Nul n'oserait prétendre que le service public et le droit communautaire entretiennent des relations marquées du sceau de la convivialité. Leurs rapports sont, pour le moins, quelque peu tendus. Cette tension est particulièrement sensible en France, probablement en raison de l'importance accordée par le droit administratif à l'institution du service public, mais également à une tradition d'interventionnisme étatique davantage affirmée que dans la plupart des autres Etats de l'Union européenne. On souligne le peu d'attention portée dans le Traité de la Communauté européenne au service public[pic 2](2). On s'inquiète des intentions réelles ou supposées des instances communautaires. On instruit le procès d'un libéralisme excessif, incapable de reconnaître, de préserver et encore moins de promouvoir les exigences de l'intérêt général. On dénonce l'influence délétère des modes de pensée anglo-saxons étrangers à nos conceptions. On affirme la spécificité d'un « service public à la française »[pic 3](3) dont l'intégrité serait menacée. On se persuade d'être les seuls ou à peu près dans l'Union à vouloir assumer la défense du service public.
L'emphase qui a pu marquer ce discours, son tour parfois polémique, la passion qui l'anime souvent, les calculs qu'il dissimule fréquemment, n'autorisent pas à méconnaître la réalité et le sérieux de nombre des questions discutées. Il serait d'ailleurs injuste de mettre tous les torts à la charge des zélateurs du service public. Les institutions de l'Union, singulièrement la Commission ont probablement une part de responsabilité. Comment ne pas comprendre l'inquiétude qu'a pu susciter la préférence presque systématiquement donnée par la Commission à une terminologie excluant toute référence au service public et être tenté d'en déduire une récusation du concept lui-même, sans que la préoccupation d'une neutralité sémantique évitant des références à un vocabulaire trop marqué par l'un des droits nationaux ait été perçue comme suffisante[pic 4](4) ? Comment ignorer que, du moins dans un premier temps, l'attitude de la Commission a pu laisser croire à une attention insuffisante aux impératifs de service public en raison de sa volonté de faire prévaloir les lois du marché dans l'espace communautaire[pic 5](5) ? Comment ne pas relever une propension à surestimer des solutions adoptées outre-Atlantique et, parfois transposées en Grande-Bretagne avec des fortunes incertaines[pic 6](6), sans toujours s'interroger sur leur compatibilité avec l'histoire, les mentalités et les réalités du continent européen, alors même leur efficacité avait pu être mise en cause là même où elles avaient été conçues et expérimentées, pour aboutir parfois à plus de sévérité que le droit antitrust américain[pic 7](7) ? Comment ne pas observer que des commentateurs, nullement de parti pris à l'encontre de l'action de la Communauté, aient pu considérer que des orientations de la Commission allaient, dans certains cas, au-delà d'une lecture raisonnable des prescriptions du droit communautaire[pic 8](8) ? Comment ne pas constater que, si dans l'ensemble la Cour de justice a soutenu la politique de la Commission, elle s'est, progressivement, montrée soucieuse de lui assigner des limites qui d'ailleurs n'étaient pas absentes du Traité de la CE E[pic 9](9) ? Comment ne pas noter que les initiatives politiques visant à faire reconnaître les nécessités du service public, voire à leur conférer un rang égal à celui réservé dans le Traité au principe de concurrence[pic 10](10), sont venues du Parlement européen[pic 11](11) ou de certains Etats[pic 12](12), la Commission, donnant davantage l'impression de vouloir s'en tenir à un esprit d'étroite orthodoxie[pic 13](13) ? Mais l'équité exige de reconnaître qu'elle pouvait craindre que, la défense du service public serve à dissimuler la défense d'intérêts nationaux, en particulier ceux de monopoles, incompatibles avec les intérêts supérieurs de la Communauté[pic 14](14).
Le débat a effectivement souffert de s'être engagé sur le terrain de la légitimation des monopoles étatiques. Cette approche était probablement inévitable tant il est évident que l'octroi de droits exclusifs à un organisme chargé d'un service public heurtait de front les principes fondateurs de la « Constitution économique de la Communauté »[pic 15](15) que sont la liberté des échanges de marchandises, celle de prestation des services et de la concurrence. Pourtant, s'ils sont fréquemment associés, le service public et le monopole ne sauraient être confondus[pic 16](16). Des monopoles publics sont étrangers à l'exercice d'une activité de service public, des services publics fonctionnent en dehors de tout monopole public[pic 17](17). Rares sont les cas où l'objet du service impose par nature le recours au monopole d'Etat. Enfin l'établissement d'un régime d'exclusivité est souvent justifié par des considérations qui, pour être importantes, ne sont pas essentielles, au nombre desquelles figure le souci d'assurer le financement d'activités exercées dans des conditions qui ne sauraient être rentables. Aussi, ne saurait-on exclure que ces préoccupations, spécialement celles relative à l'équilibre économique et financier du service public, puissent trouver d'autres réponses moins attentatoires aux règles communautaires que le recours au monopole, mêmes si elles impliquent une révision substantielle des conceptions encore largement dominantes dans le droit administratif français[pic 18](18).
Pour l'essentiel, le droit communautaire oblige à apprendre à penser le service public dans un environnement concurrentiel. Il serait cependant exagéré de voir dans ce droit la seule cause d'une évolution qui se constate dans des contextes différents[pic 19](19). Des contraintes technologiques, économiques ou géopolitiques exercent une pression souvent déterminante dans le sens d'une modernisation des services de réseau en particulier dans des domaines comme celui des télécommunications, spécialement en affectant la crédibilité des monopoles publics[pic 20](20).
L'objet de cette étude ne se confond ni avec la question de la « démonopolisation », ni avec celle de la soumission des activités économiques des personnes publiques aux règles de concurrence, même si leurs relations sont certaines. Son propos est de rechercher si le droit communautaire parvient à concilier, dans des conditions satisfaisantes, les exigences du service public avec celles de la concurrence.
Il n'est, certainement pas sans intérêt de noter que le droit français a paru vouloir s'engager dans une voie semblable à celle suivie du droit communautaire en prenant appui sur l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui rend les règles de concurrence applicables aux activités économiques des personnes publiques. La soumission des activités de service public aux règles de concurrence n'en demeure pas moins très incertaine. En omettant d'aborder expressément cette question, l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne contribue pas à faciliter une évolution dans le sens d'un rapprochement avec le droit communautaire. A l'évidence les autorités françaises éprouvent quelque difficulté à se faire à l'idée qu'une mission de service public puisse se concilier avec une activité concurrentielle[pic 21](21).
L'emprise exercée par le droit communautaire sur le droit des services publics s'inscrit donc dans un mouvement plus général. Pourtant, venant du droit communautaire, la prétention d'assujettir les services publics nationaux aux règles de concurrence est souvent ressentie comme une ingérence dans un domaine relevant de la compétence des seuls Etats en raison des choix économiques, sociaux et, finalement, politiques qui sont en jeu. On a suffisamment souligné que la logique dominante qui sous-tend le système organisé par le Traité de la CE privilégie l'économie de marché pour qu'il soit possible de douter de la place nécessairement subsidiaire laissée aux initiatives économiques se réclamant d'une autre conception. Il est à cet égard significatif que les dispositions que le Traité consacre à l'interventionnisme étatique ou au secteur public se présentent comme des règles imposant une assimilation aux opérateurs privés ou, par exception, comme autorisant des dérogations dont les conditions sont strictement mesurées[pic 22](22). Ce second enjeu ne doit pas être occulté par des aspects plus techniques ou juridiques du débat en cours. Le Conseil d'Etat a le mérite de ne pas dissimuler que « si la notion de service public est par ailleurs, comme le suggérait Duguit, inséparable de la notion d'"intervention de la force gouvernante", il serait [...] inconcevable, quand bien même on aurait pris la mesure de la nécessité de faire le départ entre cette notion et d'autres notions avec lesquelles elle à été trop longtemps confondue, comme celle de service public[pic 23](23) ou de monopole, de renoncer à voir dans la délimitation du périmètre du service public, dans la définition de ses enjeux et des règles régissant son fonctionnement, une responsabilité des gouvernants. Que nombre des compétences et prérogatives exercées au niveau des Etats-nations aient, depuis quelques décennies, été progressivement transférées, soit à un niveau supranational - Union européenne - soit à des niveaux infranationaux - collectivités territoriales - ne saurait dès lors autoriser à perdre de vue que l'Etat doit en la matière persister à se regarder comme comptable des choix effectués, et des aboutissements auxquels ces choix permettent ou non d'atteindre ; s'il en allait autrement, c'est la légitimité même de l'Etat qui s'en trouverait compromise. Une telle affirmation, si on l'a tient pour fondée, exclut à l'évidence différentes catégories de renonciations, et face aux autorités européennes, et face aux autorités locales »[pic 24](24). Cette préoccupation est exprimée avec encore plus de force dans la proposition de résolution à l'Assemblée nationale présentée par la Délégation à l'Union européenne qui affirme de manière martiale que « les principes du service public touchent à l'organisation même de la société française, et ne sont donc pas négociables, en particulier avec les instances communautaires pour ajouter que seul le peuple français est légitimement habilité à définir ces principes et à en tirer les conséquences en termes d'organisation »[pic 25](25).
Particulièrement marquée en France, cette tendance à la sacralisation des services publics[pic 26](26) conçus comme le fondement ou du moins l'un des fondements de l'Etat, n'est pas de nature à faciliter la discussion d'un problème aussi complexe que celui du rôle du service public dans le cadre de la construction européenne. Les mouvements sociaux qui se sont produits en France durant les mois de novembre et de décembre 1995 sont à cet égard exemplaires. Dans ce contexte fortement émotionnel, le sociologue Pierre Bourdieu a cru pouvoir affirmer que l'enjeu de ce conflit n'était rien moins que la lutte « contre la destruction d'une civilisation, associée au service public, celle de l'égalité républicaine des droits »[pic 27](27). Dans le feu des événements, le Premier ministre s'est lui-même laissé aller à un discours à peine plus mesuré[pic 28](28). Il serait vain d'espérer pouvoir exclure cette dimension idéologique du débat sur le service public, comme d'en ignorer les enjeux économiques. Or, la manière dont le droit communautaire approche la question des services publics est toute autre. Elle procède d'une conception instrumentale du service public conçu comme l'un des moyens, et d'ailleurs pas le premier, d'assurer la satisfaction des besoins collectifs. A condition d'être encadrées par une régulation publique les forces du marché ne sont pas congénitalement inapte à réaliser cet objectif. A une certaine sacralisation du service public s'oppose une conception laïcisée du service d'intérêt général.
Dans l'ensemble de la Communauté, la « tradition européenne de régulation publique de certains biens et activités d'intérêt économique général »[pic 29](29) se trouve confrontée à une crise de légitimité dont l'intensité est ressentie de manière différente d'un Etat à un autre et qui a amené certains d'entre eux, plus tôt et plus radicalement que d'autres, à remettre en cause des conceptions et des solutions qui pouvaient sembler intangibles. Conjuguée avec les contraintes inhérentes au Traité instituant la Communauté, cette situation aujourd'hui plus contrastée que par le passé, explique pour partie les tensions auxquelles les Etats et les institutions communautaires sont confrontés. Elles invitent le service public à davantage de modestie en s'épurant d'attributs dogmatiques qui ne correspondent plus aux réalités actuelles, sans en arriver à l'excès inverse et non moins pernicieux qui serait de méconnaître les spécificités des missions qu'il a en charge.
Les voies de cette nécessaire modernisation du service public ne sont assurément pas commodes. Elles obligent, spécialement ceux qui ont été marqués par la conception du « service public à la française », pour utiliser une expression dont la précision conceptuelle n'est pas évidente, à accepter une remise en cause du concept de service public, voire même à renoncer à son emploi au bénéfice de formulations apparemment plus neutres. Elles exigent également une révision des règles déterminant les conditions dans lesquelles le service public est assuré.
I - Une laïcisation du concept de service public La laïcisation du service public s'exprime déjà par des choix de vocabulaire qui n'ont rien d'innocent. A l'expression « service public » le Traité instituant la CE E a préféré celle d'« entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général »[pic 30](30), alors que les textes du droit communautaire dérivé se réfèrent plus volontiers aux « entreprises assurant un service universel ». Ces choix procèdent de l'intention de privilégier une terminologie jugée plus neutre qu'un concept chargé d'une signification par trop particulière, voire idéologique[pic 31](31). De plus, le droit communautaire tient à souligner que la gestion des services d'intérêt économique général est assurée par des entreprises[pic 32](32). La finalité propre de leur activité, la satisfaction un besoin d'intérêt général, n'intervient que secondairement pour légitimer à certaines conditions un régime dérogatoire au droit commun des entreprises[pic 33](33).
