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Commentaire des articles 4 et 5 du Code civil

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Par   •  21 Novembre 2023  •  Commentaire de texte  •  3 273 Mots (14 Pages)  •  252 Vues

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Lafilé-Beuvin Robin                                                                                                               droit privé

Commentaire

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séance 8


Commentez les articles 4 et 5 du Code civil.


     <<La bouche qui prononce les paroles de la loi>>, c’est bel et bien ce que souhaitait Montesquieu concernant le rôle du juge. Ce temps est révolu, ou du moins, ce rôle a beaucoup changé, notamment à l’heure de notre époque contemporaine.

      Tout d’abord : En France, l’adoption du Code civil intervient sous le règne de Napoléon Ier. L’objectif premier de cette codification était d’unifier le droit français jusqu’alors divisé en deux, avec au Nord un droit coutumier et au Sud un droit écrit. Les rédacteurs de ce code sont Portalis, Tronchet, Bigot de Préameneu et Maleville. Dans les faits, cette codification devait aboutir à l’unification, dans un même texte, de l’ensemble des règles existantes en matière civile. Elle a été à l’origine d’un mouvement de codification en France, mais également à l’étranger. Cette codification a également permis de limiter le rôle des juges qui, sous l’Ancien Régime, disposaient d’un pouvoir très large, notamment à travers les arrêts de règlement. De même, il n’était pas rare que les juges se fondent sur l’équité pour trancher les litiges. C’est l’avènement du légalisme, matérialisé par l’adoption du Code civil. C’est par le légalisme que l’on a mis un terme à ces différentes pratiques.

     Depuis son adoption en 1804, le Code civil a été modifié à de très nombreuses reprises. En dépit de ces modifications, un nombre important de dispositions d’origine est encore présent. Si ces dispositions sont en principe toujours appliquées, certaines sont en revanche désuètes et conservent uniquement une valeur symbolique. S’il apparaît exagéré de parler de désuétude concernant les articles 4 et 5 du Code civil, il convient toutefois de remarquer que les juges passent régulièrement outre les principes instaurés par eux. Ces articles 4 et 5 sont l’objet de notre étude. Le premier de ces deux textes dispose que « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice », tandis que le deuxième prévoit que « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Ils se situent au sein du Titre préliminaire intitulé « De la publication, des effets et de l’application des lois en général ». Il s’agit d’articles présents dès l’entrée en vigueur du Code civil le 21 mars 1804. Ces derniers semblent encadrer le rôle du juge. Légitimement, on peut donc se demander : Comment l’association des articles 4 et 5 du Code civil se fait-elle sur le plan théorique comme sur le plan pratique. Tout d’abord, à en regarder leur disposition, la combinaison de ces articles s’annonce complexe (I).  C’est quand vient le moment de leur application en pratique que cela se confirme. (II)

I] Les articles 4 et 5 du Code civil : un assemblage complexe.

     Au regard de leur disposition, la combinaison des deux articles 4 et 5 du Code civil s’annonce difficile. Afin de comprendre cette difficulté d’assemblage, nous étudierons les dispositions de chacun. A savoir que tandis que l’un interdit tout déni de justice, (A) forçant l’interprétation du juge en cas de loi lacunaire, donc une forme de création de la loi, l’autre prohibe les arrêts de règlements.(B)

A] Le juge face au déni de justice

    L’article 4 est clair : le juge ne peut refuser de juger. Toutefois nous approfondirons ses dispositions, étudiant premièrement la notion de déni de justice alors précisée dans le texte(1). Enfin, il s’agira de relever les particularités supplémentaires de l’article 4.(2)

     Tout d’abord, (1) selon l’article 4 du code civil, le juge peut être “coupable de déni de justice” : c’est s’il ne tranche pas le litige. L’article L141-3 du Code de l’organisation judiciaire définit alors le déni de justice comme le fait pour les juges de refuser de “répondre aux requêtes ou de négliger de juger les affaires en état et en tour d’être jugées”. Pour le juge, c’est un manque à son devoir de rendre la justice. De même, l’article L 141-1 du Code de l’organisation judiciaire engage la responsabilité civile de l’Etat qui est alors tenu de payer des dommages et intérêts pour les préjudices survenus en raison de ce déni. Ce n’est pas tout puisque le déni est aussi réprimé en matière pénale selon l’article 4434-7-1 du Code pénal. Le juge encourt alors 7500 euros d’amende et une interdiction d'exercer ses fonctions publiques pendant 5 à 20 ans. En outre, il convient de mentionner que le déni de justice, c’est aussi quand deux décisions distinctes, rendues à l’égard d’un même justiciable, aboutissent à une situation inconciliable. Et justement, l’art 4 du Code civil ne vise pas un tel cas de figure. Dans les faits, il ne sanctionne que le déni de justice qui serait effectué “sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi”. Une fois le déni de justice défini, il est à nous d’approfondir les particularités de l’article 4.

