La condition potestative
Commentaire d'arrêt : La condition potestative. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar carolineghns • 22 Mars 2020 • Commentaire d'arrêt • 2 586 Mots (11 Pages) • 687 Vues
Cass 1ère civ. 16 octobre 2001
Dans un arrêt en date du 16 octobre 2001, la première chambre civile de la CDC est venue se prononcer sur le caractère potestatif d’une clause conditionnelle insérée dans un contrat entre le propriétaire d’une clinique et ses médecins.
En l’espèce, il s’agissait d’un contrat entre le propriétaire d’une clinique et des médecins.
Ce contrat contenait une clause conditionnelle selon laquelle dans le cas où le propriétaire décidait de fermer le service il n’y aurait pas d’indemnité pour ceux qui y travaillaient. Le propriétaire arguant de difficultés économiques, a fermé la clinique et a rompu les contrats conclus avec les médecins, les privant ainsi de toute indemnité.
Les médecins assignent le propriétaire et demandent une indemnisation pour rupture abusive du contrat. Dans le cadre de la procédure, un premier arrêt de la Cour d’appel de Versailles, en date du 12 janvier 1996, a ordonné une expertise afin de caractériser les difficultés économiques soulevées par le propriétaire. Un second arrêt en date du 29 octobre 1999 déboute les médecins de leur demande.
Les médecins font alors grief à l’arrêt 12 janvier 1996 et se pourvoient en cassation. En effet, ils estiment que la Cour d’appel a violé les articles 1134, 1170 et 1174 du Code civil en affirmant tout d’abord que la condition contenue dans la clause du contrat n’était pas potestative au point d’être nulle. De plus, ils condamnent le fait que la Cour d’appel les ait débouté de leur demande aux motifs que la décision prise par le défenseur au pourvoi de fermer la clinique ne relevait pas de sa volonté de la vendre à bon prix. Enfin, les médecins dénoncent le fait que les juges du fond ne leur ait pas octroyé l’indemnité demandée tandis que le propriétaire de la clinique avait perçu une indemnité substantielle lors de la fermeture de la clinique.
Dans quelle mesure le caractère potestatif d’une clause conditionnelle peut-elle être appréciée au regard d’événements économiques irrésistibles ?
Dans un arrêt en date du 16 octobre 2001, la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi des médecins. Elle affirme que la Cour d’appel a souverainement estimé que la condition contenue dans la clause litigieuse n’était pas potestative au point d’être frappé de nullité. De plus, elle confirme l’avis des juges du fond concernant le fait que la clause n’avait été mise en œuvre que sous la pression d’événements économiques irrésistibles, la cour d’appel ayant procédé à une expertise de la situation.
PLAN :
- L’appréciation de la clause conditionnelle litigieuse
- Le constat d’une clause simplement potestative
- Le refus de prononcer la nullité de la clause litigieuse
II. Un contrôle de la clause conditionnelle au moment de l’exécution du contrat
- La prise en compte d’événements économiques irrésistibles
- Vers un glissement du contrôle du caractère potestatif du moment de la formation du contrat au stade de son exécution
OU
I.
- L’appréciation souveraine de l’absence de caractère purement potestatif de la condition
- Conséquence : nullité
II.
- L’acceptation de la prise en compte de la situation factuelle
- Le contrôle de la mise en œuvre de la condition
- L’appréciation subjective du caractère potestatif de la condition
Faire chapeaux
- L’appréciation souveraine de l’absence de caractère purement potestatif de la condition
Les médecins, après avoir eu connaissance de la décision du propriétaire de fermer la clinique, dénonce l’absence d’indemnité due à la rupture du contrat, une clause pourtant établie dans le contrat de travail les liant. Dans un arrêt en date du 29 octobre 1999, la Cour d’appel a alors débouté les médecins de leur demande d’indemnisation à l’occasion de le fermeture de la clinique où ils travaillaient. En effet, les juges du fond ont estimé que la condition contenue dans la clause n’était « pas potestative au point d’être nulle ». La décision est confirmée par la Cour de cassation, qui reprend leur solution en d’autres termes en affirmant qu’elle n’était « pas purement potestative ». Une condition est potestative lorsque la naissance ou l'exécution de l'obligation dépend de la seule volonté d'un seul des contractants. Elle est nulle si elle ne dépend que de la volonté du D, selon l’article 1304-2 du Code civil, ancien article 1174 du même code. Il s’agissait alors, pour la CA, d’apprécier si la clause conditionnelle ne dépendait que de la volonté du propriétaire de la clinique.