A. - Le service public : une activité économique exercée par une entreprise Pour le droit communautaire de la concurrence, l'entreprise désigne toute unité économique qui opère de manière indépendante sur le marché[pic 34](34). La nature juridique de cette entité est indifférente. Le critère déterminant tient à la nature de l'activité exercée. Des Etats ou d'autres collectivités publiques sont susceptibles en raison de certaines de leurs activités d'être regardées comme des entreprises. Il en sera ainsi lorsque l'Etat ou la collectivité publique assume des activités de production, de distribution ou de prestation de services[pic 35](35). L'absence d'une personnalité juridique propre distincte de celle de l'Etat n'est pas de nature à faire obstacle à la reconnaissance de la qualité d'entreprise à un organisme public[pic 36](36).
Aux activités économiques s'opposent celles qui relèvent de l'exercice de fonctions d'administration. Cette distinction est essentielle puisqu'elle détermine l'empire du droit communautaire de la concurrence. Sa mise en oeuvre s'avère d'autant plus délicate que la même entité peut cumuler des activités d'entreprise et des fonctions proprement étatiques. C'est ainsi que dans son arrêt du 16 juin 1987, Commission c/ Italie [pic 37](37), la Cour de justice a jugé que « l'Etat peut agir soit en exerçant l'autorité publique, soit en exerçant une des activités économiques de caractère industriel et commercial consistant à offrir des biens et services sur le marché. Afin de pouvoir opérer une telle distinction, il est donc nécessaire dans chaque cas, d'examiner les activités exercées par l'Etat, et de déterminer à quelle catégorie ces activités appartiennent ». Cette exigence vaut pour les entités publiques[pic 38](38), mais aussi pour les personnes privées chargées de fonctions administratives.
La distinction qui vient d'être évoquée ne suffit pas à définir la notion de service économique d'intérêt général au sens de l'article 90 § 2 du Traité. Réduire le rôle de l'Etat à ses fonctions d'autorité serait mutiler sa réalité. L'Etat assume depuis longtemps des missions sociales qui ne peuvent être ignorées. Aussi, la Cour de justice a été amenée à assigner une double limite à la nature économique des activités exercées par les Etats ou par toute autre collectivité publique.
1. L'exclusion des fonctions d'autorité Présentent sous diverses formes dans le droit communautaire les notions d'« autorité publique » ou de « puissance publique » ont pour raison d'être de fixer des limites à l'emprise de ce droit. Ainsi l'article 55 du Traité CE relatif au droit d'établissement, comme l'article 66 qui concerne le régime de la prestation de services, autorisent les Etats membres à exclure de ce régime les activités qui, même à titre occasionnel, participent à l'exercice de la puissance publique. Cette idée directrice se retrouve dans l'interprétation donnée de la réserve concernant les « emplois dans l'administration publique » contenue dans le § 3 de l'article 48[pic 39](39). De même, s'agissant du droit communautaire dérivé, la directive 77/388/CEE qui institue des exonérations en matière de TVA a été entendue par la Cour de justice comme bénéficiant seulement à certaines activités d'intérêt général des services postaux et aux activités d'autorité publique de l'Etat[pic 40](40).
Dans ses conclusions relatives à l'affaire Reyners [pic 41](41), l'avocat général Mayras ouvrait la voie qui allait être suivie par la Cour de justice en exposant que « l'autorité publique est celle qui découle de la souveraineté, de l'imperium de l'Etat ; elle implique, pour celui qui l'exerce, la faculté d'user de prérogatives exorbitantes du droit commun, de privilèges de puissance publique, de pouvoir de coercition qui s'imposent aux citoyens ». Cette orientation inspirera la jurisprudence de la Cour de justice dans divers autres domaines du droit communautaire. La Cour de justice prolongera les solutions de principe consacrées dans l'arrêt Reyners [pic 42](42). Elle rappellera que « l'exception prévue par les articles 55, 1er alinéa, et 66 du Traité doit être restreinte à celles des activités visées par les articles 52 et 59 qui, par elles-mêmes, comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique », ajoutant que « Tel n'est pas le cas d'activités concernant la conception de logiciel et la gestion de systèmes informatiques pour le compte de l'administration publique, étant donné qu'il s'agit d'activités de nature technique et, partant de là, étrangères à l'exercice de l'autorité publique »[pic 43](43).
La notion d'autorité publique[pic 44](44) sert aussi à définir le champ d'application de la TVA communautaire. L'exonération de la TVA ne vise en effet « que des actes accomplis par des organismes de droit public et liés aux compétences et attributions fondamentales de l'autorité publique, et non des activités qui peuvent être exercées par nature, dans un but lucratif ». En conséquence, seuls les organismes de droit public sont éligibles à cette exonération, « et encore seulement pour les activités et opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques »[pic 45](45). Des deux conditions requises, à savoir la qualité d'organisme de droit public de l'entité et la nature des activités qu'elle exerce, c'est la seconde qui s'avère donc décisive.
Dans le domaine des règles de concurrence, l'apport le plus élaboré à la distinction des activités d'entreprise et des fonctions d'autorité est fourni par l'arrêt Eurocontrol [pic 46](46). Eurocontrol est un organisme international investi de diverses fonctions dont les unes ne sont pas nécessairement étrangères à la prestation de services, alors que d'autres ressortent à l'exercice de l'autorité publique. Cette mixité rend le cas d'Eurocontrol particulièrement intéressant. Dans ses conclusions présentées à la Cour de justice, l'avocat général Tesauro expose que seul « l'exercice d'une activité à caractère économique susceptible d'être exercée, du moins en principe, par une entreprise privée et dans un but lucratif » peut relever des règles de concurrence à l'exclusion des fonctions de puissance publique. Les raisons retenues pour considérer qu'Euroncontrol n'est pas une entreprise tiennent d'abord à l'objet de sa mission qui est de garantir la sécurité des passagers et des populations des territoires survolés en assurant une coordination avec les nécessités de la défense nationale. Cette activité de police de l'espace aérien est liée à l'exercice de la souveraineté étatique. Elle ne peut-être par définition de nature économique. Sont ensuite prises en considération les conditions dans lesquelles cette mission est assurée. A cette fin, Eurocontrol est investie de prérogatives de puissance publique. Enfin, il s'avère que les différents volets de l'activité de cet organisme sont indissociables. L'ensemble de ces éléments autorisent à conclure qu'« il s'agit d'un service public étranger à toute idée d'exploitation commerciale dans un but lucratif. Les activités et fonctions dont il s'agit ici comprennent sans aucun doute celles relatives aux attributions essentielles de la puissance publique dans des secteurs tels que l'administration générale et fiscale, la justice, la sécurité et la défense nationale ». Ainsi se dessine une distinction, entre les services publics économiques, c'est-à-dire ceux destinés à fournir des biens ou des services marchands et les services publics chargés de fonctions d'autorité.
Partant de cette distinction, la Cour de justice entreprend d'analyser les missions confiées à Eurocontrol. Outre des attributions en matière de recherche, de coordination des politiques nationales et de formation des personnels, Eurocontrol est compétent pour assurer le contrôle opérationnel de la navigation aérienne en disposant, à cet effet, de prérogatives et de pouvoirs de coercition dérogatoires au droit commun et du droit d'établir et de percevoir pour le compte des Etats contractants auxquels elles sont reversées des redevances sur les usagers de l'espace aérien. Ces redevances sont indissociables des autres activités de puissance publique de l'organisation. D'ailleurs le financement du fonctionnement d'Eurocontrol ne provient pas de ces redevances, mais des contributions des Etats qui en sont membres.
Ces considérations se fondent dans une conclusion synthétique qui, épurée des particularités de l'espèce, contient les critères d'une distinction des activités d'entreprises et des activités d'administration. La Cour constate que « prises dans leur ensemble, les activités d'Eurocontrol, par leur nature, par leur objet et par les règles auxquelles elles sont soumises, se rattachent à l'exercice de prérogatives relatives au contrôle et à la police de l'espace aérien, qui sont typiquement des prérogatives de puissance publique. Elles ne présentent pas un caractère économique justifiant l'application des règles de concurrence du Traité »[pic 47](47). L'arrêt Eurocontrol n'autorise cependant pas à considérer que l'attribution de la qualité d'entreprise ou sa négation doit valoir pour une entité prise dans son ensemble. Si dans le cas d'Eurocontrol cette qualité est déniée de manière globale à cette organisation, la raison en est que ses activités essentielles ne sont pas de nature économique et, en outre, que les diverses fonctions qu'il assume sont indissociables. Mais il peut en être autrement. Une dissociation des activités exercées par un organisme cumulant des fonctions de prestation de services et de régulation est concevable dans d'autres circonstances. La Commission a procédé de la sorte à propos de la Régie des voies aériennes, organisme de droit public qui, en Belgique, est chargée de deux missions : la construction, l'aménagement et l'entretien de l'aéroport de Bruxelles-National, ainsi que des infrastructures qui y sont liées d'une part, la sécurité du transport aérien dans l'espace aérien belge d'autre part. La première de ces missions correspond à une activité de nature économique de sorte que, sous ce rapport, la Régie est une entreprise, en revanche cette qualification n'est pas valable pour les autres fonctions de la Régie[pic 48](48). Il est encore un autre cas de figure. Un organisme peut être investi de certaines fonctions d'autorité publique touchant directement à ses activités économiques. Ainsi, la Régie des téléphones et des télégraphes belges était chargée par les autorités nationales d'instruire les demandes d'autorisation ministérielle de détention d'un appareil émetteur ou récepteur de radiocommunication et d'assignation et de la coordination des fréquences hertziennes ainsi que de délivrer des agréments après vérification de la conformité des appareils commercialisés aux normes techniques fixées par le ministre de tutelle. Pour la Cour de justice, l'exercice de ces prérogatives répond à des préoccupations régaliennes de police du domaine public hertzien de sorte que cette tâche assumée par la RTT est une activité d'autorité publique. Un tel cumul suscite la suspicion des autorités communautaires[pic 49](49).
Le traitement de certaines situations peut se révéler délicat. La détermination de la nature d'un contrat de concession de service public au regard de l'article 85 du Traité CE en est une illustration. Voir dans cette convention un accord au sens de cette disposition aurait nécessairement signifié que la collectivité locale attributaire de la concession devait, sous ce rapport, être regardée comme une entreprise. La Cour de justice s'y est refusée, estimant qu'en concédant un de ses services publics à une entreprise, une commune agissait en qualité d'autorité publique[pic 50](50). Cet arrêt gagne à être rapproché de décisions similaires prises par des juridictions françaises. L'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence aux personnes publiques est réglée par son article 53 qui dispose que ses règles « s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques ». Sont donc concernées des activités économiques, les activités non économiques des personnes publiques étant exclues du champ d'application de l'ordonnance. L'interprétation de cet article a donné lieu à une controverse relative au sort des conventions portant dévolution de la gestion de services publics commerciaux à des entreprises. Pour le Tribunal des conflits « [...] il résulte que l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que les règles qui y sont définies ne s'appliquent aux personnes publiques qu'autant qu'elles se livrent à des activités de production, de distribution et de services ; que l'organisation du service public de la distribution de l'eau à laquelle procède de ce service n'est pas constitutive d'une telle activité ; que l'acte juridique de dévolution de l'exécution de ce service n'est pas, lui-même, susceptible d'empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché, et qu'il n'appartient en conséquence qu'aux juridictions de l'ordre intéressé de vérifier la validité de cet acte au regard des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance susvisée »[pic 51](51).
On a pu regretter certaines ambiguïtés de cette décision. Ainsi, M-C Boutard-Labarde et G. Canivet font valoir que « sur le fond, on ne sait pas si le Tribunal des conflits a entendu soustraire au champ d'application de l'ordonnance les actes d'organisation d'un service public ou s'il a simplement entendu constater leur neutralité en termes de concurrence. » Par ailleurs, la position du Tribunal des conflits souffre d'un « amalgame entre délimitation du champ d'application du droit de la concurrence et la détermination des autorités compétentes pour le mettre en oeuvre »[pic 52](52). Ces incertitudes n'ont pas empêché le Conseil de la concurrence de considérer que la décision prise par un établissement public hospitalier, de faire appel à des entreprises privées agréées pour le transport des malades hospitalisés, ne peut donner lieu, en tant que tel, à un examen au titre de l'ordonnance du 1er décembre 1986[pic 53](53). Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Paris[pic 54](54). Les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne peuvent trouver à s'appliquer aux activités des personnes publiques qui relèvent de l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique, alors même que ces interventions sont susceptibles d'affecter le fonctionnement du marché[pic 55](55).