     Ensuite, l’article 4 se découpe en 3 particularités distinctes. (2) Premièrement, on parle du “silence” de la loi. Cela implique que le législateur n’a adopté aucune disposition sur une question litigieuse. Justement, force est de constater qu’avec les progrès technologiques, beaucoup de situations inédites naissent, les juges doivent trancher le litige alors que le législateur lui-même ne s'est pas encore positionné sur le sujet. D’autre part, ce silence de la loi peut être défini comme un “vide juridique”. D’après le vocabulaire juridique de l’Association Henri Capitant, il s’agit d’une lacune non intentionnelle du droit (en une matière juridiquement relevante) dont le comblement incombe in casu au juge”. Deuxièmement, quant à “l’obscurité” de la loi. La loi peut ne pas être suffisamment claire, ni assez précise. Ce cas de figure est très fréquent. En effet, le législateur a souvent l’usage de notions très vagues pouvant faire l’objet d’interprétations multiples. Enfin, quant à “l’insuffisance” de la loi. C’est lorsque la législation répond partiellement à un problème. Ainsi l’article 4 impose aux juges de trancher les litiges ; peu importe la qualité de la loi, il l’interprétera. L’interprétation peut à ce titre incarner une forme de création de la loi. Tout justement,  nonobstant cette obligation de trancher les litiges à force d’interprétation, les rédacteurs du Code civil de 1804 ont posé une interdiction qui semble s’opposer à cet article. : l’article 5 interdit aux magistrats le prononcé d’arrêts de règlement, prohibant tout pouvoir créateur de droit au juge.

B) Le juge face aux arrêts de règlement

Les arrêts de règlement sont prohibés pour le juge en vertu de l’article 5 du Code civil. Ainsi, il convient de rappeler la ratio legis dudit article(1) et d’en déterminer davantage son étendue. (2)

     L’article 5 du Code civil dispose que les juges ne peuvent pas se “prononcer par voie de disposition générale et réglementaire”. Comme énoncé précédemment, cette disposition semble s’opposer avec celle de l’article 4. Afin de comprendre les raisons et enjeux de son adoption, il faut rappeler ce que l’Histoire a fait en ce sens. (1) Avant la Révolution française, les Parlements pouvaient rendre des arrêts de règlement. C’étaient des autorités avec une compétence géographique limitée, ils disposaient de pouvoirs politiques, économiques, juridiques ou même administratifs : ils n’avaient pas un rôle limité à rendre la justice.  Pour ce qui est des arrêts de règlement, il ne s'agissait pas de décisions de justice : ces arrêts constituaient des actes réglementaires rendus en dehors de tout litige, et ce afin de poser une règle juridique générale applicable de manière systématique pour une situation déterminée. Par contre, aujourd’hui, au visa de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, de tels éléments seraient contraires au principe de séparation des pouvoirs. Poursuivant dans l’Histoire, il y eut la suppression des Parlements, les arrêts de règlement ont donc aussi été amenés à disparaître. L’article 5 a bel et bien appuyé cette disparition. Et cette dernière peut se justifier pour des raisons politiques. Concrètement, Napoléon, dans sa conquête de l’ensemble des pouvoirs, cherchait à éviter l’émergence d’un contre-pouvoir. Par ailleurs, la prohibition des arrêts de règlement n’est pas une finalité au sens de l’article 5, il demeure également une conséquence similaire pour les arrêts de principe.

(2) Il est possible de comparer les arrêts de règlement aux arrêts de principe rendus par les juges. On fait alors référence à l’interdiction de prononcer par voie de “disposition générale”.  Les arrêts de principe sont généralement rendus par les Hautes juridictions, soient le Conseil d’Etat pour l’ordre administratif ou la Cour de cassation pour l’ordre judiciaire. Ces arrêts posent des règles applicables au litige en cours, mais également à d’autres cas en vertu d’un raisonnement par analogie. Cependant, pour revenir à l’article 5 du Code civil, son objectif est d’interdire aux magistrats de poser des principes généraux en se prononçant par “voie de disposition générale”. Par conséquent, l’article 5 interdit aux juges d’agir en tant que législateurs en créant des règles de droit générales, abstraites, ou obligatoires. Quant à leur nature, juridique ou réglementaire, les arrêts de principe et de règlement diffèrent. Mais parce qu’ils visent à générer des règles générales applicables à de nombreuses situations, ils sont identiques, sur le fond. Ainsi l’interdiction disposée par l’article 5 semble claire. Toutefois, on aurait pu imaginer un nuancement de la part des rédacteurs du Code civil puisque désormais cette disposition s’oppose à celle de l’article 4. La définition même du rôle du juge perd en précision.

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