Géographie rurale. La ruralité en France

Géographie rurale. La ruralité en France

Yves Jean, Michel Périgord

Introduction

Espaces ruraux au cœur des processus de mondialisation et de reterritorialisation des productions en particulier agricoles et d'initiatives de développement local.

Concernés par :

        - durabilité des systèmes de production.

        - question alimentaire.

        - l'évolution des services à la population.

        - l'organisation des structures institutionnelles sous l'effet des lois successives d'aménagement du territoire.

        Terme rural recouvre problématiques se situant à l'interface de la ville et de la campagne, là où se transforment les structures et donc l'espace.

        Ruralité aujourd'hui est une pratique continue ou intermittente de l'espace rural qui n'est pas nécessairement fondée sur des mythes ou des référents identitaires.

        Ruraux à présent composés de diverses catégories sociales.

        Agriculteurs devenus minoritaires dans les conseils municipaux, ce qui signifie en soi la fin d'une certaine hégémonie paysanne sur les territoires ruraux.

        Agricultures focalisent de vives tensions articulées autour d'activités céréalières gagnantes, et d'élevage, perdantes.

        Multifonctionnalité des espaces ruraux pas nouvelle : ce qui est nouveau, c'est l'articulation entre les productions agricoles, industrielles, de services, sur lesquelles viennent se plaquer des fonctions résidentielles et touristiques de grande ampleur.

        Politiques publiques ont renforcé réseau urbain et un processus de périurbanisation très dynamique, et de lutter contre dévitalisation des espaces ruraux.

Chapitre 1 - Rural : un adjectif et ses avatars

Urbanité n'est pas le contraire de ruralité, de même qu'urbanisme n'est pas l'opposé de ruralisme.

I- Rural

Mot qui qualifie tout ce qui concerne la vie dans les campagnes : l'habitat, l'exploitation, l'économie, les routes, les moeurs...

        - Pierre George, La ville, le fait urbain à travers le monde (1952) : s'essaie à une synthèse portant sur la campagne, assimilée à la notion de "fait rural".

Dictionnaires de géographie : "rural" désigne la campagne en tant qu'objet d'étude de la géographie rurale -> "l'espace rural n'est pas seulement le siège des activités agricoles, mais également de l'industrie rurale, de l'artisanat rural et du tourisme rural" (George P., Verger F., 2000).

L'expression "géographie rurale" apparaît dans années 1920 avec Principes de géographie humaine de P. Vidal de la Blache et La géographie humaine de Jean Brunhes en 1925.

Plein essor après la SGM avec ouvrages Problèmes de géographie humaine (1942) d'Albert Demangeon et Les fondements de la géographie humaine (1948) de Maximilien Sorre.

"Rurbain", "rurbanisation" = néologisme désigne "un processus d'urbanisation de l'espace rural qui se traduit par l'imbrication du tissu urbain et de l'espace rural, initié aux USA dès années 1950", introduit en 1976 par G. Bauer et J.-M. Roux. En pratique, "la rurbanisation est synonyme de périurbanisation" (Donadieu P., Mazas E., 2002).

Espaces ruraux étudiés par géographes au moyen d'analyses paysagères structurées autour de la notion de paysages agraires : paysages de champs ouverts, bocagers et agraires méditerranéens. Paysages sont l'oeuvre des sociétés rurales "qui ont noué des relations avec la terre qu'elles exploitent [...]" (R. Lebeau, 1969).

Au final, "rural" qualifie le tout (l'espace, l'englobant) et la partie (le paysage, l'englobé). Espace rural et étude des paysages ruraux constituent des spécialités très géographiques.

II- Espace rural

Expression signifiant que l'espace a été modelé par des sociétés rurales et agricoles dominantes, jusqu'à ce que la population urbaine prenne le pas sur la population rurale, après la PGM, dans le cas français.