2. L'exclusion des fonctions de solidarité Reste une question d'une importance considérable dans la mesure où depuis longtemps l'évolution des tâches de l'Etat l'a entraîné bien au-delà de ses fonctions de puissance publique : l'exclusion des règles communautaires de concurrence serait-elle circonscrite à ces seules fonctions ou trouverait-elle à s'appliquer à d'autres activités présentant des particularités suffisamment fortes pour les différencier de celles d'une entreprise. La Cour de justice a été confrontée à ce problème à propos d'activités dont le dénominateur commun est de relever du domaine social. Dans un premier temps au moins, la Cour de justice a créé des inquiétudes dont on ne saurait dire qu'elles étaient injustifiées. Si les éclaircissements apportés par la suite ont pu quelque peu apaiser ces craintes, les prémisses de la jurisprudence de la Cour de justice continuent à entretenir certaines réserves.
L'affaire Höffner constituera un premier test de la position de la Cour de justice[pic 56](56). Le gouvernement allemand soutenait que l'article 90 du Traité CE et, plus généralement, les règles de concurrence, ne pouvaient pas s'appliquer à un office public pour l'emploi qui n'était pas une entreprise « dans la mesure où les services de placement étaient fournis à titre gratuit ». La circonstance que ces activités étaient principalement financées par les contributions des employeurs n'affectait pas, selon le gouvernement allemand, leur gratuité, car il s'agissait de contributions générales qui n'ont aucun lien avec chaque service concret rendu[pic 57](57). La Cour de justice a cependant estimé devoir préciser que « dans le contexte du droit de la concurrence, [...] la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » pour considérer que l'activité de placement est une activité économique »[pic 58](58). Plus encore, peut-être, que la solution adoptée par la Cour, ce sont les raisons qui ont emporté sa conviction qui méritent de retenir l'attention. Pour elle, la circonstance que les activités de placement sont normalement confiées à des offices publics ne saurait affecter la nature économique de ces activités qui n'ont pas toujours été et ne sont pas nécessairement exercées par des entités publiques »[pic 59](59). Cet argument n'est nullement anodin. Peu disposée à écarter l'application des règles de concurrence, la Cour de justice exige que par sa nature l'activité soit « nécessairement » de celles qui relèvent de la compétence des seuls organismes publics. Son raisonnement crée une présomption en faveur du caractère économique de toute activité de services. De plus, la démarche de la Cour de justice se réfère à une conception « naturaliste » du rôle de l'Etat qui comporterait des risques évidents si elle devait être appliquée dans toute sa rigueur aux domaines de la protection sociale et même au-delà à l'enseignement, aux soins médicaux qui peuvent être exercés par le secteur privé et le sont effectivement. L'arrêt Höffner avait donc provoqué de légitimes inquiétudes[pic 60](60), probablement autant, sinon plus, en raison des principes dont procédait la solution de la Cour que cette solution elle-même[pic 61](61). La solution adoptée dans l'arrêt Poucet [pic 62](62), au terme d'une analyse circonstanciée, est heureusement rassurante[pic 63](63). Une fois encore le parallèle avec le droit français se révèle intéressant. La Cour de justice a jugé que les caisses de maladie ou les organismes qui concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale remplissent une « fonction de nature exclusivement sociale », interdisant de les assimiler à des entreprises[pic 64](64). Il lui faudra procéder à une analyse approfondie du statut de ces organismes pour parvenir à cette conclusion. Son raisonnement commence par un rappel particulièrement bienvenu : le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des Etats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale[pic 65](65). Le caractère obligatoire de la protection sociale instituée sous forme de régimes légaux est le premier indice retenu pour qualifier l'activité des organismes de sécurité sociale. Mais, c'est essentiellement « l'objectif social » de ces régimes qui « obéissent au principe de solidarité » qui apparaît déterminant. La Cour de justice souligne que ces régimes « [...] visent, en effet, à assurer à l'ensemble des personnes qui en relèvent une couverture des risques de maladie, de vieillesse, décès et invalidité, indépendamment de leur condition de fortune et de leur état de santé lors de l'affiliation.
Dans le cadre du régime d'assurance maladie et maternité, le principe de solidarité se concrétise par les modalités de son financement qui repose sur des cotisations proportionnelles aux revenus de l'activité professionnelle et pensions de retraite, seuls étant exclus du paiement assurés retraités dont les ressources sont les plus modestes, alors que les prestations sont identiques pour tous les bénéficiaires. En outre, les personnes qui ne relèvent plus de ce régime conservent leurs droits aux prestations pendant un an à titre gratuit. Cette solidarité implique une redistribution du revenu entre les nantis et ceux qui, en l'absence d'un tel régime et compte tenu de leurs moyens et conditions de santé, seraient privés de la couverture sociale nécessaire.
Dans le régime d'assurance vieillesse, la solidarité s'exprime par la circonstance que ce sont les cotisations versées par les travailleurs en activité qui permettent de financer les pensions des travailleurs retraités. Elle se traduit également par l'octroi de droits à pension sans contrepartie de cotisations et de droits à pension non proportionnels aux cotisations versées.
Enfin, la solidarité se manifeste entre les différents régimes de sécurité sociale, les régimes excédentaires participant au financement des régimes qui ont des difficultés financières structurelles. »
Cette première série d'indications amènent la Cour à conclure « [...] que les régimes de sécurité sociale ainsi conçus reposent sur un système d'affiliation obligatoire, indispensable à l'application du principe de la solidarité ainsi qu'à l'équilibre financier desdits régimes. »
L'association de ces deux caractéristiques - l'affiliation obligatoire et le principe de solidarité - est étrangère à la nature d'une entreprise. D'autres particularités du statut des organismes de sécurité sociale viennent seulement conforter ce constat. La gestion des régimes considérés a été confiée à ces organismes par le législateur qui les a assujettis à une série de contrôles exercés par plusieurs organes étatiques, les caisses de sécurité sociale ne disposent d'aucune marge d'autonomie pour tout ce qui a trait aux décisions relatives à leur gestion[pic 66](66), enfin leur objet est dépourvu de tout but lucratif[pic 67](67).
La Cour de justice aura l'occasion de préciser sa jurisprudence en mettant en évidence sa préoccupation de s'en tenir à une appréciation rigoureuse des activités des conditions autorisant de soustraire une activité à l'application des règles du Traité. Ici encore le débat portait sur un régime de protection sociale. Mais, cette fois-ci, il s'agissait d'un régime complémentaire d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles[pic 68](68) dont le financement est assuré par des cotisations volontaires déductibles du revenu imposable. L'arrêt de la Cour de justice représente une remarquable contribution à la distinction de l'économie et du social. Pour commencer, la Cour fait un sort à l'argument tiré de l'absence de but lucratif destiné à établir qu'il ne pouvait s'agir d'une activité « commerciale, économique ou spéculative », pour reprendre les termes utilisés par le Conseil de la concurrence[pic 69](69). Ce critère ne peut jouer qu'un rôle complémentaire. Le principe de solidarité sociale est déterminant pour qualifier l'activité en cause. En l'espèce, tout en constatant, la présence de certains éléments correspondant à l'organisation d'une solidarité sociale, la Cour ne leur reconnaît qu'« une portée extrêmement limitée », en raison du caractère facultatif de ce régime de protection. Aussi, sont-ils jugés insuffisants pour « ôter à l'activité exercée par l'organisme gestionnaire du régime son caractère économique ». Les conditions du fonctionnement de ce régime ne sont pas substantiellement différentes de celles des sociétés d'assurance vie : l'affiliation est facultative et les prestations assurées sont fondées sur le principe de la capitalisation. L'activité de ce régime complémentaire aurait pu être exercée par des assureurs si la loi n'avait pas institué un monopole en faveur des organismes considérés. Cette démarche n'est pas sans rappeler celle de l'arrêt Höffner [pic 70](70).
Deux constatations peuvent être faites dès à présent. En premier, la Cour de justice s'attache à mesurer au plus juste les dérogations à l'application des règles communautaires de la concurrence. Dans le cas d'Eurocontrol [pic 71](71), l'exclusion de ces règles n'a été admise que parce que les activités relatives au contrôle et à la police de l'espace aérien, ont été regardées comme « typiquement des prérogatives de puissance publique ». Parallèlement, dans l'arrêt Poucet [pic 72](72) souligne le « caractère exclusivement social » de la fonction de l'organisme considéré. Par ailleurs, si dans l'affaire Eurocontrol la Cour de justice a étendu l'exclusion des règles de concurrence à l'ensemble des activités de cette organisation, la tendance dominante sera orientée vers une limitation du champ de cette exclusion, en dissociant le régime applicable aux différentes activités qui peuvent être cumulées par un même organisme. En second lieu si, dans le premier cas, à propos d'Eurocontrol, la Cour de justice ne retient pas la qualification de service public[pic 73](73), dans le second, elle reconnaît être en présence du « service public de la sécurité sociale »[pic 74](74). Ainsi, la ligne de démarcation entre les activités qui ne relèvent pas de l'application des règles de concurrence et celles qui lui sont assujetties passe, en quelque sorte, à travers la notion de service public. Cette solution découle logiquement de l'article 90-2 du Traité qui ne vise que les services économiques d'intérêt général et, non pas, l'ensemble des services d'intérêt général. Il est regrettable que les autorités françaises semblent vouloir se tenir en retrait par rapport à la position des instances communautaire. Considérant, à la différence de celles-ci, que l'exercice d'une mission de service public est incompatible avec celle d'une activité concurrentielle[pic 75](75).
B. - Le service public : une activité d'intérêt général normalement assumée dans des conditions concurrentielles Si les règles de concurrence ne sont pas applicables aux activités d'autorités publique, et aux services publics à caractère social, elles retrouvent leur empire à l'égard de toutes les activités de nature économique alors même qu'elles satisfont à des besoins d'intérêt général sous les réserves prévues à l'article 90, § 2 du Traité CE . Quelle que soit l'importance de cette disposition, elle n'est pas moins une exception dont la mise en oeuvre est subordonnée à des conditions précises. Aussi se doit-on de rappeler que le principe est celui de l'assujettissement des activités d'intérêt économique d'intérêt général aux règles de droit commun du Traité fondées sur deux piliers - la libération des échanges de marchandises et de services et le respect du jeu de la concurrence - qui se rejoignent dans la prédominance reconnue au marché comme instrument de régulation de l'activité économique et de satisfaction des besoins tant individuels que collectifs. Cette prémisse oblige à « prendre la mesure des différences qui séparent les démarches intellectuelles du droit communautaire et celles du service public à la française : le premier est au service du marché et voit dans l'action publique une source de distorsions, le second a plutôt un préjugé favorable à l'égard de l'intervention publique »[pic 76](76). Dans le système communautaire, les mécanismes du marché ne sont pas jugés congénitalement incapables de satisfaire des besoins économiques d'intérêt général. Au contraire, le marché bénéficie d'une présomption qu'il appartient au service public de renverser en démontrant une efficacité supérieure à celle du marché[pic 77](77). Cette présomption en faveur de l'efficience du marché constitue le fondement du droit communautaire de la concurrence[pic 78](78). L'incapacité du service public à faire face aux demandes des consommateurs est rédhibitoire. Elle lui interdit de prétendre à un statut privilégié, spécialement à des droits exclusifs[pic 79](79). Par ailleurs, des dérogations à la concurrence ne sont possibles que dans l'hypothèse où le jeu de la concurrence compromettrait l'accomplissement de la mission d'intérêt économique général confiée à une entreprise[pic 80](80). En tout état de cause, la Commission se refuse à considérer qu'il puisse exister une incompatibilité de principe entre la satisfaction de l'intérêt général et la concurrence. Au contraire, en stimulant le progrès technique, la concurrence peut contribuer à améliorer la qualité du service public et à en réduire les coûts[pic 81](81). La Commission ne cède pas, pour autant, à la tentation du « tout concurrence ». Elle convient que certaines des réglementations existantes « servent sans conteste l'intérêt économique général »[pic 82](82). Néanmoins, conformément à la prééminence conférée au marché, un examen critique de ces réglementations s'impose pour vérifier si les activités de service public ne pourraient pas être remplies dans le cadre de régimes moins restrictifs[pic 83](83). Cet examen doit s'inspirer de la nécessité de trouver un « juste équilibre » entre les arguments d'efficacité économique et la prise en compte des exigences de l'intérêt général[pic 84](84). Une démarche réaliste, interdit d'espérer une « formule universellement applicable » à la diversité des situations. Ce pragmatisme se vérifie à propos de l'appréciation du dosage de la régulation par le marché et par la réglementation publique qui doit tenir compte des spécificités de chaque secteur[pic 85](85). La Commission est fondée à considérer que « l'importance de l'intérêt public dans la réglementation est variable : la sécurité des approvisionnements et la fourniture d'un service de base à l'ensemble de la population sont souvent essentielles, mais elles ne justifient pas nécessairement l'application de restrictions à des aspects plus commerciaux, tels que les prix et les produits. Dans de nombreux cas, l'utilisation de critères objectifs permet de surveiller aussi bien, sinon mieux, l'activité des entreprises présentes sur le marché que l'application de restrictions arbitraires à l'accès au marché. Le développement technique et l'élimination des entraves aux échanges peuvent créer des possibilités de concurrence qui n'existaient pas auparavant. On pourrait peut-être dissocier certaines activités pour les ouvrir à la concurrence. Si, pour certains secteurs, les économies d'échelle sont un facteur très important, d'autres sont plus ouverts aux petites entités. Dans certains secteurs, il suffira sans doute d'adapter le cadre réglementaire pour ouvrir la voie à la concurrence, alors que dans d'autres les entreprises établies pourraient être appelées à aider les nouveaux arrivés en vue de créer un environnement propice au développement d'une concurrence effective »[pic 86](86).
