Acis lecteur linéaire, les caractère, livre v lb
Analyse sectorielle : Acis lecteur linéaire, les caractère, livre v lb. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar rtzla • 26 Mai 2023 • Analyse sectorielle • 1 878 Mots (8 Pages) • 415 Vues
Acis, Livre V, La BRUYERE, « De la société et de la conversation », F7
INTRODUCTION
XVIIème siècle est notamment marqué par les mouvements baroque et classique et par un ensemble de découvertes sur le monde, qui amènent l’Homme à réfléchir sur sa nature. Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle est le seul ouvrage publié par La Bruyère. C’est une œuvre moraliste, dans la lignée des écrivains classiques. Son but est de corriger les défauts humains. L’œuvre est constituée de remarques, portraits et maximes, écrit entre 1688 et 1696. C’est à la fois une traduction de certains écrit Des Caractères de Théophraste et une création original de La Bruyère, témoin du monde contemporain. Nous allons nous intéresser à la remarque 7du livre V, « De la société et de la conversation ». Ici, La Bruyère imagine un dialogue fictif avec un beau parleur sans esprit, Acis, qui dénonce ironiquement les défauts de celui-ci, tout en lui procurant quelques conseils.
En quoi ce portait du beau parleur est-il comique et satirique ?
LECTURE
Dans un premier temps, il s’agira d’étudier un échange de paroles qui dysfonctionne (L 1-7). Et dans un second temps, la définition de l’art du discours selon le moraliste.
DEVELOPPEMENT
I- Un échange de paroles qui dysfonctionne
- Echange entre le narrateur du texte et Acis : « vous plairait-il » : 2ème personne du pluriel; «je n'y suis pas»: 1ère personne du singulier. Cependant, l’extrait commence par une accumulation de questions rhétoriques : incompréhension du narrateur face aux propos d’Acis : « que dites-vous? Comment ?», « vous plairait-il de recommencer ?» (l. 1).
- Ces questions donnent par ailleurs l’impression d’assister à une scène comique où les personnages ne se comprendraient pas. Ce texte est en outre une saynète, puisqu’elle met en scène une situation de façon comique, comme nous l’annonce ce début marqué par la confusion.
- L’absence de la question initiale peut interpeler le lecteur. D’autre part, le lecteur n’ayant pas la retranscription des propos exacts, s’imaginent leur contenu de façon plus libre.
- Cette incompréhension est accentuée par l’emploi de la négation : «je n'y suis pas » : phrase négative « j'y suis encore moins » (l. 1-2) : adverbe négatif « moins », renforcé par l'adverbe « encore » de répétition : l'auteur insiste fortement sur son incapacité à comprendre Acis.
- Le narrateur semble d’ailleurs décrypter le langage d’Acis : «je devine enfin » (l. 2) : le langage d'Acis est assimilé à une devinette, qui se résout au bout d'un certain temps, ce que semble indiquer le complément circ. de temps : «enfin »
- Alors que l'on s'attendait à un contenu intellectuel justifiant l'incompréhension du narrateur, il s'agit simplement de climat, comme nous l’indique l’emploi d’un champ lexical de la météo : « froid » (l. 2), « pleut », « neige » (l. 3). L’évocation de ce sujet crée un effet comique, car parler du temps est un sujet banal et sans profondeur. Acis semble ainsi se contenter dans la forme : peu importe ce que l’on dit, tant que cela paraît complexe et savant.
- En effet, l’incompréhension vient de la manière de s'exprimer d'Acis, qui ne nous est pas transmise ici. On retrouve ici l’esprit de concision de La Bruyère : sous-entendre qu’il s’exprime de façon complexe n’empêche pas le lecteur de comprendre l’histoire et lui permet même d’imaginer les expressions les plus ridicules.
- Immédiatement, le narrateur nous fait comprendre qu’il n'approuve pas : « que ne disiez-vous »(. 2) : Il prend donc très rapidement la posture d’un conseiller lui indiquant la bonne voie pour s’exprimer. Et ce qui relevait jusque-là d’une forme de conseil par l’emploi de la négation, devient une injonction: «dites»(l. 4), impératif présent, répété deux fois. Accumulation de formules proposées simples pour remplacer celles d’Acis
- En reformulant les phrases d’Acis, le narrateur montre donc qu'il faut exprimer les choses simplement: «Il pleut, il neige»(l. 3), «je vous trouve bon visage»(l. 4): ici, ce sont des propositions simples, qui comprennent sujet+ verbe, ou sujet+ verbe+ complément. Il n’emploie pas de structure grammaticale complexe, ni des phrases trop longues.
- l.5: Première prise de parole d'Acis (parole rapportée au discours direct, comme le montre l’incise «répondez-vous»): «Mais»: conjonction de coordination à valeur d'opposition: il va s'agir pour Acis de contre-argumenter.
- Acis rejette une expression de la langue trop simple : « bien uni et bien clair » (l. 5): ces mots indiquent bien ce que rejette ici Acis: une langue qui n'aurait pas de relief. On peut percevoir ici l’ironie de l’auteur à travers ces propos: Acis refuse de parler simplement; il ne souhaite donc pas particulièrement qu’on le comprenne: il est ridicule car la discussion devient alors un monologue.
