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ant, la poussière que soulèvent les milliers de bras humains et mécaniques qui font grimper, à leur sueur défendant, les cours de la Bourse. En quelques années, les projets immobiliers ou d’infrastructure ont poussé comme des champignons. Le filon s’est vite avéré intéressant pour une multitude d’investisseurs. D’abord, pour les nationaux qui y voyaient un placement sûr et (très) profitable. “Les Marocains consomment, il y a de l’argent à se faire”, assure un professionnel du secteur. Un filon aussi pour les investisseurs étrangers qui cherchaient de nouveaux marchés ou simplement à placer quelques excès de cash. “Après le 11–septembre, les Etats-Unis et l’Europe se sont fermés au nez des capitaux du Golfe. Dans la région, le Maroc passe pour un pays stable avec un marché assez mûr”, explique un architecte. Les deux ne sont d’ailleurs pas toujours concurrents. C’est ainsi qu’on a vu prospérer les joint-ventures, les consortiums associant intérêts privés ou publics marocains et des groupes immobiliers arabes et européens. L’Etat, via la cession de son domaine privé ou par son bras financier, a mis à disposition une réserve foncière conséquente, à des prix très compétitifs. Le souverain lui-même n’a pas hésité à donner un petit coup de pouce, au besoin. On se souvient de ce voyage express à Dubaï de Mohammed VI, avec le patron de l’époque de la CDG, Mustapha Bakkoury, qui a précédé l’annonce par l’Emirati Sama Dubaï de son intérêt pour le projet d’aménagement du Bouregreg. Au milieu des années 2000, les portes du royaume sont grandes ouvertes devant les pétrodollars saoudiens, émiratis, bahreinis et qataris. Mais la lune de miel entre promoteurs immobiliers marocains et étrangers tourne court. En 2008, les premières fissures apparaissent sur les murs. Premier à montrer des signes de faiblesse, l’Espagnol Fadesa qui finira par déposer le bilan, laissant son partenaire Addoha tout seul. Autre cas, la reprise par Alliances des intérêts de Thomas & Piron dans le cadre du projet Lixus. Pour l’architecte Abderrahim Kassou, “cette crise est une réelle opportunité pour les professionnels, l’occasion de montrer qu’ils ont les compétences et la capacité de le faire”.

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Révolution urbaine

EN COUVERTURE

Après le 11 septembre, les Etats-Unis et l’Europe se sont fermés au nez des capitaux du Golfe. Dans la région, le Maroc passe pour un pays stable avec un marché assez mûr.

Action publique

A voir les stratégies de commercialisation agressive, la captation du foncier et l’accumulation des projets, on en vient à se demander si tout cela n’est pas devenu une affaire de gros sous, d’où la gestion urbaine, la volonté politique, la nécessaire planification sont d’emblée exclues. “Qu’est-ce qui différencie aujourd’hui les promoteurs publics (ndlr : groupe CDG, holding Al Omrane) des opérateurs privés ?”, s’interroge notre architecte. Ce rôle de grand stratège est dévolu à de nouveaux acteurs, à l’image des sociétés (Casa Aménagement, Casa Transports, entre autres) créées en 2008 par le ministère de l’Intérieur et dirigées par de jeunes cadres au profil technocrate affirmé. Retour au rêve. Pour ce haut fonctionnaire impliqué dans la gestion urbaine au quotidien, c’est sûr, “le rêve existe. Mais il y a deux rêves, celui du privé qui est un rêve commercial”, un rêve marketing sommes-nous tentés de suggérer. La publicité vend du rêve, l’antienne est vieille comme le monde. Et ça marche. On fait la queue des heures avant l’ouverture des bureaux de commercialisation pour être sûr d’en être. Rêver, c’est ce que fait aussi notre commis de l’Etat, “un rêve public qui relève moins de l’utopie”. Ca paraît moins attrayant à première vue, mais les habitants de Salé rêvent de circuler de manière plus fluide quand ils traversent le Bouregreg pour se rendre à leur travail à Rabat. C’est avec ces attentes et ces espoirs que doit dealer une planification urbaine moderne. Conscient des enjeux économiques, financiers (et donc de pouvoir), des limites du tout-public, du besoin d’encadrer la concurrence, l’Etat cherche aujourd’hui à trouver de nouvelles formules, dont le très à la mode PPP. Comprenez partenariat public-privé. Ni concession, ni marché public, un peu des deux, c’est l’outil pour développer des infrastructures gourmandes en capital. Or, le moSuivi. Mohammed VI préside une scéance de travail sur les aménagements portuaires du royaume, à Nador, en juillet dernier.