Le « juste équilibre » qui doit être trouvé entre l'appel à la concurrence et la préservation du service public confère une importance décisive à la définition de la notion de service d'intérêt économique général. A cet égard, une première cause de difficulté tient aux imprécisions de cette notion, qui pour ne pas être plus graves que celles affectant le concept de service public, n'en sont pas moins réelles. S'y ajoutent les incertitudes relatives à la détermination des autorités compétentes pour apprécier si une activité économique est d'intérêt général.
La conception française du service public reposait à l'origine sur des principes très différents de ceux qui viennent d'être exposés. Elle établissait une relation extrêmement forte entre le service public et l'Etat. Elle réservait au service public un régime dérogatoire du droit commun. Elle faisait appel à des critères juridiques incluant l'exercice de « prérogatives de puissance publique »[pic 87](87). Or, pour reprendre une formule de Christian Stoffaës, la Communauté est un « Droit sans Etat [...] alors que les services publics apparaissent indissolublement liés à la notion d'Etat »[pic 88](88). La propension naturelle du « service public à la française » a donc été de cultiver la spécificité de ces activités pour accréditer l'idée qu'elles devaient bénéficier d'un régime dérogatoire leur permettant d'échapper aux contraintes de la concurrence. Intérêt général et marché étaient perçus comme peu compatibles, sinon comme antinomiques. La réalité est cependant plus nuancée. Depuis longtemps déjà dans le domaine des services publics industriels et commerciaux l'assimilation entre service public et gestion publique est dépassée. Le recours à un régime dérogatoire s'est atténué. L'exploitation du service public dans la cadre d'un monopole n'a jamais été absolue[pic 89](89). L'emprise du monopole a surtout été la marque des services publics nationaux de réseaux ; elle est moins présente pour les autres services publics économiques, en particulier en ce qui concerne les services publics locaux[pic 90](90). Il n'en demeure pas moins que ces réalités ne sont que très imparfaitement intégrées dans la perception du service public par la société française.
Vouloir définir l'intérêt général ou l'intérêt public, notions abstraites et nécessairement imprécises dont les implications sont à l'évidence philosophiques et morales[pic 91](91), est une entreprise dont tout le monde s'accorde à reconnaître la difficulté[pic 92](92). De plus, l'histoire enseigne la relativité de la perception de l'intérêt général qui « rend illusoire de prétendre (en) donner une définition intemporelle »[pic 93](93). Aussi, n'est-il pas étonnant de constater une préférence pour un traitement au cas par cas. Si le caractère évolutif de la notion présente l'avantage de permettre une adaptation du périmètre et de la substance du service public aux changements sociaux, il impose aussi l'existence d'un processus permettant de délivrer de manière certaine le label d'intérêt général à une activité. La solution française est de s'en remettre à l'appréciation de l'Etat. On est en droit de penser que cette solution devra s'accommoder des contraintes du droit communautaire. La question de la définition de la notion d'intérêt général est le lieu d'un conflit de compétence entre les autorités étatiques et les institutions communautaires ressenti avec une sensibilité particulière en France.
Avant même que la Cour de justice ait eu à connaître de cette question, les controverses opposant la partisans de la thèse « nationale » à ceux de la thèse « communautaire » ont largement entretenues le débat doctrinal[pic 94](94). Les premiers estimaient que seules les autorités étatiques avaient vocation à décider de l'existence d'un intérêt économique général en raison des choix politiques, économiques et sociaux étatique impliqués par une telle décision[pic 95](95). Les seconds faisaient valoir que l'uniformité du droit communautaire imposait une définition commune[pic 96](96). Progressivement la thèse « communautaire » s'affirmera dans la doctrine. Toutefois, l'intervention du droit communautaire sera généralement assortie de quelques restrictions touchant à l'intensité de son emprise. La majorité des auteurs s'accordent sur le bien fondé d'un encadrement par le droit communautaire, sans aller jusqu'à la solution extrême d'une substitution pure et simple de l'appréciation des institutions de la Communauté à celle des autorités nationales. Cette thèse d'une compétence communautaire en quelque sorte atténuée se fonde sur l'économie de l'article 90, § 2 qui a pour objet de permettre à certaines entreprises de déroger aux règles du Traité CE E pour réaliser un objectif d'intérêt général sans porter atteinte à l'intérêt de la Communauté. Il apparaît dès lors aux tenants de cette thèse que l'intérêt économique général doit logiquement s'apprécier au niveau national, les exigences relatives aux intérêts de la Communauté intervenant comme une limite qui ne saurait être transgressée. C'est ainsi que pour M. Waelbroeck « le contenu de la notion d'intérêt général peut varier selon les Etats », à condition que le droit communautaire lui assigne « une sphère maximale d'extension »[pic 97](97). De même, tout en estimant que si la qualification d'une activité comme service d'intérêt économique général appartient aux Etats membres, l'intérêt destiné à être protégé étant un intérêt national que les Etats membres sont les mieux à même d'identifier, Van Gehuchten, estime « judicieux en termes de sécurité juridique, que la Cour puisse dégager peu à peu les contours de cette notion à l'échelle communautaire, tout en ayant garde que l'effet utile de la disposition rend particulièrement malaisée toute définition univoque »[pic 98](98). Sans méconnaître la nécessité de prendre en compte la situation propre à chaque Etat membre[pic 99](99), la Commission revendiquait en revanche le droit de se prononcer sur cette qualification[pic 100](100). Pour sa part, initialement au moins, la Cour de justice fit preuve d'une évidente prudence. Elle se contenta de constater dans chaque cas particulier dont elle eut à traiter que l'activité économique examinée était d'intérêt général sans vraiment définir cette notion. S'agissant de l'aménagement et de l'exploitation du Port de Mertert au Luxembourg, elle observait que relevait de l'article 90, § 2 « une entreprise qui, jouissant de certains privilèges pour l'exercice de cette mission dont elle est légalement chargée et entretenant à cet effet des rapports étroits avec les pouvoirs publics, assure le débouché le plus important de l'Etat intéressé pour le trafic fluvial »[pic 101](101). Deux conditions sont exigées pour que l'on soit en présence d'une entreprise pouvant profiter du § 2 de l'article 90 du Traité et non d'une entreprise en quelque sorte ordinaire : l'étroitesse de ses liens avec l'Etat et l'intérêt de l'activité dont elle a la charge pour la satisfaction d'un besoin important de la collectivité. L'appréciation de la première de ces conditions n'est guère susceptible de faire difficulté. Il en va tout autrement de la seconde de ces exigences. On touche en effet ici à des choix de nature politique et à des intérêts dont, traditionnellement, les Etats avaient la maîtrise. Longtemps la Cour de justice, comme d'ailleurs la Commission, ne sembleront pas mécontentes de pouvoir éviter d'avoir à se prononcer sur ce point, soit en constatant que l'entreprise en cause n'était pas investie de la mission de gérer un service d'intérêt économique d'intérêt général[pic 102](102), soit en observant que même si les deux conditions requises pour l'application de l'article 90, § 2 du Traité CE étaient réunies, la mise en oeuvre des règles de concurrence ne pouvait entraver la réalisation de la mission particulière dont elle serait éventuellement chargée[pic 103](103). Ce n'est qu'avec les arrêts Corbeau et Commune d'Almelo [pic 104](104) que la Cour en viendra à préciser sa conception du service d'intérêt économique général, affirmant ainsi l'emprise du droit communautaire de manière en quelque sorte positive, alors que précédemment elle utilisait plutôt « une technique d'exclusion »[pic 105](105).
Les termes de l'article 90, § 2 exigent que pour être éligibles à ses dispositions les entreprises doivent avoir été « chargées » par une autorité publique de la gestion du service d'intérêt économique général. La Cour de justice avait mis en exergue la nécessité inconditionnelle de remplir la première de ces conditions[pic 106](106). Une simple autorisation ne saurait être regardée comme suffisante. Approuvée par la Cour de justice, la Commission affirmera qu'une « autorisation n'entraîne pas en soi l'attribution d'une mission particulière, mais simplement la permission d'exercer une activité déterminée. L'autorisation qui écarte simplement une interdiction légale, a un contenu tout à fait différent de celui d'un acte de la puissance publique qui charge une entreprise de certaines tâches et donc lui impose certaines obligations »[pic 107](107). Il ne suffit pas davantage que l'Etat surveille une activité déterminée, même si ce contrôle est plus poussé que celui exercé sur d'autres entreprises[pic 108](108). L'exigence d'un lien particulier avec la puissance publique se traduisant par une « investiture » et un contrôle exercé par cette dernière rejoint pour l'essentiel la position du droit administratif français[pic 109](109). Cette « délégation » peut se réaliser de diverses manières : par un acte unilatéral de la puissance publique (loi ou décret)[pic 110](110) ou par une convention (concession de service public)[pic 111](111). Une certaine confusion a pu s'introduire entre l'attribution de droits exclusifs ou spéciaux à une entreprise et la délégation de la mission d'intérêt général. Dans ses conclusions sur l'affaire BRT II [pic 112](112), l'avocat général Mayras justifiait l'exclusion du régime dérogatoire prévu par l'article 90, § 2, par le fait que les entreprises concernées ne bénéficiaient d'aucun « privilège légal ». Cette formule se réfère à la définition proposée dans l'arrêt Port de Mertert [pic 113](113). Si de tels privilèges sont en général la contrepartie des obligations de service public mises à la charge d'une entreprise, l'octroi de droits spéciaux ou exclusifs ne constituent pas des indications significatives pour l'appréciation de la nature de leur mission. L'essentiel est que l'entreprise soit légalement tenue de gérer le service d'intérêt économique général[pic 114](114). Cette mission peut-être confiée à une personne publique, mais aussi à une entreprise privée[pic 115](115). Le parallèle avec le droit français continue de se vérifier[pic 116](116). La notion d'entreprise chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général n'implique aucun critère organique. A l'instar de la solution consacrée par le droit administratif français à propos des services publics, spécialement de ceux présentant un caractère industriel et commercial, il s'agit d'une notion fonctionnelle.
