Etude de la Lettre 26 Usbek à Roxane de Montesquieu
Commentaire de texte : Etude de la Lettre 26 Usbek à Roxane de Montesquieu. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Amina Diallo • 27 Janvier 2021 • Commentaire de texte • 3 672 Mots (15 Pages) • 4 276 Vues
Lettres Persanes de Montesquieu
Texte 6 : lettre d'Usbek à Roxane (lettre 26)
Problématique d'ensemble : De l'image exotique du sérail à la dénonciation de la condition féminine
Délimitations de l'extrait : lettre 26, p.70 de «Que vous êtes heureuse, Roxane... », l.1 à « ...ce combat de l'amour et de la vertu. », l.29
I. Présentation du texte
- l'auteur : 1689-1755,Charles-Louis de Secondat, études de droit, magistrat, conseiller au Parlement de Bordeaux, académicien, voyages multiples qui lui permettent de comparer les différents systèmes politiques, curiosité universelle et esprit éclairé (Essai sur le goût dans l'Encyclopédie) qui précède les philosophes des Lumières.
- l’œuvre : Lettres persanes : première publication, anonyme, en 1721 à Amsterdam, succès immédiat, roman épistolaire =fausses lettres de Persans voyageant en Europe pour acquérir du savoir, décalage des points de vue qui permet d'introduire un propos satirique, moraliste et philosophique, réflexion sur la relativité des valeurs sociales et sur le pouvoir derrière la fantaisie des personnages.
- la situation de l'extrait : Usbek est arrivé à Paris et a déjà correspondu avec avec ses amis ou les gardiens du sérail de son palais à Ispahan. Lettre destinée à Roxane, favorite du sultan, enfermée dans le sérail. Usbek lui fait part de sa stupéfaction devant ce qu'il découvre à Paris : les mœurs sont bien différentes de celles de la Perse. Usbek déclare alors à Roxane combien les lois qui régissent le sérail sont supérieures à ses yeux et il rappelle à la jeune femme sa réaction de résistance au moment de leur mariage. Il ne peut s'empêcher alors de faire l'éloge du système liberticide du sérail pensant que c'est grâce à ce système que la vertu de Roxane a été préservée.
- la caractérisation de l'extrait : ton double dans cette lettre : elle est à la fois marquée par le mépris d'Usbek pour la civilisation européenne et pour les mœurs des Parisiens mais aussi par l'éloge à l'égard de Roxane qui incarne la réussite de sa politique despotique. Mais l'ironie de Montesquieu s'ajoute à cette double tonalité car l'auteur fait d'Usbek un personnage aveuglé par sa vanité et par la perversion des valeurs qui transforme la soumission des êtres en vertu.
II. Lecture expressive
III. Plan du texte et problématique
Premier mouvement : l'éloge des lois du sérail (l. 1-12 « ...votre vue. »)
Deuxième mouvement : la résistance de Roxane face à un mari tyrannique (l. 12 « Moi-même... » à « vertu », l.29)
Problématique : Comment l'exotisme et le romanesque de ce récit mettent-ils en place une critique du despotisme ?
IV. Explication linéaire
Premier mouvement : L'éloge des lois du sérail
*destinataire de la lettre, apostrophe répétée : «Roxane », l.1, « Roxane » (puis ligne 10)
= insiste sur le prénom pour souligner les sentiments qu'il a pour elle, son attachement.Tendresse, plaisir de prononcer son prénom ?
=cet attachement le pousse à la considérer comme une confidente et il partage avec elle ses impressions suscitées par le séjour à Paris, Roxane=confidente de sa surprise
= mais c'est peut-être aussi un moyen de persuasion, un procédé rhétorique pour souligner l'assurance d'Usbek face à sa destinataire. Cette répétition souligne alors la volonté de domination d'un personnage qui s'impose (d'ailleurs pas de réponse immédiate de Roxane)
*répétition de l'exclamation : « Que vous êtes heureuse !»+ épanalepse (répétition complète d'un ensemble de mots)
= ton enthousiaste et positif qui ouvre la lettre. Usbek s'imagine que Roxane est heureuse, il vit dans l'illusion que le sérail est un lieu où le bonheur est possible, se met à la place de Roxane sans lui avoir posé vraiment la question.
