L'Ordre Arbitraire Dans Le Dictionnaire Philosophique De Voltaire
Commentaires Composés : L'Ordre Arbitraire Dans Le Dictionnaire Philosophique De Voltaire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresles. Tout d'abord, dans l'édition de 1764, les six premières lettres de l'alphabet comportent 43 articles sur 73 au total. Les dix-huit lettres restantes n'obtiennent que 30 articles. De plus, nous remarquons que les lettre K, W, X, Y, Z ne sont pas traitées et nous n'avons pas non plus d'articles aux initiales moins rares qui sont N, O, Q et U. Nous pouvons peut-être penser que Voltaire a pris son alphabet dans l'ordre, s'est attardé plus longtemps sur les premières lettres, mais est passé vite sur les autres. Ensuite, en étudiant le premier
et le dernier article, nous observons qu'ils permettent d'introduire et de conclure l'œuvre sur deux notions capitales : l'article « Adam » et « Vertu ». Premièrement, « Adam » est un article d'exégèse biblique qui ramène aux origines de l'humanité, ainsi il est doublement fondateur car il se situe en introduction du Dictionnaire Philosophique. Aucune œuvre alphabétique ne peut contourner le mythe du père commun, pas même les dictionnaires historiques, bibliques ou philosophiques. Deuxièmement, nous constatons un contraste entre les premières et les dernières lettres. L'article « Vertu » a une valeur conclusive et est un idéal prôné par les Lumières et en particulier par Voltaire. Ainsi, en 1764, les premières lettres ont vraiment été favorisées et il s'est vite débarrassé des dernières. Mais il serait arbitraire de penser que Voltaire a composé son Dictionnaire en suivant un ordre alphabétique.
b) Une œuvre fragmentaire
De même, les procédés de Voltaire sont très variés dans l'écriture de ses articles. Nous pouvons souligner qu'il a expérimenté plusieurs formes dans son Dictionnaire Philosophique. Tout d'abord, nous remarquons que l'article « Antitrinitaire », où Voltaire reprend l'article « Unitaire » de l'Encyclopédie, a été construit comme un petit traité ou comme un résumé. D'autres articles peuvent prendre la forme de forum où un débat entre les opinions diverses et contradictoires se dresse. Par exemple dans l'article « Miracle », des « philosophes » et des « physiciens » sont invités à prendre la parole. Ensuite, nous rencontrons le mode critique voltairien qui est l'interrogation. L'accumulation de questions peut structurer un article et même lui donner une forme littéraire comme dans celui de « Religion » que Voltaire divise en huit questions. Soit l'auteur prévient le lecteur par un sous-titre comme dans l'article « Carême » (« Questions sur le Carême »), soit il ne l'avertit pas comme dans l'article « Bornes de l'esprit humain » où ils posent un certain nombre de questions et ne laisse aucune réponse à un « pauvre docteur ». Puis, le dialogue apparaît dans plusieurs articles en organisant naturellement l'argumentation. Le dialogue est assez traditionnel chez les Lumières car ils le préfèrent à celui du traité et il est accessible à un large public qui est entrainé à suivre une conversation. Les articles sur les différents « Catéchismes » peuvent de ce fait illustrer la forme dialoguée. Nous pouvons aussi souligner la présence du conte qui est une forme littéraire étrange pour une œuvre alphabétique. En effet, le conte peut appartenir à l'univers de la fiction, mais le Dictionnaire doit faire passer un message et le conte philosophique est l'instrument de prédilection de Voltaire. Par exemple, dans la deuxième section de l'article « Lois », le conte miniature devient un récit de voyage. Enfin, Voltaire collectionne aussi volontiers pamphlets, chanson, proverbes anonymes. Nous pouvons le voir dans l'article « Convulsions » avec une chanson rapportée par Mme la duchesse du Maine. Après ces formes littéraires variées, nous pouvons mettre en évidence divers motifs présents dans les articles du Dictionnaire.