Les éléments constitutifs de la notion d'intérêt économique général n'ont que très progressivement gagné en précision. Dans l'affaire du Port de Gênes la Cour de justice notait que ni les pièces du dossier ni les observations déposées devant elle ne laissaient apparaître « que les opérations portuaires revêtent un intérêt économique qui présente un caractère spécifique par rapport à celui que revêtent d'autres activités de la vie économique...»[pic 117](117). Comparée à l'arrêt Port de Mertert [pic 118](118), la décision prise dans le cas du Port de Gênes pourrait laisser croire à une contradiction ou au moins à un renforcement de la sévérité de la Cour de justice. Après s'être d'abord contentée d'apprécier l'utilité de l'activité pour l'économie nationale, elle examinerait désormais si cette activité présente des traits qui la différencierait des autres activités économiques ordinaires[pic 119](119). En vérité, pour ne pas figurer explicitement dans l'arrêt du 14 juillet 1971, cette exigence de « spécificité » n'était probablement pas absente de cette décision dans la mesure où celle-ci observait que le port en question était le « principal débouché fluvial » d'un Etat enclavé. Une étape importante sera franchie avec l'arrêt Corbeau [pic 120](120). La nature de l'activité exercée est associée au régime de son exercice pour qualifier celle-ci au regard de l'article 90-2 du Traité CE . Les obligations de service public[pic 121](121) deviennent une caractéristique majeure du service d'intérêt économique général. Selon la Cour, « en ce qui concerne les services en cause dans l'affaire au principal, il ne saurait être contesté que la Régie des postes est chargée d'un service d'intérêt économique général consistant dans l'obligation d'assurer la collecte, le transport et la distribution du courrier, au profit de tous les usagers, sur l'ensemble du territoire de l'Etat membre concerné, à des tarifs uniformes et à des conditions de qualité similaires, sans égard aux conditions particulières et au degré de rentabilité économique de chaque opération individuelle ». Les conditions d'exploitation auxquelles l'entreprise est assujettie ne sont pas celles d'une entreprise ordinaire qui se déterminerait uniquement en fonction de choix financiers et commerciaux. Répondant à la question de savoir si l'activité de fourniture d'énergie électrique confiée à l'entreprise IJM constitue un service d'intérêt économique général, la Cour de justice[pic 122](122) relève en des termes très proches que « cette entreprise doit assurer la fourniture ininterrompue de l'énergie électrique sur l'intégralité du territoire concédé, à tous les consommateurs, distributeurs locaux ou utilisateurs finals, dans des quantités demandées, à des tarifs uniformes et à des conditions qui ne peuvent varier que selon des critères objectifs applicables à tous les clients ». Ces caractéristiques correspondent exactement à ce qu'il est convenu d'appeler en droit administratif français « les lois du service public » pour reprendre une expression due à Louis Rolland[pic 123](123).
L'apport de la Commission à l'identification des activités d'intérêt économique général ne révèle aucune différence significative par rapport à la démarche de la Cour de justice. Ainsi, relève-t-elle que « Les sociétés de distribution d'eau membres de l'Anseau qui ont été constituées par les pouvoirs publics afin d'assurer l'approvisionnement régulier et la distribution d'eau dans des conditions de garantie totale de la protection de la santé publique, sont des entreprises chargées de la gestion de service d'intérêt économique général »[pic 124](124). Pour ce qui est de la SEP, la Commission retient qu'elle « a pour mission essentielle de veiller au fonctionnement fiable et efficace de la distribution publique d'électricité sur le territoire national à des coûts aussi bas que possible et de manière raisonnable pour la société ». Ajoutée à l'obligation de livrer aux sociétés de distribution qui est imposée aux entreprises de production d'électricité cette constatation amène la Commission à « considérer que tant la SEP que les sociétés de production qui y sont parties, fournissent des services d'intérêt économique général »[pic 125](125). Enfin, au terme d'une analyse méticuleuse de la mission impartie aux membres de l'Eurovision qui met en évidence l'obligation de desservir l'ensemble de la population nationale, d'offrir des programmes variés et équilibrés quelque soit le rapport entre le coût des émissions et l'audience, la Commission parvient à la conclusion que les organismes de télévision ont en charge un service d'intérêt économique général[pic 126](126).
De son côté, le Conseil d'Etat a jugé que les organismes d'habitations à loyers modérés constituent des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général[pic 127](127).
Les indications livrées par les arrêts de la Cour de justice, parfois éclairées par les conclusions de ses avocats généraux, permettent de se faire une idée relativement précise de la notion de service d'intérêt économique général. C'est la nature exorbitante de cette mission qui s'avère déterminante. Ce caractère exceptionnel tient à son objet et aussi des conditions dans lesquelles elle doit être assurée. La mission assumée doit être destinée à satisfaire un besoin social. Dans ses conclusions dans l'affaire Corbeau [pic 128](128), l'avocat général Tesauro observe que le service postal de base « dans la mesure où il permet aux personnes de communiquer entre elles, répond à un besoin vital de la collectivité ». Cette « fonction sociale » est révélée par les conditions de l'exploitation de ce service qui correspondent à des contraintes particulières en matière de couverture territoriale et de tarification. Des considérations étrangères au calcul commercial des entreprises du secteur marchand sont donc déterminantes. Les entreprises chargées d'assurer un service d'intérêt économique général supportent des charges inhérentes à leur mission. Elles se trouvent dans une situation particulière qui justifie un statut spécifique. Quels que soient les progrès enregistrés, il y a lieu de constater que la Cour de justice n'aborde pas de front la définition de l'« intérêt général ». Cette réserve n'est pas surprenante. Elle n'est pas moindre, au total, dans le cas du droit administratif français. La plupart des auteurs en conviennent plus ou moins explicitement en passant rapidement à des éléments qui, en réalité, n'ont rien à voir avec la nature de l'activité[pic 129](129). Leur propos est d'établir à partir de quand l'intensité de l'intervention de la puissance publique permet de distinguer le service public, même géré par une personne privée, de l'entreprise privée d'intérêt général. Ce qui conduit, par exemple, à écrire que « le service public semble devoir être défini comme une activité d'intérêt général exercée par une personne publique ou sous le contrôle d'une personne publique et suivant un régime dérogatoire au droit commun »[pic 130](130). Parfois, il est fait référence à l'importance d'une activité pour la collectivité, autrement dit à l'intensité de l'utilité publique[pic 131](131). Au total, sous le rapport de la définition du service public, la lecture de la littérature juridique française doit inciter le juriste à modérer ses ambitions pour se persuader de l'irréductible relativité de ce concept[pic 132](132). La doctrine française contemporaine en convient. C'est ainsi que pour D. Truchet « personne n'a jamais réussi à donner du service public une définition incontestable : le législateur ne s'en est pas soucié, le juge ne l'a pas voulu, la doctrine ne l'a pas pu »[pic 133](133). J. Chevallier, porte un jugement tout aussi sévère puisqu'il constate que « le service public est (donc) dépourvu de tout réel contenu conceptuel »[pic 134](134).
La nature de l'activité susceptible de pouvoir être le siège d'un service public a principalement intéressé la jurisprudence et la doctrine dans le contexte du développement des activités économiques des collectivités locales. Les enseignements qui peuvent en être tirés sont affectés par le caractère le plus souvent casuistique des décisions judiciaires. En principe, la liberté du commerce et de l'industrie devrait faire obstacle à la création par les collectivités locales de services publics économiques. Mais cette interdiction cesse lorsque l'intervention publique est justifiée par l'intérêt général. Or, le Conseil d'Etat a adopté une conception de l'intérêt général qui affecte sérieusement l'efficacité de ce cantonnement.
Sur ce point, la jurisprudence communautaire est encore trop peu développée pour autoriser des conclusions définitives. Les situations dont la Cour de justice a eu à connaître ne laissaient guère de place au doute tant la qualité de service d'intérêt économique général de l'activité considérée qu'il s'agisse du service du courrier[pic 135](135), ou de la distribution de l'énergie électrique paraissait certaine[pic 136](136). Au-delà de ce qui peut apparaître comme le constat d'une évidence généralement reconnue, les décisions de la Cour révèlent que certaines conditions doivent être remplies pour qu'une activité économique corresponde à la notion consacrée par l'article 90-2 du Traité CE . L'arrêt Port de Mertert [pic 137](137) souligne l'existence de « circonstances particulières »[pic 138](138), permettant de voir dans l'aménagement et l'exploitation d'un port fluvial un service d'intérêt économique général. Dans son arrêt Port de Gènes [pic 139](139), la Cour de justice exige de l'activité concernée un « caractère spécifique » la distinguant des autres activités économiques pour constater que tel n'était pas le cas en l'espèce. L'idée était déjà présente dans les conclusions de l'avocat général Dutheillet de Lamothe dans l'affaire Port de Mertert [pic 140](140). Par comparaison avec la situation soumise à l'appréciation de la Cour de justice dans cette dernière affaire qui portait sur l'aménagement et l'exploitation d'un site portuaire, l'avocat général Van Gerven considère que la notion de service économique d'intérêt général ne peut s'appliquer qu'à des activités qui profitent directement à la collectivité, sinon elle perdrait toute spécificité pour se confondre à la limite avec l'ensemble des activités économiques. Tel n'était le cas des activités de manutention portuaire exercées dans le port de Gênes[pic 141](141). Il en va différemment du service des téléphones, de celui du télégraphe et plus généralement des télécommunications relèvent également[pic 142](142), de même que de la télévision[pic 143](143). La Commission fait de la distribution d'eau un service économique d'intérêt général[pic 144](144). Enfin, les transports, en particulier ferroviaires ou aériens, ont également été considérés comme pouvant donner lieu à des activités de cette nature[pic 145](145). Mais, cette qualification ne bénéficie pas nécessairement à l'ensemble du secteur considéré. Il est des prestations qui sont jugées étrangères à la satisfaction de l'intérêt général. Elles s'exercent dans des conditions qui sont celles d'activités purement commerciales et ne sont pas éligibles au régime particulier prévu à l'article 90-2.
On a avancé l'idée que la notion d'intérêt économique général devrait être entendue comme « l'activité économique non rentable, qui ne peut être réalisée de façon efficace que par les entités qui se sont vues conférer un monopole »[pic 146](146). Rien n'autorise à considérer que la notion de service d'intérêt économique général implique nécessairement l'existence d'un monopole. Cette assimilation est une source de confusion : la défense du service public dissimulant souvent celle du monopole. Pour le droit communautaire, l'attribution de droits exclusifs d'exploitation n'est qu'une exception. Elle ne sera justifiée que pour autant qu'aucune autre solution plus compatible avec les exigences de la concurrence ne s'avère susceptible de permettre l'accomplissement de la mission d'intérêt général[pic 147](147).
L'importance de l'apport de la Cour de justice à l'interprétation de l'article 90, § 2 du Traité CE ne doit pas conduire à négliger la contribution des autres institutions communautaires. Dans la construction qu'elle a édifié, la Commission distingue les concepts de « service universel », « service de base » et « service à valeur ajoutée » qui commandent un dégradé de leur régime juridique au regard des règles de concurrence pour aboutir à la libéralisation totale de l'activité par la suppression des droits de monopole[pic 148](148).
La notion de service universel est, actuellement, utilisée dans les secteurs des télécommunications et de la poste. Dans d'autres domaines, en matière d'énergie ou de transport, il n'est pas fait référence au service universel. Il en est ainsi de la fourniture d'énergie ou pour les transports. La satisfaction de l'intérêt général est alors garantie par des obligations de service public que les autorités peuvent mettre à la charge des opérateurs économiques[pic 149](149). La notion de service universel est empruntée à la législation américaine. Elle apparaît dans le Livre vert de la Commission de 1987 sur les télécommunications [pic 150](150). La Commission se réfère aux « obligations de service public » qui incombent aux opérateurs dans ce secteur et des « objectifs de service universel » que leur assignent les autorités publiques. Il faudra attendre le Livre vert relatif aux services postaux présentés par la Commission en 1992 pour voir la notion de « service universel » accéder à l'autonomie[pic 151](151). Le service universel est alors décrit comme le « service de base offert à tous, dans l'ensemble de la Communauté, à des conditions tarifaires abordables et avec un niveau de qualité standard ». Les autorités communautaires resteront dans la ligne de cette définition tout en la précisant sur certains points. Le « service universel » est présenté comme un ensemble de prestations qui doivent être assurées dans un délai raisonnable, avec une qualité suffisante et un prix abordable[pic 152](152). La substance de cette définition n'a pas varié, même si elle a été améliorée et adaptée aux divers secteurs d'activités où elle est destinée à être appliquée. Initialement dans la directive « services », la Commission décrit la mission particulière impartie aux organismes de télécommunications[pic 153](153) comme consistant « ... en l'établissement et l'exploitation d'un réseau universel, c'est-à-dire ayant une couverture géographique générale étant fournie dans un délai raisonnable à tout fournisseur et utilisateur »[pic 154](154). La Commission ajoutera que le service universel suppose aussi l'égalité d'accès qui veut la satisfaction de toutes les demandes, une couverture territoriale appropriée, une qualité du service en rapport avec la demande et l'état de la technique, des systèmes de tarification unique[pic 155](155). Finalement, dans l'annexe I du Livre vert sur la libéralisation des infrastructures de télécommunications [pic 156](156), la Commission précise que le service universel désigne « La fourniture de services de télécommunications permettent l'accès à un ensemble minimal de services définis d'une qualité donnée à tous les utilisateurs indépendamment à leur localisation géographique, et, à la lumière des conditions spécifiques nationales, à un prix abordable »[pic 157](157). L'emploi du terme « minimal » dans la définition du service universel exprime une double intention puisqu'il s'agit d'assurer la satisfaction des besoins essentiels des utilisateurs, mais également de fixer une limite à des restrictions au jeu de la concurrence qui pourraient résulter des nécessités de l'accomplissement de cette mission[pic 158](158). Certains principes qui, en droit national, caractérisent le service public, tels les principes de continuité et d'égalité contribuent à la définition du service universel. Ainsi défini, le service universel reprend les éléments utilisés par la Cour de justice pour définir le « service d'intérêt économique général » au sens de l'article 90, § 2 du Traité CE E. L'arrêt Corbeau [pic 159](159) est révélateur de cette coïncidence, confirmée par l'arrêt Commune d'Almelo [pic 160](160).
