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Jacques le Fataliste / Denis Diderot

Commentaire de texte : Jacques le Fataliste / Denis Diderot. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  12 Mars 2022  •  Commentaire de texte  •  2 070 Mots (9 Pages)  •  717 Vues

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Nous avons ici un extrait du roman Jacques le Fataliste écrit par Denis Diderot en 1796. Ce roman est une double histoire, le récit des amours de Jacques, un valet, et le récit des péripéties qui arrivent à Jacques et son Maître pendant leur voyage. Le récit-cadre se déroule sur 9 jours.

Dans l’extrait étudié, nous avons un discours du narrateur et une conversation entre Jacques et son maître sur un sujet philosophique, amené entre autre par une fable. Dans cet extrait nous remarquons plusieurs points qui apparaissent très régulièrement dans le roman et qui sont caractéristiques de Diderot, le cassage des codes de la narration romanesque et l’introduction à une réflexion philosophique. Nous pouvons donc nous poser la question suivante :

Comment Diderot bouleverse-t-il le genre du roman et remet-il en question les codes narratifs pour, sous couvert du style romanesque, nous livrer une réflexion philosophique et une critique de la morale ?

Pour répondre à cette question, nous étudierons tout d’abord comment, dans cet extrait, Diderot casse les codes de la narration romanesque, puis nous verrons comment il amène une réflexion philosophique dans les conversations des différents protagonistes. Enfin nous révèlerons que cet extrait n’est autre qu’une critique de la morale contemporaine de Diderot.

I Des codes de la narration romanesque cassés

Dans cet extrait de Jacques le Fataliste, Diderot bouleverse le genre du roman en en cassant les codes. Bien que l’on ait l’illusion à ce moment d’être au cœur d’un roman picaresque, puisque l’on assiste à une escale dans une auberge des personnages principaux qui sont en train d’effectuer un voyage, l’écriture de Diderot nous fait explorer un genre très nouveau.

  1. Des récits gigognes

Nous ne sommes pas en présence d’un récit linéaire mais de récits imbriqués : une conversation entre le narrateur et son lecteur, une conversation entre Jacques et son Maître et les péripéties vécues par Jacques et son Maître ainsi que leurs interactions avec les personnages qu’ils rencontrent. Ce sont de véritables récits gigognes qui nous sont proposés par l’auteur :

De la ligne 11 à la ligne 23 : le narrateur s’adresse directement au lecteur : « et vous, lecteur, parlez », « car vous voyez que nous sommes », « voulez-vous que nous laissions »…

De la ligne 1 à la ligne 5, nous sommes dans le récit de l’interaction entre les personnages principaux et l’hôtesse de l’auberge où ils se sont arrêtés pour passer la nuit.

De la ligne 24 à la ligne 37, nous avons une conversation entre Jacques et son maître.

  1. Le lecteur et le narrateur sujets du roman

Dans ce roman, le lecteur se pose des questions par rapport à l’histoire racontée. Ici dans cet extrait, c’est le narrateur qui pose les questions que se posent le lecteur « Voulez-vous que nous laissions là cette élégante et prolixe bavarde d’hôtesse, et que nous reprenions les amours de Jacques ? » (L12-13). Il répond également aux questions en introduisant son point de vue « Pour moi »(L13). On remarque alors que le narrateur et le lecteur sont des personnages du texte. Ils sont véritablement introduits dans le récit. Le lecteur est cité dans l’extrait par le biais de la 1e personne du pluriel ainsi que la 2e personne du pluriel « vous » (L11 ; L12 ; L23) « nous » (L11 ; L12). Ce qui marque encore plus son introduction au texte par la parole du narrateur. Cette particularité d’avoir comme personnage du récit le lecteur et le narrateur est typique du roman de Diderot, Jacques le fataliste, de cette façon, Diderot casse les codes de la narration romanesque.