c) Diversité des terminologies
Le statut hétéroclite de l'œuvre alphabétique s'explique par les multiples terminologies qui scindent le Dictionnaire Philosophique, qui est par ailleurs le condensé de la Bibliothèque de Ferney où résidait Voltaire pendant sa composition. En effet, le Dictionnaire est essentiellement une œuvre de combat du point de vue religieux, les articles qui traitent d'un autre sujet sont plus rares et ne devaient sûrement pas tenir à cœur de Voltaire. Les polémiques autour de cette ouvrage montrent bien que le débat se situe à cet endroit-là. L'auteur souligne avec un malin plaisir l'immoralité de la Bible. C'est un argument polémique qui est le signe de cette confusion entre la morale et la religion. Mais pourquoi la Bible occupe-t-elle une place si importante dans le Dictionnaire Philosophique ? Tout d'abord, il faut rappeler qu'elle occupe la même place dans l'univers chrétien qui est la société dans laquelle vivent les Philosophes. De plus, elle permet d'aborder toutes sortes de problèmes historiques et Voltaire ne s'en prive pas. Cependant, elle est le lieu par excellence de l'érudition voltairienne : du point de vue linguistique, textuelle et comparatif. Nous pouvons remarquer que la comparaison des textes permet de montrer les contradictions et les incohérences de la religion, avec comme exemple l'article « Salomon » qui est construit sur ce thème. Ensuite, nous pouvons noter que le combat des Lumière est présent grâce aux entrées « Philosophie », « Théiste », « Tolérance » qui répondent à « Fanatisme », « Persécution », « Torture » l'emportant numériquement. Enfin, nous pouvons trouver dans la terminologie des mécanismes de l'esprit humain : « Amitié », trois articles sur l'amour, « Caractère », « Enthousiasme », « Esprit Faux », « Fables », « Folie », « Orgueil », « Sens Commun », « Sensation ». Un certain nombre d'articles affichent leur propos moral : « Juste », « Liberté », « Fausseté des vertus humaines », « Méchant », « Morale », et « Vertu ». Un groupe d'article traitent des questions métaphysiques : « Athée », « Bien », « Certain, Certitude », « Chaîne des êtres crées » et « Chaîne des événements », « Corps », « Dieu », « Fin, Cause finale », « Matière », « Métamorphose, Métempsycose ». Nous pouvons aussi évoquer des articles sur la sociologie ou d'analyse de l'homme en société : « Délits locaux », « Égalité », « États, Gouvernement », « Guerre », « Lois », « Luxe », « Maître », « Patrie », « Tyrannie ». Ainsi, le Dictionnaire Philosophique a su se montrer arbitraire dans l'ordre des lettres, des formes littéraires mais aussi dans les sujets traités des différents articles. Mais, nous pourrons voir aussi que cet ordre peut être injustifié à l'intérieur même d'un article.
II – L'arbitraire de l'ordre à l'intérieur de l'article
a) La formulation de l'entrée
Dans Portrait Abécédaire, à l'article « Dictionnaire », Roger Judrin définit le Dictionnaire : « sac d'idées ou boîte de couleurs , tant y a qu'un dictionnaire joint au dehors de l'ordre le comble du désordre. […] L'alphabet couvre le chaos. ». C'est pourquoi le statut du Dictionnaire Philosophique est ambigu et comme il se veut portatif, le choix des entrées devient capital. Effectivement, la formulation de l'entrée est arbitraire : nous pouvons remarquer tout d'abord des entrées constituées de noms propres qui sont souvent réservées aux personnages bibliques comme les articles « Abraham », « Joseph », « Moïse » ou « Salomon ». Ces personnages font partie en grande majorité de l'Ancien et du Nouveau Testament et dix-sept entrées se rattachent à l'univers de la Bible. Cependant, l'article « Apis » correspond à la religion égyptienne et pour la religion orthodoxe, il y a des personnages comme « Arius » et « Julien ». Ensuite, pour les entrées constituées de noms communs, nous voyons de façon évidente la place que tient tous les dogmes, les sacrements, les institutions religieuses. Puis, pour les entrées composées de plusieurs mots, la formulation de l'entrée en un seul mot va placer facilement l'article dans l'ordre alphabétique, cependant il arrive qu'elle contienne une phrase. De ce fait, l'ordre du mot peut poser problème dans le sujet de la définition. Dans « Bien (tout est) », le mot important se trouve ainsi mis en vedette. Enfin, nous pouvons trouver des sous-titres qui peuvent accompagner certaines entrées et donner des indications utiles au lecteur qui va lire l'article. Par exemple, pour « Fraude », l'auteur pose une question : « S'il faut user de fraudes pieuses avec le peuple ? » et dans l'article « D'Ezechiel », il souligne ce qu'il va suivre dans l'article : « De quelques passages singuliers de ce prophète, et de quelques usages anciens ». Mais après le titre se situe l'élément quasi le plus important : la matière de l'article.
b) L'organisation interne de l'article
Voltaire ne veut pas écrire une encyclopédie et que ces articles ressemblent à des dissertations. De ce fait, il ne renonce pas à la base de tout article de dictionnaire qui sont les définitions et les exemples, et il entend désormais donner plus d'importance aux informations surtout lorsqu'elles
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