La notion de « service de base » qui est également présente dans le vocabulaire de la Commission a une signification technique. Elle désigne le service qui nécessite la mise en place d'un réseau d'infrastructure représentant un coût si élevé qu'il est inconcevable d'envisager la constitution d'un réseau concurrent.
Les « services à valeur ajoutée » sont ceux qui offrent aux utilisateurs des prestations qui ne sont pas comprises dans le service universel et qui correspondent à un prix supplémentaire que certains usagers sont disposés à payer. Selon l'arrêt Corbeau [pic 161](161) « l'exclusion de la concurrence ne se justifie pas dès lors que sont en cause des services spécifiques, dissociables du service d'intérêt général qui répondent à des besoins particuliers d'opérateurs économiques et qui exigent certaines prestations supplémentaires que le service postal traditionnel n'offre pas, telles que la collecte à domicile, une plus grande rapidité ou fiabilité dans la distribution ou encore la possibilité de modifier la destination en cours d'acheminement ». A la différence du service universel, les activités qui relèvent des services à valeur ajoutée ne peuvent pas, en principe, être soustraites à la concurrence, sauf s'ils sont indispensables au financement du service universel ou, comme la Cour de justice le dit dans l'arrêt Corbeau [pic 162](162), à moins que « ces services de par leur nature et les conditions dans lesquelles ils sont offerts, telles que le secteur géographique dans lequel ils interviennent, ne mettent en [...] cause l'équilibre économique du service d'intérêt économique général ».
Le vocabulaire juridique communautaire peut varier d'un secteur à un autre. Alors, en matière de télécommunications et de poste, le droit dérivé use de l'expression « service universel », s'agissant de l'électricité et du gaz, les propositions de directive de la Commission reviennent à la notion d'« obligations de service public »[pic 163](163). De son côté, le Conseil de l'Union, réunit en novembre 1994, a reconnu que les Etats-membres étaient en droit d'imposer des obligations de service public aux entreprises du secteur électrique « dans l'intérêt économique général ».
Trois conclusions peuvent être tirées des développements qui précèdent :
- rien d'essentiel ne sépare les notions de service d'intérêt économique général et de service public, du moins si on les envisage d'une manière exclusivement fonctionnelle ;
- les concepts des droits nationaux, comme la distinction établie par le droit administratif français entre les services publics administratifs et les services publics à caractère industriel et commercial ne sont pas opposables au droit communautaire ;
- les notions de service d'intérêt économique général, de service universel et d'obligation de service public entretiennent des relations étroites[pic 164](164). Il serait pourtant hasardeux d'affirmer que ces notions se confondent. On a pu estimer que la notion de service d'intérêt économique général couvre un champ plus étendu que celui de la notion de service universel et l'englobe. Plus précisément « le service universel est un noyau intangible de prestations garantes de la cohésion de la collectivité. Les services d'intérêt économique général constituent un cercle plus étendu, dont les formes d'organisation et de tarification peuvent être négociées dans des proportions plus larges que le service universel ; celui-ci, en effet, doit toujours être fourni à un tarif abordable, ce qui restreint le choix des méthodes permettant de le réguler. Comme leur nom l'indique, ce sont les services d'intérêt économique général qui correspondent le mieux aux idées intuitives de services d'intérêt collectif ou d'intérêt général : leur fonctionnement apporte, au-delà des usagers, des avantages à de larges catégories, ou à la totalité de la population. Il peut s'agir, en particulier, de services qui contribuent à préserver des intérêts stratégiques, ou qui garantissent le bon fonctionnement de l'économie, ou encore qui participent à la cohésion de la société, sans avoir cependant la nécessité impérative que les services universels »[pic 165](165). Dans des termes très proches, D. Berlin estime que la notion de service économique d'intérêt général ne saurait être confondue avec celle de service universel. Il en déduit que dans des cas particuliers le recours à l'article 90-2 du Traité CE pourrait permettre d'étendre le régime dérogatoire applicable à certaines activités d'intérêt général au-delà du périmètre du service universel[pic 166](166).
La première de ces conclusions mérite d'être approfondie. Le droit communautaire ne retient pas une conception organique du service public qui n'est précisément plus celle du droit administratif français, mais, au contraire, se rapproche d'une conception matérielle qui repose sur la nature de l'activité en cause sous réserve de l'exigence d'une relation particulière entre l'entreprise chargée du service d'intérêt économique général et l'Etat qui doit l'avoir investi de cette mission. Par ailleurs, le droit communautaire se réfère à une conception objective du service public qui exclut que les Etats membres puissent prétendre ériger subjectivement n'importe quelle activité en service public[pic 167](167). Il doit cependant éviter de se laisser enfermer dans une conception « essentialiste » du service public dont la tentation n'a pas toujours été absente dans la jurisprudence de la Cour de justice[pic 168](168).
La laïcisation de la notion de service public résulte de la conjugaison de deux facteurs. Le droit communautaire s'attache d'une part à introduire une délimitation précise entre les fonctions d'autorité et la notion de service public économique[pic 169](169) ; d'autre part, sans ignorer les spécificités des activités d'intérêt économique général, il insiste sur le fait que les entités qui les exercent sont d'abord des entreprises qui opèrent dans un contexte marqué par la concurrence. Ces orientations se prolongent en informant le régime des services publics.
(À suivre)
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(1) La seconde partie de cette étude relative à « la laïcisation du régime des services publics » sera publiée dans le n° 3/1996 de cette Revue [pic 170].
(2) N. Belloubet-Frier, Service public et droit communautaire, AJDA 20 avr. 1994, p. 270 et s., spéc. p. 271[pic 171] estime que « cette marginalité de la notion conduit à des détournements, à des absences ou à des confusions ».
(3) Dans son Rapport public pour 1994 (EDCE n° 46, p. 101), le Conseil d'Etat modère quelque peu ce sentiment de singularité en constatant l'existence d'une certaine « homogénéité de ton » entre les droits des Etats membres.
(4) Selon V. Hatzopoulos, « on assiste [...] à l'abandon de la notion de service public », l'expression « service public » qui renvoie directement aux droits nationaux limitant ainsi l'autonomie d'action de la Communauté, in L'« Open Network Provision », moyen de dérégulation, cette Revue 1994.63 et s., spéc. p. 88[pic 172].
(5) N. Belloubet-Frier, article préc. p. 278 estime que la Communauté « s'appuie sur un traité trop souvent interprété à la lueur idéologique d'une concurrence sans nuance ». Si la formule employée a quelque chose d'excessif, l'idée qu'elle exprime n'est pas inexacte.
(6) A propos de l'expérience britannique, V. G. Dang N'Guyen, D. Phan, La concurrence dans les télécommunications au Royaume-Uni et ses conséquences en Europe, Communications et stratégies, IDATE, Montpellier, n° 12/1993, p. 51-83 ; J. Richardson, Pratique des privatisations en Grande-Bretagne, in Les privatisations en Europe, sous la direction de V. Wright, Actes Sud, 1993. Pour un examen des résultats de la politique britannique, V. Rapport d'information déposé par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne présenté par M. Franck Borotra, 6 oct. 1995, p. 22 et s.
(7) V. notamment Ali M. Stoepelwerth, Bearding the giants : The intersection of deregulation and competition policy in the United States and Europe, Legal issues of European integration, 1994/2, p. 27 et s.
(8) V. en ce sens, Ali M. Stoepelwerth, article préc. spéc. p. 47-48.
(9) V. CJCE arrêts Corbeau, 19 mai 1993, aff. C-320/91[pic 173], Rec. p. I-2562 et Commune d'Almelo, 27 avr. 1994, aff. C-393/92, Rec. p. I-1477.
(10) V. Conseil d'Etat, Rapport public, n° 46, p. 119.
(11) Résolution du Parlement européen en date du 12 févr. 1993, B 3-026/93 sur le rôle du secteur public dans l'achèvement du marché intérieur, JOCE C. 72, 19 mars 1993, qui invite la Commission à présenter au Conseil et au Parlement une proposition relative aux actions à entreprendre en vue de définir des normes minimales pour assurer la satisfaction des besoins fondamentaux et les services publics dans l'ensemble de la société. V. aussi l'avis d'initiative adopté par le Comité économique et social en date du 21 sept. 1993 qui tend à promouvoir dans tous les Etats membres le développement de services publics efficaces et de qualité.
(12) Mémorandum déposé par la France auprès de la Commission en mars 1993.
(13) V. Karel van Miert, cité dans le Rapport du Conseil d'Etat, préc, p. 117.
(14) J.-M. Rainaud affirmait déjà qu'avec l'intervention du droit communautaire « Le service public n'est plus la notion magique qui ouvrait les portes de l'arbitraire étatique et l'assimilait volontiers à son bon plaisir », Les incidences du droit communautaire sur le droit français, in La France et les Communautés européennes, J. Rideau, P. Gerbet, M. Torelli et R.-M. Chevallier, LGDJ, 1975, p. 837 et s. spéc. p. 854.
(15) Selon l'expression de Léontin-Jean Constantinesco, La Constitution économique de la CE E, cette Revue 1977.244 et s.
(16) V. Rapport du Conseil d'Etat, préc. p. 130 et s.
(17) Il en est ainsi par exemple du service de l'enseignement ou du service hospitalier, alors même que ces activités peuvent rentrer dans la catégorie des « services publics constitutionnels ». Sur cette notion V. infra.
(18) Des évolutions en ce sens sont déjà perceptibles, V. l'article de François Vaissette, L'accès des tiers au réseau public concédé en droit de la concurrence, RJDA 12/94, p. 967 et s.
(19) Le service public a subi les critiques des économistes et des juristes sans rapport avec le droit communautaire, V. Conseil d'Etat, Rapport public, préc. p. 24 et s.
(20) Commission, Livre vert sur la libéralisation des infrastructures de télécommunications et des réseaux de télévision par câble. Première partie, Com (94) 440 final. 25 oct. 1994 ; Deuxième partie, Com (94) 682, 25 janv. 1995. V. également, Rapport de la Commission présidée par Christian Stoffaës, Services Publics. Question d'avenir, Commissariat général du Plan, Editions Odile Jacob, Doc. fr. 1995, spéc. p. 283.
(21) V. par exemple, Cons. conc. décis. 94. D. 40, Secteur de l'assurance ski, BOCCRF n° 16, 16 sept. 1994 ; Com. 12 déc. 1995, arrêt 2253 P., inédit. Cet arrêt casse l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 mars 1993 dans l'affaire dite de la météorologie nationale (section concurrence, BOCCRF, n° 6, 26 mars 1993 ; RFDA janv.-févr. 1994.80, note R. Drago[pic 174] ; CJEG 1993.448, note L. Idot). La direction de la météorologie nationale avait refusé de communiquer à la Société du Journal téléphoné pour une utilisation à des fins commerciales, certaines informations spécifiques destinées aux pilotes d'aéronefs. Le Conseil de la concurrence avait estimé que ce refus n'était pas constitutif d'un abus de position dominante. La cour de Paris s'était prononcée en sens contraire. La Cour de cassation a rendu un arrêt cassant la décision de la cour de Paris. Sa position n'est pas des plus univoque. Pour la Cour de cassation, la cour de Paris avait contrevenu à l'art. 53 de l'Ord. du 1er déc. 1986 : « Alors qu'il résultait des énonciations de l'arrêt que la Direction de la Météorologie nationale gérait, en application des dispositions de droit international et de réglementation interne, le service public de la météorologie aérienne et réservait aux seuls usagers de l'aviation civile des messages propres à assurer leur sécurité et celle des passagers et sans qu'il ait été constaté une commercialisation auprès du grand public, des informations recueillies dans le cadre de sa mission ». Au moins deux interprétations sont concevables : la première étant que la Cour de cassation a estimé que les conditions d'exercice de la mission de la météorologie nationale font qu'il n'existait pas de marché pertinent sur lequel la concurrence aurait pu être affectée, la seconde supposant que pour la Cour de cassation l'activité de ce service n'a pas de caractère commercial, mais relève d'une mission de sécurité.