= vanité du sultan qui va faire son propre éloge : si le sérail est une réussite, c'est grâce à son autorité. Logique absolutiste qui repose sur l'aveuglement doctrinaire : ne concevoir qu'une seule forme de bonheur pour tout le monde, imposer des valeurs par la force, confondre vertu et soumission.
=aveuglement d'Usbek qui découvrira dans la dernière lettre de Roxane qu'il n'était qu'un tyran aux yeux de la jeune femme. Condamnation finale formulée par Roxane.
*opposition : « non pas » + double négation « ni la pudeur, ni la vertu » + antithèse : « doux pays de la Perse »/ « ces climats empoisonnés » + valeur péjorative de l'adjectif démonstratif « ces »
= phrase d'introduction de la lettre qui expose une comparaison entre la Perse et la France. De cette comparaison, naît un dégoût d'Usbek pour les mœurs européennes qu'il considère comme dangereuses pour la vertu (« empoisonnés ») alors que la Perse aurait tous les atouts pour apporter le bonheur aux hommes (« doux »). Ironie de l'adjectif « doux » : la soumission imposée aux femmes du sérail et la cruauté du sultan qui fait tuer tous les hommes qui se trouvent sur le chemin de ses épouses rendent cette « douceur » bien illusoire. Il faut peut-être comprendre que cette « douceur » concerne avant tout le bonheur du sultan qui voit ses principes respectés.
= critique sociale. Pose la question intrinsèque du bonheur et de la vertu : quelle nation (avec ses mœurs, son régime politique, sa culture, …) permet à l'homme de s'épanouir avec dignité ?
= amorce de sa réflexion sur les sociétés avant tout guidées dans leurs mœurs et coutumes par le climat, la nourriture, la vie matérielle,... Relativité extrême des coutumes et des régimes politiques. Annonce de l'Esprit des lois. Volonté ici comme dans toute l’œuvre de Montesquieu de désaccoutumer le lecteur, de l'inviter à sortir de ses habitudes et préjugés. Ainsi, le lecteur pourra s'interroger sur les mœurs de son pays, sur la condition féminine de sa nation.
*marques personnelles : adjectif possessif « mon sérail » et pronom « vous » dans l'expression « vous vivez dans mon sérail », l.3
= se présente comme le maître absolu, volonté d'appropriation, Usbek semble « absorber » la personne-même de Roxane
= fierté affichée naïvement, lettre étonnante : de qui fait-elle l'éloge ?
*hyperbole : « comme dans le séjour de l'innocence »+répétition des adverbes intensifs « jamais », l.6 « toujours » l.10
= image d'un sérail qui fonctionne à merveille, qui permet de respecter les principes moraux et religieux, empêche les femmes de tomber dans la « faute », dans l'impureté.
= IRONIE, derrière le mot « innocence », Usbek cache toutes les dures lois imposées aux femmes pour atteindre cette « innocence ». L'expression prend la forme d'un euphémisme puisqu'elle « adoucit » une réalité brutale.
= éloge de son propre sérail, lieu parfait à la mesure de la perfection de Roxane mais aussi à la mesure de l'autorité d'Usbek. Ironie du roman épistolaire qui révélera des manigances, des infidélités au sein-même du sérail en l'absence du sultan. Le despote s'illusionne lui-même.
*vocabulaire mélioratif/oxymore : « vous vous trouvez avec joie dans une heureuse /impuissance de faillir », l. 5-6
=éloge de ce système qui prive de liberté les femmes pensant que c'est la meilleure manière d'éloigner d'elles le vice, le mal, l'infidélité plus exactement. C'est considérer qu'elles n'ont pas la force morale suffisante pour luter contre la tentation d'une part et qu'elles n'ont pas le droit de choisir pour elles-mêmes d'autre part. Esclavage.
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