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J. J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.

Dissertation : J. J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  10 Février 2016  •  Dissertation  •  1 637 Mots (7 Pages)  •  2 122 Vues

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« Quoi qu’en disent les moralistes, l’entendement humain doit beaucoup aux passions, qui, d’un commun aveu, lui doivent beaucoup aussi. C’est par leur activité que notre raison se perfectionne ; nous ne cherchons à connaître que parce que nous désirons jouir ; et il n’est pas possible de concevoir pourquoi celui qui n’aurait ni désirs ni craintes se donnerait la peine de raisonner ».

J. J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.

I/ Analyse du propos.

(Saisie globale du propos).

Dans cet extrait du Second Discours, Rousseau exprime, dans une première phrase, son opposition, à propos du rôle joué par les passions, à une thèse par lui attribuée aux « moralistes » et défend la position adverse. Il procède ensuite, dans la phrase suivante, à une réfutation en règle de la thèse qu’il critique en apportant des arguments pour soutenir son point de vue.

(La thèse visée par le propos : la position des « moralistes ».)

La cible désignée par Rousseau — les « moralistes » — est à la fois explicite (l’adversaire est nommé) et énigmatique (son identité reste floue). En effet, on désigne ordinairement par ce mot celui qui administre des leçons de morale, qui dicte les conduites à tenir et qui juge les actes en appliquant des principes considérés comme infaillibles. On retiendra de cette définition, au moins, la certitude éprouvée par ces moralistes, quant à la valeur de leurs principes érigés en dogmes. Dans la bouche de Rousseau, le terme a visiblement valeur péjorative : certes, l’on sait qu’il y a des « moralistes » — comme, au XVIIe siècle, La Rochefoucauld, La Bruyère, Pascal — qui jettent une lumière crue sur ce que les hommes sont et font ainsi apparaître des vérités que ces hommes s’efforcent de se cacher, mais ce n’est probablement pas seulement à eux que Rousseau fait ici allusion puisque, lui aussi, compte bien faire jaillir une vérité ; il entend plus généralement par « moralistes » ceux qui jugent, qui sont soucieux d’imposer aux hommes ce qu’ils doivent être, sans s’occuper de ce qu’ils sont (ceux qui tiennent des discours « moralisateurs »). Le « moraliste » est donc celui qui considère que nous avons en nous une instance qui garantit la valeur morale de nos actions et que cette instance, la raison, ne doit être polluée par rien.

Le propos s’ouvrant par un « quoi qu’en disent » (qui implique qu’on va prendre le contrepied d’une idée,), on devine a contrario le contenu de la thèse que Rousseau conteste : ces moralistes croient en l’indépendance absolue de la raison (« entendement humain ») par rapport à la vie affective (« les passions »). Cette autonomie de la raison est de toute évidence un indice de sa supériorité et de son antériorité par rapport aux passions auxquelles elle ne doit rien et qui viennent uniquement la perturber : un primat lui est accordé. Dès lors chez les moralistes en question, seule est recommandable une conduite conforme à la raison et qui se tient à bonne distance des désordres engendrés par les passions.

(La thèse défendue par Rousseau : le point de vue adverse.)

La vérité que les « moralistes » ne voient pas et s’évertuent à ne pas voir (« quoi qu’en disent… ») s’expose de façon ferme et c’est clairement à une prise de position que nous avons ici affaire : l’entendement (c’est-à-dire la faculté de produire des connaissances et d’énoncer des principes de valeur universelle, donc la raison) « doit » beaucoup aux passions ; la raison n’est ce qu’elle est qu’avec l’intervention des affects. En d’autres termes, Rousseau affirme que la raison entretient un rapport nécessaire aux passions, peut-être même que ces dernières ont un rôle décisif (« beaucoup ») et contribuent à l’engendrement, au développement, bref à la vie de la raison. Le verbe employé par Rousseau est emprunté aux pratiques de l’échange et de la dette : si l’entendement « doit beaucoup » aux passions, c’est qu’il en retire une part de ce qu’il est.

Mais Rousseau ajoute que cette observation vaut aussi bien pour la réciproque : il établit comme acquis le fait que la raison, de son côté, participe à la naissance et l’épanouissement des passions. Dès lors, loin d’opposer les deux « instances » de la vie psychique, raison et affectivité, Rousseau souligne ici leur interdépendance et leur collaboration. Il soutient ainsi la thèse de la réciprocité, du « donnant-donnant » entre entendement et passions. La lucidité exige donc de reconnaître qu’il n’y a pas de passion qui se dispense de l’intelligence pour se développer et se renforcer et qu’il n’y aurait aucune intelligence pleinement accomplie si elle n’était mue, stimulée, aiguillonnée par un élan passionnel. Il ne saurait donc y avoir ni antériorité ni autonomie de la raison ; c’est de synergie qu’il s’agit.

(La réfutation méthodique : les arguments en faveur de la position contraire.)

La deuxième partie du propos appuie la thèse (plus précisément le premier volet de cette thèse) sur une argumentation qui pourrait faire office de programme pour une nouvelle théorie de l’homme, une anthropologie nouvelle (car il n’est question ici que de « l’humain », de ce que « nous » sommes et de ce que « nous » devenons). Rousseau fait la lumière sur l’inattendue collaboration des passions dans la constitution et l’exercice de la raison qu’il a affirmée dans la première phrase. Il apporte trois preuves à l’appui de cette thèse et démontre l’incontestable capacité des passions à produire des effets stimulants sur la raison : il fait d’elles successivement la source de la perfectibilité (« par leur activité… notre raison se perfectionne »), la cause des progrès des savoirs (« nous cherchons à connaître parce que nous désirons jouir ») et le déclencheur pour tout usage de l’entendement (sans « désirs ni craintes » … on ne se donnerait pas la « peine de raisonner »).

Les trois

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