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La poésie, fille de l'étonnement

Dissertation : La poésie, fille de l'étonnement. Rechercher de 54 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  27 Février 2025  •  Dissertation  •  2 731 Mots (11 Pages)  •  10 Vues

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Dissertation de Français

La poésie « se révèle la vraie fille de l’étonnement »

En 1960, Saint John Perse, lors de sa remise du prix Nobel de littérature, dit de

la poésie qu’elle « se révèle la vraie fille de l’étonnement ». Sa déclaration renvoie

à une autre de Platon, dans Théétète, mais par laquelle il qualifiait la philosophie.

Ainsi, l’affirmation initiale du poète prend un sens nouveau : la poésie serait, à plus

forte raison, sous un rapport plus puissant que toutes les autres formes artistiques

ou de pensée, la « fille de l’étonnement ». L’expression « se révéler » renvoie à

l’idée d’enlever un voile, de découverte de la véritable nature d’une chose connue.

Elle implique une envie de comprendre une réalité plus à fond, de ne pas s’arrêter

à sa forme pour en découvrir le fond. L’étonnement, nous vient du latin extonare

qui signifie « ébranlé », littéralement « frappé par le tonnerre ». En son sens plein et

entier, il n’est donc pas une surprise légère, mais un choc intérieur, une stupeur. Il

ne saurait donc rester infécond et doit nécessairement avoir des répercussions sur

celui le subit, notamment la remise en question des ordres établis, la volonté de

sortir des carcans. Ainsi, lorsque Platon, et à sa suite Aristote, en affuble la

philosophie, ils entendent par cela qu’à la genèse de tout questionnement

philosophique, se trouve le choc de la conviction de la limite de notre savoir. Nous

serions donc estomaqué par notre ignorance et ferions tout pour la réduire. Saint-

John Perse affirmait donc que cet ébranlement premier engendrait, avant même et

plus qu’une réflexion philosophique, le poésie. Celle-ci, pouvant se décliner dans

de nombreux genres, est essentiellement un moyen artistiques hautement codifié

se servant des phonèmes pour exprimer des sentiments, intimes et personnels du

poètes, ou généraux, le tout avec musicalité.

Sous ce rapport, si la poésie est bien cet art ardu et précisément réglé, permettant

la transmutation de sons en l’expression de pensées, comment pourrait-elle être

autre chose que la fille du canon, de l’archétype ?

Tout d’abord, nous verrons qu’au premier abord, la poésie semble limitée par les

règle qu’elle s’applique. Puis, nous montrerons qu’elle est essentiellement

transcendantale. Enfin, nous tâcherons d’exposer qu’il lui est en réalité impossible

d’arriver à ses fins car ne pouvant jamais être pleinement saisie.

La poésie semble être muselée par les contraintes qu’elle s’impose.

La poésie apparait soumise à des formes poétiques convenues.

Depuis son origine en Grèce et au cours de son long développement, la poésie

s’est toujours attachée à des contraintes. En effet, les poètes, en quête de

perfection artistique, de raffinement esthétique et de surpassement de soi, ont

adopté des règles de composition pour leur production. Ils étaient persuadés que

cela les forcerait à s’extirper du domaine du prosaïque et des réalités ennuyeuses,

ne méritant pas leur place dans un art si raffiné. Ces convention complexes sont

de plusieurs natures. Tout d’abord, elles portent sur la versification. Le poète, en

fonction de son choix, s’évertuera à ce que chaque vers respecte un certain mètre,

un nombre défini de syllabe. A ceci, il rajoutera un schéma de rimes pouvant être

plus ou moins complexes, pauvres ou riches, plates ou embrassées. De même, il

est primordial que la production poétique suive un schéma rythmique, portant sur

les accents toniques, qui soit régulier. Le tout, en prenant en compte le caractère

muet des « e » en fin de mot et lorsque suivi par une voyelle, et la nécessité d’un

hémistiche. En outre de ces règles — dont nous ne citons qu’une partie — il existe

des formes fixes ayant chacune leurs exigences propres en matière de strophe, de

vers, de rimes, ect et qui rajoutent de la complexité à l’entreprise. Il semble donc

peu vraisemblable que la puissance libre et créatrice — induite par une stupeur

crée par la constatation d’une dichotomie entre nos croyances et la réalité — soit

parfaitement retransmise lorsqu’étouffer par ces cadres. Prenons comme exemple

un sonnet de Pierre de Ronsard (1524-1585), « Je n’ai plus que les os », Derniers

vers. Cet oeuvre, d’une parfaite rectitude, respecte les conventions du sonnet : la

composition est de quatre quatrains suivis de deux tercets, les vers sont tous des

alexandrins (12 syllabes) avec un hémistiche régulier, et les rimes (ABBA/ABBA/

CCD/EED) « à l’italienne » sont règlementaires. Or, la réalisation de ce poème

semble se rapporter plus à une performance artistique laborieuse, à une grande

maîtrise linguistique qu’au fruit de « l’étonnement ». Ainsi, il est légitime de penser

que même si cette stupeur avait été à l’origine de l’inspiration ou de la création

poétique, elle eut été noyée, tarie voire dénaturée par tant de procédés.

La poésie apparait comme captive de certains topoï.

Ce fait peut se retrouver dans de nombreuses étapes du développement de cet

art. Une nouvelle fois, dès ses débuts en Grèce, des cadres thématiques ont été

imposés. La poésie lyrique, épique et dramatique laissaient un champs de liberté

très réduit à ses auteurs. La première se devait d’exprimer exclusivement des

sentiments en musicalité, la seconde devait mettre en scène un héros, sur lequel

son peuple reposait, avec une forte présence des dieux et une amplification des

actions, la dernière était contrainte de respecter la règle des trois unités (temps,

lieux et action). Or, bien que ces formes thématiques aient évolué, elles ont laissé

place à d’autres comparables, identiques dans leur caractère « castrateur » : l’ode,

l’élégie, les chansons de geste,… Ainsi, il semblerait que toute l’histoire de la

poésie puisse se résumer en quelques grands topoï omniprésents et

inlassablement réutilisés. En effet, l’art poétique a -t- il d’autres sujets que l’Amour

et ses tourments, l’exposition des sentiments heureux ou malheureux et la tragédie

que constitue l’existence ? C’est pourquoi il parait incongru d’affirmer que la

poésie puisse être la parfaite progéniture, la meilleure actualisation de

« l’étonnement ». Comment pourrait-elle se montrer fidèle à son impulsion originale

si les notions qu’elle aborde sont si restreintes ? Prenons l’exemple de trois

poèmes d’époques radicalement différentes : « A une Aimée » de Sappho du VIIe/

VIe siècle avant Jésus-Christ, « Ma seule amour » de Charles l’Orléans du XIVe

siècle et « A une dame créole », Les Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire écrit en

1841. Ces oeuvres, séparées de plusieurs siècle, ont le même sujet : l’amour d’une

personne pour son amant(e). Les langues, les époques et les expressions

divergent, mais en soit, ils ne reflètent qu’une seule et même réalité. Constatons-le

...

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