Les feuilletons de l’ORTF et la « condition féminine ».
Dissertation : Les feuilletons de l’ORTF et la « condition féminine ».. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Noura Robé • 12 Mars 2018 • Dissertation • 2 878 Mots (12 Pages) • 947 Vues
Les feuilletons de l’ORTF et la « condition féminine ». |
Un féminisme populaire ? |
ROBE MAURELLE |
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Introduction :
La fin du XXème siècle a donné naissance à de nombreux feuilletons diffusés par l’ORTF (office de radiodiffusion-télévision française) et consacrés à la condition féminine. Ces feuilletons avaient pour objectif de questionner le rôle et la place des femmes dans la société. On y retrouvait 3 figures majeures : la jeune femme, l’épouse et enfin la mère. Dans son article que l’on retrouve sur le site CAIRN dans la revue « Le temps des médias » n°29 traitant du « Féminismes » paru en 2017 aux pages 48 à 64, Taline Karamanoukian, docteure en études cinématographiques et audiovisuelles, nous montre comment les feuilletons de l’ORTF ont permis de diffuser des idées féministes sans pour autant menacer l’ordre social établi. Nous allons donc voir dans quelle mesure l’auteure met en évidence l’idée d’un féminisme populaire à travers les feuilletons de l’ORTF. Pour cela, nous donnerons une définition du féminisme populaire puis nous étudierons les 3 figures féminines principales traitées par ces feuilletons. Tout d’abord, nous verrons la figure de la jeune femme dans les récits d’apprentissage et les feuilletons didactiques, nous traiterons par la suite de la figure de l’épouse dans les chroniques conjugales et enfin, nous étudierons la figure de la mère dans les mélodrames maternels.
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DEFINITIONS :
L
orsque l’on cherche le terme « féminisme » sur le moteur de recherche Google, on peut trouver la définition suivante : Le féminisme est un ensemble de mouvements et d'idées politiques, philosophiques et sociales, qui partagent un but commun : définir, établir et atteindre l'égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes. Le féminisme a donc pour objectif d'abolir, dans ces différents domaines, les inégalités hommes-femmes dont les femmes sont les principales victimes, et ainsi de promouvoir les droits des femmes dans la société civile et dans la vie privée.
Le terme « culture populaire » : désigne une forme de culture dont la principale caractéristique est d'être produite et appréciée par le plus grand nombre.
Nous pouvons donc à l’aide de ces deux définitions, définir le terme « féminisme populaire ». En effet, le féminisme populaire, renvoie à l’idée d’un féminisme apprécié par le plus grand nombre. Le but de ce féminisme n’est pas de créer une révolution mais de faire émerger au fur et à mesure dans les consciences, les préoccupations féministes et ainsi apporter des changements plus ou moins majeurs.
Dans le contexte de l’époque, l’ORTF (office de radiodiffusion-télévision française) se doit d’être fédératrice. Ainsi, elle doit prendre en compte les changements de l’époque concernant les femmes tels que l’émancipation féminine, la redéfinition des rôles et rapports entre les sexes… mais elle doit également rester en phase avec l’ordre socio sexué de l’époque.
C’est dans ce cadre que l’on retrouve dans chaque feuilleton, un désir de la part du réalisateur de concilier les idées féministes (à travers les différentes figures féminines), avec une société fortement ancrée dans le patriarcat.
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- Des filles qui s’émancipent
- Les récits d’apprentissages
Ce type de feuilletons s’adresse à un public bien ciblé, ils visent les filles issu du baby-boom qui soit débutent leurs études supérieures où alors se lancent dans le monde du travail. Ils représentent donc une héroïne en adéquation avec ces jeunes femmes et ce qu’elles vivent au quotidien. L’héroïne est donc très souvent une jeune femme âgée de 20 ans ou un peu plus. Les feuilletons de l’ORTF racontent ses aventures à la fois professionnelles et sentimentales desquelles elles tirent une leçon qui lui permettra de murir. Taline Karamanoukian donne l’exemple de certains de ses feuilletons dans le but d’illustrer sa thèse. Elle se sert par exemple des feuilletons suivants : « Janique Aimée» (1963), « Seule à Paris »(1965)…
Le feuilleton « Janique Aimée » fait le portrait d’une jeune femme indépendante et autonome qui après s’être faite abandonnée par son fiancé prend son destin ainsi que celui de sa famille en main. L’auteure nous montre bien qu’elle s’éloigne du « destin traditionnel féminin : mari, maison et enfants » dont parle Simone de Beauvoir dans « Le deuxième sexe ». Elle est donc à l’opposé des héroïnes des romans sentimentales ordinaires qui sont très souvent obnubilées par leurs passions amoureuses et qui sont donc dépendantes voire aliénés par celle-ci. On peut voir dans ce feuilleton, une femme qui s’assume toute seule et qui n’a pas besoin d’un homme pour réussir sa vie. Même si, on retrouve une vision nouvelle de la femme, autonome et indépendante, on accorde peu d’importance au travail qui occupe une place secondaire au profit de la sphère privée et familiale.