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dèle retenu, proche de celui des sociétés à économie mixte, fait poindre le spectre du favoritisme et de la prise illégale d’intérêt. Un rapide survol des CV des élus communaux (c’est le président du conseil communal qui octroie les permis de construire) donne une idée de leurs motivations. “Quand le promoteur est lui-même élu, vous imaginez le reste”, soupire ce cadre de la wilaya.

POLITIQUE

Ne pas déroger

En tout cas, dans un pays où les besoins en logement sont criants, l’Etat ne peut pas laisser faire le marché sans intervenir. Quand on sait que le schéma directeur d’aménagement urbain de Casablanca est en cours d’homologation, ce qui veut dire que les plans d’aménagement attendront l’année prochaine, la difficulté de planifier prend toute sa mesure. Depuis 1998, la ville n’a pas de document d’urbanisme pour régir les constructions. En attendant, la métropole vit sous le signe de la dérogation. Le promoteur est autorisé, au cas par cas, à déroger à la réglementation, une incitation patente à ne pas respecter cette dernière. La décision est, certes, prise à haut niveau par une commission présidée par le wali, mais ses critères restent obscurs, quand bien même ils ont l’apparence de l’objectivité. Au ministère de l’Habitat, Abderrahmane Chorfi, directeur général de l’urbanisme, reconnaît que “les critères sont sujet à interprétation différente d’une wilaya à l’autre”. On demandera à la commission d’évaluer l’intérêt économique et social du projet. “Il faut faciliter l’investissement”, nous explique ce président de CRI. Au final, ces décisions faussement techniques évincent les élus, qui sont l’autorité la plus légitime pour prendre pareille décision.

Couacs en stock

L

es grands chantiers urbains comme indicateurs du rythme de la modernisation, l’idée est tentante. Le Maroc a plusieurs fois essayé de mettre l’accélérateur. Laissons de côté les maquettes de construction de stades, réactivées à chaque visite de la FIFA. Depuis la dernière déception de 2004, le stade de Bouskoura a déménagé à Sidi Moumen. Sur plans, seulement, puisque le concours d’architecture vient d’être relancé. Grand spécialiste des effets d’annonce, Hassan II aura tout de même laissé une mosquée mégalomaniaque qui mit dix ans à se trouver un imam. Et encore, Qzabri ne fait le plein qu’un mois par an. Lié à la Grande Mosquée sur l’Océan, le serpent de mer de l’Avenue Royale continue de susciter les rumeurs les plus folles. Retrait de la CDG, menace d’expropriation de nouveaux quartiers, reprise par la CDG... le projet est devenu une “private joke” dans le milieu. Aujourd’hui, personne ne prend plus au sérieux ce “grand axe” censé relier, en ligne droite bien sûr, la mosquée au centre-ville. Sauf la SONADAC, filiale de la CDG dotée d’un capital de 290 millions de dirhams… Quelques dizaines de milliers de ménages doivent théoriquement être relogés, ou du moins indemnisés, à en croire le management de la société. “Une illusion”, concède cet architecte, sous couvert d’anonymat. L’héritage de l’ancien règne est ailleurs déjà oublié. Ainsi, à Rabat, l’actuel réaménagement du Bouregreg a éclipsé les ratés de Hassan II : au total, cinq projets ont été enterrés faute de financement. L’argent du Golfe a pris son temps pour choisir le Maroc. I

La réglementation paraît souvent bien étriquée. Exemple, fin 2006 : les Emiratis de Sama Dubaï entrent en conflit avec l’Agence urbaine de la capitale. Cette dernière refuse de délivrer des autorisations de construire de plusieurs tours prévues dans le projet Bouregreg. Motif : les tours sont jugées “trop hautes” pour Rabat. Les Emiratis mettent en avant le milliard de dollars qu’ils comptent injecter. Rien n’y fait, il faudra l’intervention du Palais pour que la procédure d’autorisation puisse enfin aboutir. Aujourd’hui, des pistes de réforme existent. On envisage ainsi de réserver des zones de projets non couvertes par des documents d’urbanisme. Le débat est lancé. Même son de cloche du côté du ministre de tutelle. “L’urbanisme tel qu’il est actuellement pratiqué au Maroc est caduc. C’est pour cela que le gouvernement a initié le grand chantier qu’est le projet du Code de l’urbanisme”, explique Taoufik Hejira, ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire. Le texte de loi s’est égaré dans un tiroir. Trois ans après la première mouture, le texte attend toujours l’aval du roi. Rendez-vous au prochain Conseil des ministres ? “L’ère d’Haussmann est révolue”, nous confie notre fonctionnaire, sans que l’on sache si c’est un regret. Le préfet de la Seine, qui

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