Notes de lecture Agulhon, La République, 1932-1940
Fiche de lecture : Notes de lecture Agulhon, La République, 1932-1940. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Weber Annabelle • 11 Mars 2020 • Fiche de lecture • 10 067 Mots (41 Pages) • 562 Vues
1932-1940 : LA FRANCE CONFONTEE AU « FASCISME »
Depuis 1920, « fascisme » est le nom que se donne la dictature nationaliste et populiste avec parti unique et culte du chef qu’a établie Benito Mussolini. La controverse autour du terme commence avec l’extension du mot hors de l’Italie.
A gauche (SFIO, PC), dans les années 1930, il y a eu une tendance à faire du fascisme une catégorie assez large pour englober les autres dictatures plus ou moins comparables (national-socialisme hitlérien, les mouvements violents et d’inspiration autoritaire de 1934 en France, l’Espagne de Franco).
A droite au contraire on ne veut pas ériger le fascisme en catégorie, on préfère voir partout des spécificités nationales plus significatives que les ressemblances.
La gauche française, à tort ou à raison, a cru à l’entité « fasciste » et à la menace qu’elle représentait. Elle a donc été galvanisée par un élan d’ « antifascisme ».
C’est l’apparition, la montée, l’apogée et la rupture de cet élan qui constituent la courbe de cette période (1932-1940).
En 1932, le fascisme se limite encore à Mussolini.
La gauche le déteste parce que sincèrement attachée à la liberté, elle déteste les dictateurs et surtout parce que le sang a déjà coulé en Italie. En 1924, le député socialiste italien Matteotti a été assassiné par les fascistes. Pour les socialistes Mussolini est l’assassin de l’un des leurs.
La droite ne partage pas cette répulsion au même degré. Les moins libéraux d’entre les modérés n’ont pas d’objection décisive contre un pouvoir fort qui mettrait fin à la pagaille parlementaire et aux remuements syndicaux. Les plus libéraux, même s’ils n’aiment pas la dictature, estime que morale et politique n’ont rien à faire ensemble et que l’intérêt national doit passer avant tout.
Mussolini a un passé de francophile et en tant qu’Italien, il devrait s’inquiéter tout autant que la France d’une éventuelle renaissance de l’hégémonie germanique en Europe centrale. Il faut donc la garder dans le camp français. L’Italie avait signé les accords de Locarno. Après l’avènement d’Hitler, elle est encore associée à une sorte de confirmation de Locarno dite pacte à quatre « pour maintenir la paix (France, GB, Italie, Allemagne). En 1934 Mussolini fera échec à une première tentative allemande d’annexer l’Autriche. La position italienne est donc rassurance du poins de vue français.
En Allemagne, la République de Weimar avait été ébranlée par la crise économique de 1929. Le pays déjà très industrialisé compta vite des millions de chômeurs. Le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (nazi) était en pleine croissance et disputait leur clientèle au Parti social-démocrate et au Parti communiste. Le parti d’Hitler se voulait très populaire, très social avec en plus un refus patriotique des idéologies d’outre-frontière. Dans une nation humiliée par Versailles, cette corde nationaliste pouvait vibrer fort.
Hitler arrive au pouvoir en janvier 1933, d’abord chancelier puis seul maître de l’Etat et du parti.
Sa dictature antilibérale, antimarxiste, antisémite ne dissimule pas ses buts :
- un but plus ou moins mythologique : le primat de la « race » aryenne »
- des buts plus concrets : la destruction du traité de Versailles et l’abaissement de la France.
Au mépris du traité de Versailles, Hitler réarme peu à peu et ce réarmement offre l’avantage d’aider à rétablir l’emploi industriel, ce qui consolide le régime.
