Louis Aragon
Mémoires Gratuits : Louis Aragon. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoirestion de l'Alsace puis de la Sarre par les troupes françaises.
Après la guerre, il retrouva en 1919 André Breton en compagnie de Philippe Soupault. Ils fondèrent tous trois la revue au titre antiphrastique de ‘’Littérature’’. Tristan Tzara étant arrivé à Paris en 1920, ils adhérèrent au mouvement Dada.
Confirmant sa vocation d’écrivain, il publia :
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“Feu de joie”
(1920)
Recueil de poèmes
On y trouve ces thèmes : jeunesse, découverte, inquiétude, nostalgie, peur du visage qu'on offre au tout venant du monde ou de I'amour («Sur le bitume flambant de Mars, ô perce-neige ! tout le monde a compris mon co eur. / J'ai eu honte, j'ai eu honte. oh !»), révolte et défi («Casser cet univers sur le genou ployê / Bois sec dont on ferait des flammes singulières.»)
Pour le jeune poète, les mots étaient neufs et il en joua, se livra au plaisir d'associer, de majusculer, d'assonancer, de supprimer la ponctuation (blancs et majuscules y suppléant habilement), d’user d’ellipses, d’exclamations, qui ont la fraîcheur des choses nées du matin, de cultiver la trouvaille verbale, les heurts cocasses de syllabes en calembours («L'enfant fantôme fend de I'homme / Entre les piliers de pierre : / 2piR son tour de tête.» - «Le groom nègre sourit tout bas / Pour ne pas salir ses dents blanches»), d’imprimer des rythmes très savants en cassant ou respectant de jolis alexandrins, tour à tour insolents ou séduisants comme le livre entier : «Ma jeunesse Apéro qu'à peine ont aperçue / Les glaces d'un café lasses de tant de mouches / Jeunesse et je n'ai pas baisé toutes Ies bouches / Le premier arrivé au fond du corridor / 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Mort / Une ombre au milieu du soleil dort c'est l'oeil.»
Commentaire
Aragon joignait et brisait les influences (Rimbaud, Reverdy, Apollinaire, mais aussi les libertins du XVIIe siècle) pour alléger d'une ellipse les aveux biographiques. Réécriture, masque et mélodie : malgré les métamorphoses, les données essentielles de l'oeuvre furent inscrites dans ce commencement.
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“Anicet ou Le panorama”
(1920)
Roman
L’œuvre s’ouvre sur le laconique portrait du héros : «Anicet n'avait retenu de ses études secondaires que la règle des trois unités, la relativité du temps et de I'espace ; là se bornaient ses connaissances de I'art et de la vie. ll s'y tenait dur comme fer et y conformait sa conduite.» Quelques lignes plus loin, le voici qui a déjà rompu avec sa famille, et qui se met à errer dans le monde, à la recherche, sans doute, de quelque rencontre de «l'Absolu». En fait, il rencontre d'abord un certain Arthur, qui fut poète de son vivant et s'en alla au Harrar, mais c'est seulement pour constater qu'ils ont fort peu de chose en commun. Mais, dans la même auberge, Anicet, par un enchaînement de circonstances remarquablement fortuites, rencontre une certaine Mirabelle, autour de laquelle s'est formée une société secrète de sept membres qui veulent conquérir ses faveurs au prix de I'accomplissement de toutes les fantaisies ou exploits susceptibles de lui plaire. Et Anicet de s’enrôler dans la bande. ll vole les tableaux les plus célèbres des musées de Paris pour les faire brûler un soir à l'Arc de Triomphe, à seule fin, pour lui aussi, de conquérir Mirabelle. Néanmoins, un beau jour, elle se marie avec un riche banquier, Pedro Gonzalès, à la grande fureur des sept. L'un d'entre eux, Omme, prépare son enlèvement et I'assassinat du banquier, mais Anicet, qui se trouve là par hasard, le tue. Puis il tombe entre les mains des complices d'Omme, qui I'obligent à participer à un autre vol de tableaux. Par hasard encore, Anicet, en train d'opérer, découvre qu'il est chez I'un des sept, le peintre Bleu, qu'accompagne un autre membre de la société secrète, le marquis della Robbia. Ce dernier, qui dirige en fait un véritable gang, s'avise qu'Anicet en sait maintenant trop long sur lui ; pour s'en débarrasser, le marquis le pousse à tuer Gonzalès (il I'y décide d'ailleurs sans peine) et il prévient le détective Nick Carter, qui, depuis le vol des tableaux du Louvre, surveille Anicet. Mais, si le banquier meurt effectivement, et avec le revolver emprunté à Anicet venu dans son cabinet pour le tuer, c'est lui-même qui se tue, car il vient d'apprendre qu'il est ruiné. Or, la scène s'étant passée sans témoin, la police n'en arrête pas moins Anicet, qui est jugé et condamné. On retrouve, au dernier chapitre, un des rescapés de la bande au café du Commerce de Commercy, ou on le présente, entre autres, à un vieillard : «Monsieur Isidore Ducasse, ancien receveur de I'enregistrement, un bien digne homme.»
