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L'Art Naît De Contrainte, Vit De Lutte, Meurt De Liberté

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aintes formelles.

Les contraintes, et tout particulièrement celles imposées par le théâtre classique, c’est-à-dire les unités de temps, de lieu et d’action, les bienséances et le vraisemblable, sont souvent très strictes et même à certaines époques presque impératives. Cependant, en imposant un cadre difficile, elles donnent beaucoup plus de mérite au dramaturge qui s’y soumet avec succès. En effet, créer une pièce avec de telles contraintes n’est pas à la portée de tous et c’est ce qui a fait la renommée d’artistes tels que Racine qui a su dans ses tragédies telles qu’Andromaque allier son originalité propre au respect le plus strict des règles classiques.

Enfin, ces contraintes ne sont pas nées du hasard. Elles sont apparues à la fin du XVII° siècle et au XVIII° car c’est la période où l’on redécouvre Aristote et sa Poétique. Or, ce qu’expose Aristote, ce sont moins des règles que des conseils donnés aux dramaturges d’après les œuvres déjà réalisées, notamment celles de Sophocle et Homère, et ce qui lui paraît imposé à une bonne tragédie ou à une épopée de qualité, comme par exemple le vraisemblable, « une action noble menée jusqu’à sa fin et ayant une certaine étendue » dans une tragédie ou « une action menée jusqu’à sa fin » comportant « des évènements qui suscitent crainte et pitié ». C’est de phrases telles que celles-ci que sont tirées les règles classiques. Par exemple l’unité de temps vient du chapitre V de la Poétique dans lequel Aristote nous dit qu’une tragédie doit « essayer autant que possible de se dérouler durant une seule révolution du soleil ou ne guère s’en écarter ». Même si ces règles sont parfois devenues une forme de censure (Corneille a en effet, par exemple, dû modifier Le Cid), elles n’étaient au départ que des conseils pour créer une meilleure œuvre. Les contraintes peuvent donc servir en quelque sorte de cadre, de point de départ à la création d’une intrigue et ainsi le théâtre peut «[ naître] de contrainte ».

Si les contraintes imposées au théâtre peuvent permettre en quelque sorte d’en améliorer les œuvres, la « lutte » peut également jouer ce rôle. En effet, très souvent dans l’histoire du théâtre des œuvres et des auteurs ont été mis en concurrence. Ce fut le cas dans l’Antiquité grecque lors des Dionysies mais aussi dans le théâtre français comme par exemple entre Corneille et Racine. Cette concurrence a d’ailleurs atteint son paroxysme lors de l’écriture par les deux dramaturges de pièces sur le même sujet, c’est-à-dire Bérénice de Racine et Tite et Bérénice de Corneille en 1670. Ces rivalités, ces luttes induisent automatiquement une recherche de perfection de la part du dramaturge pour surmonter de tels obstacles et ainsi donne « vie » au théâtre. Cela conduit aussi les auteurs de pièces à écrire des préfaces à leurs œuvres pour se justifier, pour justifier et expliquer les raisons de leurs choix.

Ces préfaces permettent aussi à certains auteurs de développer de nouvelles conceptions du théâtre, de nouvelles théories. C’est par exemple le cas de Corneille mais aussi de Victor Hugo dans le préfaces de Cromwell et de Hernani dans lesquelles il rejette la plupart des règles du théâtre classique et crée ainsi le drame romantique. En se justifiant, les auteurs font donc évoluer le théâtre, en font évoluer les règles. Le théâtre peut évoluer et être porteur d’idées nouvelles à propos de sa forme propre mais il a souvent été et est encore un vecteur de remise en cause de la société, de ses mœurs, de ses vices. Ainsi, nous pouvons dire que le théâtre est très souvent anti-conformiste, or le conformisme ne lutte pas. Ce sont les idées nouvelles qui ont du mal à s’imposer et qui font le plus de fracas. Par ces aspects, le théâtre sous toutes ses formes et toutes ses évolutions vit donc de lutte contre la société, contre ses détracteurs.