Pendant ce temps, la France est absorbée par sa propre crise, qui n’est pas tant la crise économique puisque son retard d’évolution la protège un peu. Mais la crise est plus diffuse. Les scandales politico-financiers réaniment l’antiparlementarisme latent : Mme Hanau, Oustric…
En 1933, l’affaire en cours est l’affaire Stavisky. Son escroquerie reposait sur des faux bonds du Crédit municipal de Bayonne, émis avec la complicité d’un député local. Il a pu prolonger ses entreprises grâce aux retards dans les enquêtes et les jugements, dont les reports étaient dus à des protections occultes, qui ne pouvaient qu’être mêlées à la politique. Le 9 janvier 1934, Stavisky est retrouvé mort. Officiellement il s’est suicidé, mais il se peut qu’il ait été assassiné pour ne pas livrer trop de détails…
L’indignation de l’opinion devant ces énigmes est exploitée par la presse ennemie de la République et par toute la « droite révolutionnaire » et ligueuse. Elle rencontre aussi des échos dans le monde « ancien combattant » qui conserve le goût de la rigueur morale et une certaine propension à accueillir le discours antipoliticien.
C’est, à tort, tous les radicaux et à la limite la République même qui deviennent maintenant corrompus et coupables.
Dans le courant de janvier 1934, notamment à l’appel de l’Action française, l’agitation est incessante à Paris contre le régime. Les acteurs de ces mouvements de rue sont nombreux : les militants de l’action Française (les Camelots du roi) mais aussi les Jeunesses patriotes, la Solidarité française… Manifestent aussi un certain nombre de sections d’anciens combattants politisés à droit, relevant de l’UNC ; les Croix-de-Feu du colonel de la Rocque.
La « droite révolutionnaire » est ainsi divisée en groupes, ligues ou mouvements dans les différences idéologiques sont faibles mais que séparent concurrence et rivalité. Chaque soir ils tiennent la rue, mollement contenus par les forces aux ordres du préfet de Police, Jean Chiappe, un modéré.
Avec Daladier, arrive un gouvernement de gauche, inquiet de la connivence possible entre la police parisienne et les factieux et résolu à confier le maintien de l’ordre à un fonctionnaire sûr. Fin janvier, le gouvernement révoque Chiappe.
La crise éclate : la droite proteste violemment au Palais-Bourbon, notamment par la voix d’André Tardieu, son homme fort du moment. Mais Daladier obtient la confiance, avec le soutien des socialistes.
La protestation contre le gouvernement et pour faire annuler la révocation de Chiappe est alors à son paroxysme dans la rue. Le soir du 6 février 1934 se déroule la plus importante manifestation. Il y a, dans des appels convergents, tous les groupes et ligues d’extrême droite, les conseillers municipaux modérés de Paris, l’Union nationale des combattants et même l’ARAC (Association républicain des anciens combattants) dirigée par les communistes qui exige non le retour de Chiappe, au contraire, mais la fin du « régime du profit et du scandale », soit de la République bourgeoise.
Le préfet de Police a fait barrer le pont de la Concorde pour empêcher la foule d’atteindre le Palais-Bourbon. Vers minuit, sur le point d’être débordé et rompu, ce barrage de gardes mobiles se dégage en ouvrant le feu : 13 morts et beaucoup de blessé. L’autre barrage de police, sur la rive gauche, n’a pas eu besoin d’en faire autant car les Croix-de-Feu qui formaient le gros de l’émeute sur la rive gauche, se replièrent sans avoir attaqué. C’est à cela, autant qu’à la fusillade sur le pont qu’est due la victoire de l’ordre public. C’est sur cela qu’on se fondera pour nier que le 6 février ait été une tentative de putsch.
Le fait est que Daladier se trouvait désormais promu au rang de « fusilleur ».
A la Chambre, la droite tonne contre le gouvernement accusé d’avoir fait couler le sang pour défendre les « voleurs » contre de bons citoyens indignés.
La gauche, et notamment le leader de la SFIO, Blum, soutient au contraire le gouvernement car il a défendu l’intégrité de la République en protégeant des émeutiers le siège de la représentation nationale. Mais Daladier n’ose pas l’assumer et démissionne, comme s’il était coupable, donnant à la manifestation un succès inespéré.
La place laissée vide par le cabinet radical est aussitôt remplie, au nom de la nécessaire « union nationale », par un ministère nettement axé à droite mais avec caution des radicaux. Ce gouvernement est présidé, pour plus de solennité, par l’ancien chef de l’Etat Gaston Doumergue.
Une droite très conservatrice est donc remise en selle, indirectement, par la force de la rue. Cela suffit pour, à gauche, renforcer l’analyse de la République-en-danger.
La CGT, en accord avec la SFIO, appelle donc à une journée de grève générale pour le 12 février.
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