(22) V. les art. 92 à 94 en matière d'aides et 90 relatif aux entreprises publiques et aux services d'intérêt économique général.
(23) On doit certainement lire « entreprise publique ».
(24) Rapport du Conseil d'Etat, préc. p. 127. Sur les aspects constitutionnels de ces « renonciations », V. infra.
(25) Publié en annexe du Rapport d'information sur le service public dans le cadre de l'Union européenne présenté par M. Franck Borotra. Dans le droit fil de cette affirmation le Rapport préconise de revenir sur l'interprétation de l'art. 90, § 3 du Traité CE retenue par la Cour de justice qui reconnaît à la Commission un pouvoir « législatif » (CJCE 17 nov. 1992, aff. C-271/90[pic 175], Espagne c/ Commission, Rec. p. I-5833).
(26) V. en ce sens F. Gazin et F. Lagondet, Le Conseil d'Etat, les services publics et le droit communautaire. A propos du Rapport public du Conseil d'Etat pour 1994, Europe, oct. 1995, p. 1.
(27) Le Monde, 14 déc. 1995.
(28) Le Monde, 12 déc. 1995 rapporte un entretien télévisé de M. Main Juppé en date du 10 déc. dont il reproduit certains extraits. « Ce qui me frappe dans la situation de la France [...] et cette crise est, de ce point de vue, une sorte de révélateur, (ce sont [...] des inquiétudes très profondes, (des) peurs qui vont au-delà de la simple actualité et qu'il va falloir essayer de dissiper [...]. Nous ne [...] laisserons pas remettre en cause (les services publics à la française). Par qui ? il faut être clair : par la Commission de Bruxelles, qui a souvent une approche très idéologique [...] qui est de dire qu'il faut casser les services publics pour introduire le système privé et la concurrence dans tous ces domaines. Nous allons faire une révision constitutionnelle bientôt [...]. A cette occasion, le gouvernement est prêt à faire une proposition pour que, dans le préambule de la Constitution [...], on écrive noir sur blanc que la France ne laissera pas démanteler, par qui que ce soit, le service public [...]. il va y avoir [...] des négociations entre les membres de l'Union européenne [...], une conférence intergouvernementale en 1996. Nous sommes prêts à poser le problème pour qu'on inscrive aussi dans le Traité de l'Union européenne qu'on respecte les services publics [...]. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucune évolution possible, aucune adaptation possible [...], parce que le monde change [...].»
(29) CEEP op. cit. p. 15.
(30) Art. 90-2 du Traité CE .
(31) En vérité, dans ce domaine la neutralité du vocabulaire n'est que relative. Comme il nous sera donné de le montrer, la terminologie retenue par le droit communautaire renvoie aussi à une autre conception de l'organisation du système économique et social.
(32) Cette notion est entendue d'une manière compréhensive par la Cour de justice comme le démontre son arrêt du 23 avr. 1991, Höffner, aff. C-41/90, Rec. p. I-1979. Pour une analyse de cette jurisprudence, V. infra.
(33) L'application aux services publics du droit communautaire et plus particulièrement de ses règles de concurrence est, essentiellement, régi par le § 2 de l'art. 90 du Traité CE E. Selon cette disposition « les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent Traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté ».
(34) CJCE 12 juill. 1984, aff. 170/83, Hydrotherm Gerötebau c/ Compact, Rec. p. 2999.
(35) CJCE 16 juin 1987, Commission c/ République italienne, aff. 118/85, Rec. p. 2619.
(36) Le service du ministère italien des Finances chargé de certaines activités dans le secteur des tabacs a été qualifié d'entreprise publique, CJCE, Commission c/ République italienne, préc. ; la Poste espagnole, organisme sans personnalité juridique indépendante a été qualifiée d'entreprise au sens de l'art. 90 § 2 du traité CE , Commission, décis. Espagne, Courrier rapide du 1er août 1990, JOCE L. 233, 28 août 1990.
(37) CJCE 16 juin 1987, Commission c/ Italie, aff. 118/85, Rec. p. 2619, attendus n° 6-7.
(38) V. CJCE 13 déc. 1991, RTT c/ GB-INNO-BM, aff. C-18/88[pic 176], Rec. p. I-5973.
(39) CJCE 17 déc. 1980, Commission c/ Belgique, aff. 149/79, Rec. p. 3881.
(40) CJCE 11 juill. 1985, Commission c/ Allemagne, aff. 107/84, Rec. p. 2664.
(41) CJCE 21 juin 1974, Reyners, aff. 2/74, Rec. p. 631.
(42) CJCE 21 juin 1974, Reyners, préc. obs. R. Kovar, JDI 1977.397. V. notamment, CJCE 15 mars 1988, Commission c/ Grèce, aff. 147/86, Rec. p. 1637 ; 10 déc. 1991, Commission c/ Grèce, aff. C-306/89, Rec. p. I-5863 ; 13 juill. 1993, Thijssen c/ Controldienst voor verzekeringen, aff. C-42/92, Rec. p. I-4047.
(43) CJCE 5 déc. 1989, Commission c/ Italie, aff. 3/88, Rec. p. 4035. C'est nous qui soulignons.
(44) CJCE 11 juill. 1985, Commission c/ Allemagne, aff. 107/84, préc.
(45) CJCE 26 mars 1987, Commission c/ Pays-Bas, aff. 235/85, Rec. p. 1485.
(46) CJCE 19 janv. 1994, SAT Fluggeselischaft GmbH c/ Eurocontrol, aff. C-364/92[pic 177], Rec. p. I-43. Pour un commentaire, V. Ch. Bolze, L'entreprise en droit communautaire, Grands arrêts de droit des affaires, Dalloz, 1995, p. 103.
(47) CJCE 19 janv. 1994, SAT, préc. point 30. Ce critère est également utilisé en droit français de la concurrence, V. par ex. Paris, section concurrence, 11 janv. 1994, Mutuelle générale des services publics, BOCCRF n° 2, 28 janv. 1995.
(48) Décis. 95/364/CEE de la Commission, 28 juin 1995, RVA, JOCE L. 216, 12 sept. 1995.
(49) CJCE 27 oct. 1993, Lagauche et autres, aff. jointes C-46/90 et C-93/91, Rec. p. I-5322.
(50) CJCE 4 mai 1988, Bodson c/ Pompes funèbres des régions libérées, aff. 30/87, Rec. p. 2479 ; JCP 1988.éd.G.II.21145, chron. M-C Boutard-Labarde.
(51) T. confl. 6 juin 1989, Ville de Pamiers, JCP 1989.éd.E.II.15644.
(52) M-C Boutard-Labarde, G. Canivet, Droit français de la concurrence, LGDJ, 1994, n° 18, p. 23-24.
(53) Conseil de la concurrence, décis. n° 90-D-26 du 4 sept. 1990, Centre hospitalier de Salon-de-Provence : rapport pour 1990, p. XXXIII et ann. 33, p. 84.
(54) Paris, 27 févr. 1991, BOCCRF 13 mars 1991. Dans le même sens, Paris, 7 févr. 1991, Gaz. Pal. 1991.I.somm.132. V. aussi en ce qui concerne l'acte de dévolution d'un marché public : Com. 14 déc. 1993, Bull. civ. IV, n° 482 ou une autorisation d'occupation du domaine public de la SNCF : Cons. conc. 24 avr. 1991, BOCCRF 1991.315, confirmé en appel ; Paris, 31 oct. 1991, D. 1992.312, note V. Sélensky[pic 178].
(55) V. Cons. conc. Rapport 1987, p. III. Aussi, Cons. conc. décis. 90-D-20, « Marché de la banane », Rapport 1990, p. 68 ; décis. 93-D-52, Société Atryade, Rapport 1993, p. 362.
(56) CJCE 23 avr. 1991, Klaus Höffner, aff. C-41/90[pic 179], Rec. p. I-1979.
(57) CJCE arrêt Klaus Höffner, préc. point 19.
(58) CJCE arrêt Klaus Höffner, préc. point 21.
(59) CJCE arrêt Klaus Höffner, préc. point 22. Souligné par nous.
(60) On ne peut exclure qu'il puisse avoir pour conséquence de remettre en cause en droit français la qualification de l'Agence nationale pour l'emploi, V. Th. Hamoniaux, L'agence nationale pour l'emploi entre droit communautaire et droit communautaire, Dr. soc. 1995.851.
(61) CJCE 23 avr. 1991, Klaus Höffner, aff. C-41/90[pic 180], préc.
(62) CJCE 7 févr. 1993, Poucet et autres c/ AGF et Camulac et Pistre c/ Cancava, aff. jointes C-159 et 160/91, Rec. p. I-664 ; note Ch. Bolze, RTD. com. 1993.429[pic 181].
(63) Même si ce résultat est atteint au prix, selon M.-A. Hermitte, d'une contradiction entre ces deux arrêts (JDI 1994.503-505). La Cour de justice est d'ailleurs à nouveau saisie de la question de l'exclusion de la concurrence pour les activités de placement de travailleurs, aff. C-111/94.
(64) CJCE 7 févr. 1993, Poucet et autres, préc.
(65) CJCE 1er févr. 1984, Duphar, aff. 238/82, Rec. p. 523, point 16.
(66) La Cour de justice note que « dans l'exécution de leur mission, les caisses appliquent la loi et n'ont donc aucune possibilité d'influer sur le montant des cotisations, l'utilisation des fonds et l'utilisation des fonds, de la détermination du niveau des prestations ».
(67) Se conformant à l'arrêt de la Cour de justice, la Cour de cassation française dans une série d'arrêts du 12 juill. 1993 jugera que la notion d'entreprise au sens des art. 85 et 86 du Traité CE E et 7 et 8 de l'Ord. du 1er déc. 1986, ne vise pas les organismes chargés de la gestion de régimes de sécurité sociale (Com. 12 juill. 1993, Bonet c/ Cancava, Contrats, conc., consom. août-sept. 1993, n° 151, obs. L. Vogel. Dans le même sens, Soc. SA Sayer France, Dr. soc. avr. 1994.385. V aussi, Paris, 19 nov. 1992, De Rochefort c/ Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, D. 1993.IR.20[pic 182]. A propos d'un régime complémentaire facultatif, Crim. 25 nov. 1992, Marti, D. 1993.IR.47[pic 183]).
(68) CJCE 16 nov. 1995, aff. C-244/94[pic 184], Fédération française des sociétés d'assurance et autres c/ Ministère de l'Agriculture et de la Pêche.
(69) Décis. 93. D. 20 : BOCCRF n° 12, 25 juill. 1993.
(70) CJCE 23 avr. 1991, aff. C-41/90[pic 185], Rec. p. I-1979.
(71) Préc.
(72) Préc.
(73) Alors que l'avocat général Tesauro emploie cette expression à propos d'Eurocontrol.
(74) Préc. point 18.
(75) Cons. conc. décis. 94 D. 40, secteur de l'assurance ski, BOCCRF n° 6, 16 sept. 1994 ; Com. 16 déc. 1995, arrêt n° 2253, inédit.
(76) Rapport Stoffaës, préc. p. 296-297.
(77) Ibid. p. 284.
(78) L'architecture de l'art. 85 du Traité CE est parfaitement démonstrative. Son § 3 n'est qu'une exception dont l'application est subordonnée à la preuve que, dans un cas déterminé, le jeu de la concurrence est moins efficace qu'une restriction de la concurrence.
(79) CJCE 23 avr. 1991, Höffner, aff. C-41/90[pic 186], Rec. p. I-1979.
(80) V. infra.
(81) V. notamment, XXIIe Rapport sur la politique de concurrence, 1992, n° 26, p. 32.
(82) XXIe Rapport sur la politique de concurrence, 1991, n° 15, p. 28.
(83) Ibid.
(84) XXIIe Rapport sur la politique de concurrence, préc. p. 14.
(85) XXIe Rapport sur la politique de concurrence, 1991, n° 17, p. 28.
(86) Ibid. p. 28-29.
(87) V. Rapport Borotra, préc. p. 20.
(88) Cité dans le Rapport Borotra, préc. p. 15.
(89) V. par exemple le cas de la poste dont le monopole n'est que partiel, code des postes et des télécommunications, modifié par la loi n° 90-568 du 2 juill. 1990. La distribution d'eau n'est pas assujettie à un régime de monopole.
(90) V. Rapport Stoffaës, préc. p. 85 et s.
(91) V. M-P Deswarte, Intérêt général, bien commun, RD publ. 1988.1288 et s.
(92) V. Rapport Stoffaës préc. p. 53.
