil aux contrats synallagmatiques se justifie pleinement, on peut estimer qu’il n’était pas nécessaire d’y faire référence. En précisant que l’indifférence quant au défaut d’équivalence entre les prestations vaut pour les contrats synallagmatiques, l’article laisse place à une lecture a contrario selon laquelle le défaut d’équivalence serait une cause de nullité dans les contrats unilatéraux. Or, une telle lecture est invraisemblable voire dangereuse. Tout d’abord, s’agissant des contrats unilatéraux à titre gratuit, c’est-à-dire, ceux pour lesquels une seule partie tire avantage du contrat (article 1107 alinéa 2 du Code civil), l’analyse a contrario apparait peu crédible. Ces contrats sont par principe déséquilibrés, puisqu’une seule des parties profite du contrat au dépend de l’autre. Dire que le défaut d’équivalence entre les prestations constitue une cause de nullité dans les contrats unilatéraux reviendrait à interdire de façon générale les contrats unilatéraux à titre gratuit. La solution est absurde et on peut sereinement écarter cette interprétation de l’article 1168. S’agissant, ensuite, des contrats unilatéraux à titre onéreux, ceux pour lesquels les parties tirent un avantage réciproque du contrat (article 1107 alinéa 1 du Code civil), la lecture a contrario apparait dangereuse. Doit-on considérer que le juge peut désormais annuler un contrat de prêt entre particuliers assorti d’une stipulation d’intérêts au motif que le taux d’intérêt choisi ne formerait pas l’équivalent de la prestation du prêteur ? La solution parait envisageable à la lecture de l’article 1168. Il y a donc un risque que la juge s’arroge un nouveau pouvoir par le biais de cet article.

        Compte tenu de notre seconde remarque, il n’est pas sûr que la référence aux « contrats synallagmatiques » soit véritablement pertinente dans cet article. Le législateur aurait pu se contenter de dire que le défaut d’équivalence entre les prestations n’est pas une cause de nullité à moins que la loi n’en dispose autrement.

        Une fois identifié le champ d’application quant au type de contrats concerné, il convient de délimiter le champ d’application de l’article 1168 quant à l’objet du déséquilibre traité. En effet, cet article ne traite pas de l’ensemble des situations de déséquilibre contractuel, mais d’un type de déséquilibre en particulier.         

        B : le champ d’application quant à l’objet du déséquilibre

        L’article 1168 du Code civil porte sur « le défaut d’équivalence des prestations ». Celui-ci constitue la notion principale de l’article. Pour comprendre en quoi consiste cette notion, on peut tout d’abord chercher à la définir par elle-même, avant de l’opposer à la notion voisine que constitue le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Tout d’abord, si l’on se concentre sur la notion proprement dite, en faisant abstraction des notions voisines, on peut dire que le défaut d’équivalence renvoie à un déséquilibre en valeur. Le terme « équivalence » signifie en effet dans le langage courant « de valeur égale ». En droit des contrats, il s’agit d’apprécier, dans la plupart des cas, l’adéquation du prix fixé par le contrat par rapport à une prestation en nature. Par exemple, il pourrait s’agir de contrôler l’adéquation du prix de vente au bien vendu, ou l’adéquation du prix d’une prestation de service par rapport au service fourni. Il résulte de l’article 1168 du Code civil que le droit positif ne contrôle pas en principe l’adéquation du prix à l’objet de l’obligation de l’autre partie. Cette réticence à contrôler la valeur des prestations peut s’expliquer par le caractère subjectif d’une évaluation. La valeur dépend en effet du désir ou des besoins des parties au contrat. Il est difficile de la fixer objectivement. Au demeurant, cette réticence s’illustre à travers d’autres règles du droit commun des contrats. Ainsi, on peut remarquer que le droit positif se refuse à prendre en compte l’erreur sur la valeur des prestations.

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