La Cour de cassation estime qu’il s’agit d’une appréciation souveraine de la Cour d’appel, c’est à dire que la haute juridiction se range derrière le constat des juges du fond. La première chambre civile n’est pas venue contrôler l’examen de la condition litigieuse de la Cour d’appel. En effet, l’appréciation de la potestativité ou non d’une condition est une question factuelle, qui ne relève pas de la compétence de la Cour de cassation qui juge en droit. En affirmant que la Cour d’appel a « souverainement constaté » que la clause litigieuse n’était pas purement potestative, la Cour de cassation s’est aligné sur la décision en appel.
La Cour de cassation confirme que la clause conditionnelle n’est « pas purement potestative ». Cette notion du caractère potestatif n’a pas fait l’objet de changements avec la réforme du droit des obligations du 10 février 2016, modifiée par la loi de ratification du 20 avril 2018. À la lecture des anciens articles 1170 et 1174 anciens, les critères posés par le législateur sont les mêmes. La question était alors de savoir pour la Cour d’appel dans l’arrêt de 2001, si le fait de fermer la clinique résultait de la seule volonté du débiteur. En d’autres termes, si le propriétaire était le seul pouvant « faire survenir ou empêcher » la fermeture de la clinique. C’est ce que les juges du fond en apprécié en l’espèce, en jugeant la condition non purement potestative. En effet, selon un arrêt de la chambre commerciale de la CDC en date du 23 septembre 1982, rendu sous l’empire de l’ancien droit, la condition contenue dans le contrat en l’espèce était nulle car elle faisait dépendre l’exécution de la convention d’un événement que seule la société pouvait faire survenir ou empêcher. En d’autres termes, si le propriétaire était le seul pouvant « faire survenir ou empêcher » la fermeture de la clinique. C’est ce que les juges du fond en apprécié en l’espèce, en jugeant la condition non purement potestative
Il est aussi possible de faire un parallèle avec le principe de la clause de résiliation. Selon un arrêt de la chambre commerciale du 20 septembre 2011, la clause de résiliation qui permet au cocontractant et à lui seul, de façon discrétionnaire, de mettre fin au contrat avec un préavis très court, est purement potestative. Dans cet arrêt, la CDC prend en compte la notion de pouvoir discrétionnaire pour apprécier la potestativité de la clause. L’appréciation d’une clause de résiliation dans cet arrêt s’apparente à celle de clause conditionnelle que fait la Cour d’appel dans l’arrêt de 2001.
- La prise en compte de la situation factuelle
La Cour de cassation a affirmé que sur la base d’une « analyse approfondie de la situation de la clinique », la CA a estimé souverainement que la mise en œuvre de la condition avait été provoquée par des « événements éco irrésistibles ».
Il convient de souligner que dans le cadre de la procédure, l’arrêt du 12 janvier 1996 de la Cour d’appel de Versailles a effectivement « ordonné une expertise » visant à caractériser les « difficultés insurmontables de gestion » alléguées par le propriétaire. Les juges du fond, le 29 octobre 1999, pour débouter les médecins de leur demande d’indemnisation, ont affirmé que ces difficultés économiques étaient caractérisées, et que la situation dans laquelle le propriétaire de la clinique a été contraint de la fermer était catastrophique. « la situation était irrémédiablement compromise sans qu'aucune faute puisse lui être imputée »
La CA procède ici à une appréciation factuelle de la condition. En effet, elle prend en compte la situation économique dans laquelle la condition est mise en œuvre. Les juges du fond l’apprécient au-delà de la condition en elle-même et ne considère pas la clause seulement dans son cadre contractuel, dans sa rédaction, mais dans le contexte installé autour de la clinique et du propriétaire. La Cour d’appel recherche dans l’article 1170 si la mise en œuvre de la condition ne dépend que de la volonté du proprio, mais à la limite, puisqu’elle prend aussi en compte un événement extérieur au contrat, à savoir les « difficultés insurmontables de gestion ».
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