Pour le géographe, l'espace rural représente surtout un système spatial en transformation, avec des structures qui se défont (débocagisation), d'autres qui se constituent (mosaïque de parcelles de champs), et des villages profondément renouvelés tant dans leurs formes que par populations qui y vivent.

J.-P. Diry (1999) = "l'espace rural (ou la campagne, les deux termes sont synonymes) se différencie de l'espace urbain par deux critères essentiels : un bâti continu, laissant une place plus ou moins grande aux champs, voire à la friche et à la forêt ; des densités maximales de qqls centaines d'habitants au km2, souvent nettement moins".

Jean-Paul Charvet et Michel Sivignon (2016) voient dans les aménagements ruraux des actions qui visent à "aggrandir l'espace rural et le rendre plus productif, l'activité agricole [étant] le mode premier et [restant] encore le mode principal de l'occupation de l'espace rural [...]".

Si le seuil des 2000 habitants fait toujours sens pour qualifier de rural un espace, INSEE préfère désormais parler d'espace à dominante rurale (EDR) caractérisé par le regroupement de l'ensemble des petites unités urbaines et des communes rurales (moins de 2000 habitants) qui n'appartiennent pas à l'espace à dominante urbaine.

Rappel = l'aire urbaine (2000 hab. agglomérés) définie par l'INSEE correspond à un ensemble urbain constitué d'un pôle urbain et des communes périurbaines environnantes, dans lesquelles au moins 40% de la population active travaille dans le pôle urbain ou dans une commune de l'aire urbaine.

III- Paysage rural

Paysages ruraux largement participé en France à la fondation de la science géographique. Aujourd'hui, toujours sollicité comme entrée dans la discipline géographique.

Jean Brunhes = codifié la notion ruraliste du paysage en tant que cadre et genre de vie. Longtemps cantonnés à l'espace perçu et à la description des formes (typologies spatiales), à présent étudiés sous l'angle de la géographie sociale, des pratiques spatiales, de l'esthétique et des politiques publiques.

        Pour Lucien Gachon (1950), "un paysage se caractérise essentiellement par la proportion de diverses catégories de sols : sols en labours, vignes, jardins, prés, forêts...".

        Pour André Cholley, le paysage rural résulte des conditions économiques et sociales.

Approche paysagère des espaces ruraux balbutiante.

Années 1960 = paysages ruraux définis par la Commission française de géographie rurale comme "des complexes ou des types très divers de finages, d'habitats, de voies, qui se combinent selon les lieux et les temps de manière très variée [...]".

Conséquences environnementales et sociales des mutations agricoles qui modifient le spectacle de la campagne sont à l'origine de nouvelles constructions scientifiques centrées sur les espaces ruraux.

IV- Ruralisme

Forgé dans les années 1980 = tendance à idéaliser la vie à la campagne.

Roger Béteille = ruralisme est un mouvement d'idées qui se développe autour du thème de la régénération du monde des campagnes et de la modernisation nécessaire des productions agricoles après 1945.

Pouvons-nous, à l'instar de l'écologisme, assimiler le ruralisme à une idéologie ? Le fait est que, progressivement ruralisme laisse la place à une expression de plus en plus usitée dans le langage commun : le rural, contradiction de l'espace rural qui désigne le monde, la sphère, le milieu rural.

V- Ruralité

Recouvre l'ensemble des caractéristiques et des valeurs du monde rural. Désigne caractères de la vie à la campagne, un mode de vie.

P. Donadieu fait remarquer dans Des mots de paysage et de jardin que "progressivement, la notion s'est en partie vidée de son contenu agraire, pour se remplir de valeurs environnementales, patrimoniales et paysagères".

Notion de ruralité reste une notion floue, polysémique, à l'instar de la notion de paysage.

Notion qui est devenue une notion globalisante à laquelle s'intéressent la géographie sociale et la sociologie, avec par exemple les travaux de Nicole Mathieu sur les modes de l'habiter dans Rural/urbain. Unité et diversité des évolutions des modes d'habiter.