Commentaire
Le roman-poème met en jeu des personnes réelles, comme Picasso, Breton, Chaplin. On y reconnaît bien des réminiscences littéraires : ‘’L'histoire des Treize’’de Balzac, ‘’Le rouge et le noir’’ de Stendhal, Rimbaud, Lautréamont, etc.. Les allusions transparentes aux événements contemporains ne manquent pas non plus : le vol de ‘’La Joconde’’ et la bande à Bonnot sont assez clairement évoqués. Mais, si I'on veut traiter ‘’Anicet’’ comme un de ces livres dont les érudits se plaisent à cataloguer les sources, alors il faut surtout chercher du côté du cinéma muet. Et ce n'est pas essentiellement à cause de l'évocation d'une ou deux séances, avec actualités longuement racontées, que I'influence du cinéma apparaît capitale ici, mais bien dans le rythme saccadé du récit, dans la succession brusque d'aventures et d'épisodes déconcertants, dans le renouvellement incessant des surprises, voire des gags. En vérité, et du même coup, s'affirme la volonté de ne rien concéder à la sentimentalité littéraire, de briser net avec tout ce qui pourrait être occasion de s'enliser dans une certaine rêverie ou laisser-aller poétique, de ne préserver que «quelques sentiments hautains» comme le disait André Breton en ces années-là. Or ce livre où il se passe toujours quelque chose, mais rarement ce que le lecteur attendait, où les situations initiales d'un roman traditionnel sont, non pas une fois, mais plusieurs fois établies, pour ensuite tourner court le plus souvent, échappe encore au roman de convention par un autre aspect, peut-être le plus important pour le lecteur d'aujourd'hui parce qu'il est, au moins autant monologue d'Anicet ou dialogue d'Anicet et ses arnis, récit. Derrière I'enfilade des événements se fait entendre par fragments le chant propre à Aragon. On trouve déjà I'annonce du ‘’Paysan de Paris’’ dans les pages qui décrivent le passage des Cosmoramas. C'est aussi I'exaltation de I'amour et déjà la quête d'une sorte d'absolu terrestre. Sur I'amour, il n'est que d'écouter le peintre Bleu : «L'art n'est qu'une forme de I'amour... Je n'ai jamais peint que pour séduire.» Ou encore cet inconnu qui dit près d'Anicet : «L'amour est ta dernière chance. Il n'y a vraiment rien d'autre sur la terre pour t'y retenir.» Mais il faut aussi écouter Anicet : «Mais je ne peux pas me passer du scandale ; si j'étends les bras, si j'éternue, si je pense.» En prison, avec son désespoir tranquille et ironique, dédaigneux de tout ce qui ne serait pas son «Absolu», il déclare : «De quelque côté qu'il se tourne, il n'y a que des murs. Image de la vie. Anicet ne se sentait pas gêné de sa nouvelle condition.»
Ce livre, qui est de ceux dont on ne saurait se permettre de sauter un mot ou une virgule, fut le premier chef-d'oeuvre du poète, alors âgé de vingt-trois ans, et qui manifesta en son temps que la nouvelle école, alors dadaïste, ne se laissait pas réduire à quelques éclats de scandale, mais pouvait s'accomplir en des oeuvres.
Il parut en 1920 dans ‘’La nouvelle revue française’’ et en volume I'année suivante.
Bien qu’Aragon ait révélé plus tard que son intention première avait été de mettre en sous-titre : «roman», et qu'il I'ait republié dans la série des ‘’Oeuvres romanesques croisées d'Aragon et Elsa Triolet’’, il reste qu'à sa publication ‘’Anicet’’ ne fut pas Iu et salué comme un roman. mais comme une
manifestation, sous la forme d'un récit plus ou moins lâche, de I'avant-garde littéraire.
L’assassinat d’Omme fut, quarante-cinq ans plus tard, recopié par Aragon dans ‘’La mise à mort’’.
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En 1921, le procès Barrès sépara définitivement Tzara du groupe de Breton,
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