(93) Rapport Stoffaës, préc. p. 53.
(94) V. M. Eiler, L'emprise du droit communautaire sur la notion d'intérêt économique général, mémoire, DEA de Droit des Communautés européennes, Université Robert Schuman, Strasbourg, 1992, p. 18.
(95) R. Drago, La notion d'entreprise chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général, rapport au colloque organisé par la Ligue internationale contre la concurrence déloyale, La concurrence entre entreprises publiques et privées au sein Marché commun, Bruxelles, mars 1963, publié dans IzRivista du Diritto Industriale, 1963, n° 1 et 2).
(96) V. en particulier A. Papparlardo, Régime de l'article 90 du Traité CE E, les aspects juridiques, in L'entreprise publique et la concurrence, Collège d'Europe, De Tempel, Bruges 1969, p. 100- 101.
(97) M. Waelbroeck, in Le droit de la CE E, vol. 4, Editions de l'Université de Bruxelles, p. 90. Dans le même sens, A. Page, Member States, Public Undertakings and article 90, European Law Review, 1982-7, p. 29 et s. spéc p. 29-30.
(98) P.P. Van Gehuchten, La notion d'entreprise publique selon la doctrine et la jurisprudence de la Cour et la fonction de l'article 90 du Traité CE E in Interventions publiques et Droit communautaire, Pedone, 1988, p. 112 et s. spéc. p. 131. Cet auteur fonde sa position sur l'économie de l'article 90, § 2. Si l'intérêt général ne devait pas être laissé à l'appréciation des autorités nationales « on ne pourrait autrement comprendre la pertinence du verrouillage par l'intérêt de la Communauté si toute l'appréciation était d'entrée communautaire » (idem).
(99) Obs. de la Commission dans l'aff. SAIL, CJCE 21 mai 1972, Ministère publique de la République italienne c/ Societa agricola industriale latte SAIL, aff. 82/71, Rec. p. 119.
(100) Rép. à quest. écrite n° 1197/81, JOCE C. 43.
(101) CJCE 14 juill. 1971, Veuve Müller-Hein, aff. 10/71, Rec. p. 723.
(102) V. par ex. CJCE 21 mars 1971, BRT c/ SABAM, aff. 127/73, Rec. p. 313.
(103) CJCE 10 déc. 1991, Porto di Genoa, aff. C-179/90[pic 187], Rec. p. I-5889 ; Commission, décis. 21 déc. 1988, Magill TV Guide, JOCE L. 78, 21 mars 1989.
(104) CJCE 19 mai 1991, aff. C-320/91, préc. et 27 avr. 1994, aff. C-392/92, préc.
(105) V. P. Le Mire, note sous l'arrêt Télécom, AJDA 1991.538 et s. spéc. p. 545[pic 188].
(106) CJCE 21 mars 1974, BRT c/ SABAM, aff. 127/73, préc.
(107) V. Commission, décis. 29 oct. 1981, GVL, JOCE L. 370, 28 déc. 1981 et CJCE 2 mars 1983, GVL c/ Commission, aff. 7/82, Rec. p. 483.
(108) CJCE arrêt BRT c/ SABAM, préc. ; 14 juill. 1981, Züchner c/ Bayerische Vereinsbank, aff. 172/80, Rec. p. 2021.
(109) V. notamment, R. Chapus, op. cit. t. I, p. 377-378 ; B. Stirn, La conception française du service public, CJEG 1993.299.
(110) Commission, décis. 16 janv. 1991, Ijsselcentrale, JOCE L. 28/32, 2 févr. 1991. V. aussi, TPI 12 déc. 1991, SEP c/ Gasunie, aff. T-39/90, Rec. p. II-1500.
(111) Dans son arrêt du 27 avr. 1994, Commune d'Almelo, préc. la CJCE rappelle qu'Ijsselcentrale « s'est vu conférer, par une concession de droit public non exclusive, la mission d'assurer la fourniture d'énergie électrique dans une partie du territoire national ».
(112) CJCE 21 mars 1974, aff. 127/73, préc.
(113) CJCE 14 juill. 1971, aff. 10/71, préc.
(114) V. L. Gyselen, Rép. Droit communautaire Dalloz, v° Service public n° 9.
(115) CJCE 21 mars 1974, BRT c/ SABAM, préc.
(116) Comp. A. de Laubadère, Traité de droit administratif, LGDJ, 6e éd. 1973, p. 581.
(117) CJCE 10 déc. 1991, Porto di Genoa, aff. C-179/90[pic 189], préc. Souligné par nous.
(118) CJCE 14 juill. 1971, préc.
(119) V. en ce sens, A. Goldman, A. Lyon-Caen et L. Vogel, Droit commercial européen, Dalloz, 1994, p. 757-758, n° 957.
(120) CJCE 19 mai 1993, préc.
(121) Sur cette notion V. infra.
(122) CJCE 27 avr. 1994, Commune d'Almelo, préc.
(123) V. infra.
(124) Commission, décis. n° 82/371, 17 déc. 1981, Navewa-Anseau, JOCE L. 167, 15 juin 1982.
(125) Commission, décis. n° 91/50, 16 janv. 1991, Ijsselcentrale, JOCE L. 28, 2 févr. 1991.
(126) Décis. de la Commission n° 92/403, 11 juin 1993, UER c/ système de l'Eurovision, JOCE L. 179, 22 juill. 1993.
(127) CE 24 avr. 1992, Union nationale des fédérations d'HLM et autres, RJDA 1992.686 n° 845.
(128) CJCE 19 mai 1993, préc.
(129) C'est ainsi qu'après avoir évoqués la distinction de la définition organique ou formelle et de la définition matérielle du service public, G. Vedel et P. Delvolvé formulent à propos de la deuxième de ces définitions la proposition suivante : « On définira le service public comme l'activité qui tend à satisfaire un besoin d'intérêt général », Droit administratif, t. 2, Thémis, PUF, 12e éd. 1992, p. 724.
(130) A. de Laubadère, J.-C. Venezia, Y. Gaudemet, Traité de droit administratif, t. 1, 13e éd. 1994, p. 762.
(131) Dans ses conclusions sur l'arrêt Société des Etablissements Vezia, le commissaire du gouvernement Latournerie donnait du service public la définition suivante : « Le service public, c'est celui dont l'exécution régulière est réputée par le législateur présenter pour l'utilité publique un intérêt assez important pour être assurée par l'ensemble des procédures du droit public, du moins par l'ensemble de celles que demande le but assigné à ce service, réserve qui explique que par exemple les services industriels et commerciaux ne soient pas munis de la totalité de ces prérogatives ».
(132) A titre d'exemples, M. Hauriou, « Un service rendu au public de façon régulière et continue pour la satisfaction d'un besoin public et par une organisation publique » (Précis de droit administratif et de droit public, 1re éd. 1933, p. 12) ; L. Duguit, « On aperçoit dès lors la notion de service public : c'est toute activité dont l'accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale, et qu'elle est de nature telle qu'elle ne peut être réalisée complètement que par l'intervention de la force gouvernante.
Cette activité est d'une importance telle pour la collectivité qu'elle ne peut pas être interrompue un seul instant. Le devoir des gouvernants est d'employer leur puissance à en assurer l'accomplissement d'une manière absolument continue » (Traité de droit constitutionnel, 3e éd. 1923, p. 54-56) ; L. Rolland « ... Entreprise qui, sous la haute direction des gouvernants, est destinée à donner satisfaction à des besoins collectifs du public [...] ces besoins sont multiples, mais ils se rattachent tous à des idées assez simples. On veut que l'existence du groupe étatique dont on fait partie soit maintenue et assurée à l'encontre des périls qui peuvent la menacer. On demande que dans ce groupe s'établisse un aménagement rationnel et qu'y règnent l'ordre et la justice. Le service public est ainsi, non seulement une entreprise, mais une entreprise d'intérêt général » (Précis de droit administratif, 8e éd. 1943, p. I-2).
(133) D. Truchet, Label de service public et statut de service public, AJDA 1982.427.
(134) J. Chevallier, Le service public, PUF, Paris, 1987, spéc. p. 104.
(135) CJCE 19 mai 1993, préc.
(136) CJCE 27 avr. 1994, préc.
(137) CJCE 14 juill. 1971, préc.
(138) Pour reprendre l'expression du Conseil d'Etat dans son arrêt Chambre syndicale du commerce de détail de Nevers 30 mai 1930, S. 1931.3.73, concl. Josse.
(139) CJCE 10 déc. 1991, préc.
(140) CJCE 14 juill. 1971, préc.
(141) Concl. dans l'affaire Port de Gênes, préc. Rec. p. 5889.
(142) V. CJCE 13 déc. 1990, GB-INNO-BM, aff. C-18/88, Rec. p. I-5913 ; 20 mars 1985, Italie c/ Commission « British Telecom », aff. 41/83, Rec. p. 873.
(143) CJCE 30 avr. 1974, Sacchi aff. 155/73, Rec. p. 409.
(144) Commission, décis. du 17 déc. 1981, Navewa-Anseau, JOCE L. 167, 15 juin 1982.
(145) V. pour les transports aériens, CJCE 11 avr. 1989, Ahmed Saeed Flugreisen, aff. 66/86, Rec. p. 398.
(146) Stéphane Retterer, Monopoles publics et démonopolisation en droit communautaire, th. Université de Toulon et du Var, p. 228, n° 146.
(147) Sur ce point V. infra.
(148) V. A Wachsmann et F. Berrod, Les critères de justification des monopoles : un premier bilan après l'affaire Corbeau, cette Revue 1994.39 et s. spéc. p. 45[pic 190].
(149) Dans la proposition modifiée de directive présentée par la Commission le 11 févr. 1994 relative aux règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, on peut lire que « les Etats membres peuvent imposer, dans le respect du droit communautaire, des obligations de service public aux entreprises opérant dans le secteur de l'électricité en ce qui concerne la sécurité, la régularité, la qualité et le prix des fournitures » (art. 3 § 2, JOCE C. 123/1, 4 mai 1994). Dans le secteur des transports, V. règlement n° 2408/92 du Conseil du 23 juill. 1992 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires, JOCE L. 240/8, 24 août 1994.
(150) Livre vert de la Commission du 30 juin 1987, Com (87) 290.
(151) Livre vert de la Commission sur les services postaux, Com (92) 476.
(152) Ibid.
(153) « On entend par organisations de télécommunications au sens de la directive 90/388/ CE E, les organisations publiques ou privées auxquelles les Etats membres octroient des droits spéciaux ou exclusifs en matière de fourniture d'un réseau public de télécommunications et, le cas échéant, d'un service de télécommunications public », Livre vert sur la libéralisation des infrastructures de télécommunications, annexe 1, préc.
(154) Dir. de la Commission 90/388/CEE du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications, JOCE L. 192, 24 juill. 1990. V. également, Livre vert de la Commission en matière de télécommunications. Com (87) 290, 30 juin 1987.
(155) Commission, Livre vert sur le développement du marché unique des services postaux, préc.
(156) Préc.
(157) La Commission ajoute que « La notion de service universel inclut également en particulier le service aux utilisateurs désavantagés tels que les sourds et autres handicapés ».
(158) Sur la question du contenu du service universel, V. infra.
(159) CJCE 19 mai 1993, préc.
(160) CJCE 27 avr. 1994, préc.
(161) CJCE 19 mai 1993, préc.
(162) CJCE 19 mai 1993, préc.
(163) V. infra.
(164) La directive de la Commission 90/388/CEE sur la concurrence dans les marchés des services de télécommunications (préc.) a défini la fourniture et l'exploitation d'un réseau universel comme étant un service d'intérêt économique général au sens de l'art. 90-2 du Traité CE E. Le Conseil de l'Union parle d'obligations de service public imposée dans l'intérêt économique général.
(165) V. Rapport Stoffaës, préc. p. 360-361.
(166) D. Berlin, Service public postal, marché intérieur et droit communautaire, Juris PTT n° 36, 2e trim. 1994, p. 3.
(167) V. R. Kovar, La Cour de justice et les entreprises chargées de la gestion d'un service d'intérêt économique général. Un pas dans le bon sens vers une dérégulation réglée, Europe, juill. 1994, p. 1 ; Cl. Boileau, Concept communautaire de service public et les services publics locaux, RFDA. 1995.320[pic 191].
(168) R. Kovar, article préc. ; M. Long, Service public, services publics : déclin ou renouveau, RFDA. 1995.497[pic 192].
(169) Cette démarche se prolonge dans le régime applicable aux services publics qui exige la dissociation de ces deux fonctions dont le cumul est prohibé.
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