- L'argumentation d'Acis se poursuit avec la conj.de coordination+ connecteur : « et d'ailleurs », qui annonce un second argument : « qui ne pourrait pas en dire autant ? » (5-6) : il s'agit donc, pour Acis, de se démarquer par une forme langagière originale. Il veut être unique. On retrouve l’emploi de la négation qui a presque une valeur de litote ici. Il semble vouloir atténuer la condescendance de ses propos par une tournure plus indirecte.
- Le narrateur reprend ensuite la parole, et ce jusqu'à la fin du texte. Il répond tout d’abord à Acis par deux questions rhétoriques : «Qu’importe Acis? Est-ce un si grand mal d'être entendu quand on parle, et de parler comme tout le monde?»(l. 6-7), qui disqualifient le point de vue qui vient d’être exprimé. Dans les propos du narrateur, les verbes de parole («parle», «parler») sont donc associés à des verbes exprimant la clarté, la compréhension: «entendre» et comprendre». Ces questions nous amènent également à une réflexion plus large, sur l'intérêt qu'il y a -ou pas-à se démarquer dans la société
II_ La définition de l’art du discours selon le moraliste
- Avec ce second mouvement, on passe d’une dominante de phrases interrogatives à celle de phrases affirmatives. Acis est définitivement réduit au silence : le narrateur nous dévoile sa conception de l’art de parler, dont la voix est le porte-parole de la pensée de La Bruyère.
- La première phrase de ce passage est construite sur un effet de boucle: elle débute sur une annonce: «Une chose vous manque, Acis» (l. 7) et se clôture sur la reprise de cette expression accompagnée de sa résolution: «une chose vous manque, c’est l’esprit» (l. 9) : crée un effet d’attente chez le lecteur et permet au narrateur de préparer sa chute. C’est également une mise en emphase du mot «esprit» (=ici, intelligence).
- Désormais, la critique de La Bruyère se fait part ailleurs plus précise : « à vous et vos semblables, les diseurs de Phoebus»(l. 7-8) : dénonce de manière générale les pédants, ceux qui cherchent à se démarquer prétentieusement par un langage affecté, mais aussi probablement ceux qui se vantent d'écrire une poésie hermétique. Acis incarne donc un caractère, qui fait office de représentant de tous les beaux parleurs, comme nous le montre la conjonction de coordination reliant la 1èrepersonne du pluriel (vous) au groupe nominal précédé du possessif «vos».
- Le narrateur ménage son suspense dans ce passage : à partir d' «une chose vous manque», on attend de connaître ce qui précisément manque. Mais il faut patienter, puisque le narrateur retarde d'abord, par le COI «à vous et à vos semblables les diseurs de Phoebus», puis par l'interpellation à Acis: «vous ne nous en défiez point», et enfin par son point de vue «je vais vous jeter dans l'étonnement», l'annonce.
- «Ce n'est pas tout:» (l. 9): les deux points montrent que son raisonnement n’est pas terminé et annoncent le développement de la réflexion.
- Après avoir exprimé le moins : «qui vous manque», le narrateur exprime le plus: «une chose de trop», la présomption : «l'opinion d'en avoir plus que les autres». Le paradoxe s'exprime donc ainsi, pour Acis et ces semblables : alors qu'ils sont ignorantes et devraient donc faire profil bas, ils se montrent arrogants et présomptueux.
- La Bruyère en arrive à la conclusion de son raisonnement; il emploie alors le présentatif «voilà»(l. 10), qui sert ici à synthétiser l'attitude d'Acis et de ses amis. Cette attitude s'exprime à travers le groupe nominal «pompeux galimatias» qui relève presque de l'oxymore, puisque «pompeux» évoque une solennité excessive, et «galimatia» qui évoque un langage absolument incompréhensible.
- Le « pompeux galimatias » s'inscrit d’ailleurs dans une énumération: «pompeux galimatias, de vos phrases embrouillées, et de vos grands mots qui ne signifient rien.» La Bruyère insiste ici sur l'incompréhension, à travers «galimatias», «embrouillées» et la négation «ne signifient rien».
- Après cette attaque et par le biais d’une nouvelle saynète, le narrateur change d'attitude et semble cherchera se présenter sous la forme d'un ami attentif qui veut son bien: «je vous tire par votre habit et vous dis à l'oreille»(l. 12): ces deux propositions expriment une certaine familiarité, et le souci d'une bienveillance discrète, avec le complément circonstanciel de manière «à l'oreille».
- Sous la forme injonctive et dans des propositions négatives, La Bruyère offre alors ses conseils: «ne songez point», «n'en ayez point». La dernière partie de la phrase, plus complexe, composée de quatre propositions subordonnées, exprime un dernier paradoxe: c'est en s'exprimant sans façon, en ayant l'air de ne pas avoir d'esprit, que l'on pourra faire penser que l'on en a. On retrouve de nouveau un ton très satirique, voire cruel.
CONCLUSION
Ce texte de La Bruyère, « Acis » est donc un portrait animé d’un caractère au langage inadapté, incompréhensible, qui se croit homme d’esprit. Le moraliste lui fait comprendre dans un dialogue fictif et sur un ton sévère la nécessité et les avantages d’une expression claire et d’un comportement plus modeste. On peut y associer un autre auteur moraliste, comme Jean de La Fontaine pour son côté saynète et moral.
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