Si la lutte est inhérente aux œuvres théâtrales pour les raisons que nous venons de voir, elle suppose tout de même un minimum de liberté. En effet, une œuvre pour laquelle les querelles sont importantes est forcément une œuvre originale. Si des œuvres ont suscitées des querelles plus ou moins violentes à toutes les époques, cela est toujours vrai dans le théâtre contemporain qui dispose d’une extrême liberté. Les pièces modernes ne sont pas limitées par une forte censure, le théâtre de notre époque se permet plus que jamais de libres adaptations de pièces plus anciennes. Cependant, les critiques existent toujours et les auteurs et metteurs en scènes doivent justifier des choix qui peuvent d’un premier abord paraître dénaturer la pièces originale. Parmi ce type de cas nous pouvons citer les adaptations de pièces antiques réalisées par Giraudoux (La guerre de Troie n’aura pas lieu, Electre, La machine infernale) ou encore Camus (Le mythe de Sysiphe) au XX° siècle et il en existe bien d’autres, également au niveau des mises en scènes qui sont faites de pièces comme celles de Shakespeare ou de Molière. Le théâtre a donc besoin de lutte pour se développer mais suppose donc un rapport particulier à la liberté puisqu’il s’appuie également sur certaines contraintes.

Une part de liberté, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer est indispensable à la création théâtrale. Cependant, une liberté absolue peut conduire à des excès et même à la création d’œuvres qui pour certains ne seront plus de l’art mais seulement une affirmation de la liberté voire une preuve stérile de cette liberté.

Une grande liberté, à propos de la forme comme du fond, conduit d’autre part inexorablement à la multiplication des œuvres et des auteurs. Si, certes, certains dramaturges et certaines œuvres dignes d’intérêts existent, d’autres souvent sans beaucoup de talents peuvent apparaître en grand nombre et donner une image déformée du théâtre. Cela se produit notamment depuis la deuxième moitié du XX° siècle où les théâtres disposent de beaucoup de pièces d’intérêt et de qualité très variables. C’est en ce sens que la liberté peut causer une dégénération du théâtre et l’on peut considérer en prenant des cas extrêmes qu’elle en cause la « mort » comme le fait André Gide.

Nous pouvons également voire dans les sujets des tragédies classiques une preuve de cette affirmation. En effet, ces tragédies, considérées par beaucoup comme des chefs d’œuvres n’utilisent quasiment que des sujets antiques et bibliques. Nous pouvons par exemple citer Iphigénie de Racine qui fait référence à la mythologie grecque ou encore Britannicus. Cette réutilisation des mythes anciens, des sujets des pièces anciennes dans les meilleures tragédies peut constituer une preuve que le théâtre n’a pas besoin d’une immense liberté et donc a contrario que le théâtre peut « [mourir] de liberté ».

Pourtant le théâtre est un art est aucun art ne peut subsister en une absence totale de liberté. Si comme nous l’avons en effet montré le théâtre classique à réutilisé des mythes antiques, les mêmes auteurs ont aussi, dans de très rares occasions il est vrai, su composer des tragédies dont les faits historiques se situaient dans une époque très proche. C’est notamment le cas de Racine avec sa pièce Bajazet dont les faits ne se situent que quarante ans avant le moment de l’écriture. Cependant, il éprouve le besoin de se justifier en expliquant dans la seconde préface de sa pièce que « L’éloignement des pays [France et Turquie] répare en quelque sorte la trop grande proximité des temps. Car le peuple ne met guère de différence entre ce qui est, si j’ose ainsi parler, à mille ans de lui, et ce qui en est à mille lieues. ». Toutefois, petit à petit les sujets des pièces vont se rapprocher dans le temps de leur période d’écriture. Cela était déjà plus le cas avec la comédie qui a de tous temps bénéficié d’une plus grande liberté, étant considérée comme beaucoup moins noble. La liberté d’écrire sur sa propre époque, c’est

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