Contrairement à « Janique Aimée », ce n’est pas une rupture mais plutôt le désir d’émancipation de Cécile, héroïne du feuilleton « Seule à Paris », qui déclenche l’action. Cependant, à l’image de l’héroïne du premier feuilleton cité, Cécile rejette le modèle féminin traditionnel : la femme au foyer, incarnée par sa mère. Elle quitte tout (sa famille, son petit-ami, sa ville…) pour s’émanciper à Paris où malgré les difficultés qu’elle rencontre, elle reste forte et autonome puisqu’elle refuse de demander de l’aide à ses parents. Concernant sa vie amoureuse, elle fréquente un jeune architecte qu’elle finit par quitter suite à sa vision trop traditionnelle du couple. On voit ici que l’héroïne n’est pas prête à abandonner ses convictions et valeurs quitte à renoncer à l’amour. Elle finira néanmoins par trouver l’amour avec un homme, le seul qui respecte ses choix, qui ne va pas à l’encontre de son ambition et qui n’empiète pas sur sa vie professionnelle. Ainsi, ce feuilleton illustre parfaitement l’une des préoccupations féministes de l’époque : être libre, autonome, pouvoir travailler mais surtout avoir des relations égalitaires avec les garçons. Néanmoins, le feuilleton a ses limites, puisqu’il émet une incompatibilité entre ambitions professionnelles et bonheur conjugal. De plus, à l’image de la « vielle fille aigrie et malheureuse » ou de « la jeune femme seule et malheureuse », le célibat féminin est montré comme une menace pour les femmes indépendantes et autonome. De plus, la fin du feuilleton est contradictoire à la philosophie de Cécile puisqu’elle qui a toujours privilégié son travail plutôt que sa vie sentimentale, refuse un contrat pour ne pas perdre son fiancé. Taline Karamanoukian, l’auteure de cet article analyse la scène de fin du feuilleton qui montre bien que la perspective de son avenir professionnelle est évacué pour laisser place à celle du mariage, puisqu’on peut voir les deux amoureux vêtue pour Cécile de blanc et pour son homme de noir ce qui n’est pas sans rappeler les couleurs du mariage.
Ceci montre donc toute l’ambivalence de ces feuilletons qui doivent se fixer certaines limites dues au contexte social et au public. Cependant dans « seule à paris » comme dans « Janique Aimée », on peut retrouver une héroïne qui fait ses proches choix et s’amuse début à la fin faisant passer son désir d’émancipation en premier lieu.
- Les feuilletons didactiques
Les feuilletons didactiques ont une double fonction puisqu’ils ont pour objectif d’instruire le public mais ils se doivent également de le divertir, notamment en lui faisant découvrir un milieu social ou professionnel et en le sensibilisant à certains fléaux de la société tels que la condition féminine de l’époque. Dans ces feuilletons, on suit une héroïne qui a entre 25 et 30 ans et dont les aventures, contrairement aux héroïnes des récits d’apprentissages, sont avant tout axées sur son métier. Par ailleurs ses héroïnes, ont souvent un métier qui vient apporter la modernité dans un village, une province reculée. Même si ces feuilletons visent à apporter une autre image de la femme de l’époque, notamment en mettant en avant des femmes qui s’épanouissent et réussissent à des postes encore majoritairement masculins ou non connotés féminins, ils restent néanmoins beaucoup trop contradictoires. En effet, dans ces feuilletons, les métiers qu’occupent ses femmes, n’ont pas une visée émancipatoire mais ils sont présentés comme une mission civilisatrice, modernisatrice qu’elles servent. Ainsi, elles se retrouvent instrumentalisées. L’auteure de l’article prend les exemples suivants : « Cécilia, médecin de campagne » (1966), « Sylvie des trois ormes »(1967), « Valérie et l’aventure »(1968). « Cécilia, médecin de campagne » qui est à l’origine un feuilleton radiophonique a du faire des concessions en passant à la télé. En effet, comme stipulé précédemment, on voit que sa vie sentimentale est relayé au second plan pour pouvoir mettre l’accent essentiellement sur sa mission de médecin venant apporter la médecine moderne et garantir les normes de propreté aux villageois. Ainsi, ses nombreuses aventures sentimentales qu’on retrouvait à la radio, sont quasi-inexistantes à la télé. Dans ce feuilleton, on remarque que Cécilia s’oppose aux villageoises qui sont contre son projet de modernisation. Ici, elle représente une « France moderne » qui combat une France « sale et arriérée ». « Cecilia, médecin de campagne » apparait comme un feuilleton misogyne et classiciste à l’égard du monde dans la mesure où l’héroïne érigé en femme moderne et émancipée sert à dévalorisé la paysanne montré comme repoussoir et à la fois faire-valoir cette dernière, s’écartant de la réalité sociale lui occultant son rôle actif dans le processus de modernisation de la vie rurale depuis les années 50.
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