  1. Un rapport inversé entre lecteur et narrateur

Au cours de cet extrait, nous remarquons également que le narrateur donne des ordres au lecteur « Parlez sans dissimulation » (L11) mais aussi qu’il lui donne l’illusion de lui proposer des choix, « voulez-vous… que nous reprenions les amours de Jacques ? », « Pour moi je ne tiens à rien ».

Ceci induit une relation de dépendance entre lecteur et narrateur qui est très inhabituelle dans les romans et qui constitue une nouvelle façon pour Diderot de bouleverser les codes romanesques.

Nous venons d’étudier une des caractéristiques du roman de Diderot que l’on retrouve dans cet extrait, à savoir, le bouleversement des codes du roman, voyons à présent comment Diderot introduit une réflexion philosophique dans son récit.

II Une réflexion philosophique

  1. Utilisation d’un apologue pour un enseignement

L’imbrication de la fable de la Gaîne et du Coutelet dans le récit constitue l’ajout d’un apologue c’est-à-dire d’un court récit visant essentiellement à illustrer une leçon morale. En racontant cette fable, Jacques donne un enseignement moral au Maître au travers des paroles sages de « Cil » qui est présenté comme un arbitre de la querelle de la Gaîne et du Coutelet : « Vous, Gaîne, et vous, Coutelet, vous fîtes bien de changer, puisque changement vous duisait ; mais vous eûtes tort de vous promettre que vous ne changeriez pas ». Il avance la thèse morale que la fidélité dans le mariage est contre-nature et pousse ainsi le Maître tout comme le lecteur à réfléchir à cette fatalité.

  1. Une réflexion sur l’amour et les tromperies entre hommes et femmes

Ce faisant c’est une réflexion plus profonde sur la complexité des relations de cause à effet que Diderot nous propose encore une fois dans cet extrait de son roman.

Ici c’est le thème de l’amour et des tromperies entre hommes et femmes qui est abordé.

En ligne 1 et 2, le ton est donné avec « « ils se mirent à moraliser sur l’inconstance du cœur humain, sur la frivolité des serments » puis dans la fable : « Gaîne, ma mie, vous êtes une friponne, car tous les jours, vous recevez de nouveaux Coutelets…La Gaîne répondit au Coutelet : Mon ami Coutelet, vous êtes un fripon, car tous les jours vous changez de Gaîne… ».

La Gaîne et le Coutelet évoquent les hommes et les femmes, la suggestion provient de la forme des objets en question qui représentent les sexes féminin (la Gaîne) et masculin (le Coutelet) et les interactions possibles entre eux.

Diderot par le récit de Jacques nous appelle à réfléchir à la bêtise de nos croyances sur la fidélité dans le couple. Il remet en question nos croyances avec « ils croyaient leurs cœurs affranchis de vicissitudes. Ô enfants ! toujours enfants !... » En qualifiant d’enfants ceux qui croient en la pureté de leurs sentiments, Diderot installe le doute qui est aux fondements de la réflexion philosophique.

Il récidive en traitant de fous ceux qui ont foi en la fidélité «Vous regardiez comme fous

 

  1. Une parodie de réflexion philosophique

Mais Diderot amène de la légèreté à son propos, en nous proposant là une parodie de conversation philosophique. En effet, en faisant le choix d’utiliser un sujet grivois tel que les relations sexuelles entre hommes et femmes sous-entendues dans la fable de la Gaine (analogie avec le sexe de la femme) et du Coutelet (analogie avec le sexe de l’homme) et en faisant porter la parole philosophique par un simple valet, Diderot nous laisse entendre que la réflexion philosophique de ses personnages n’est pas très sérieuse.

De même, l’argumentation que Jacques nous donne à travers le récit de la Fable est très limité. Ainsi le postulat n’est jamais discuté, il est seulement illustré par un prétendu bon sens : « vous fîtes bien de changer puisque changement vous duisait », et « vous ne pensiez pas que vous étiez presque aussi fous lorsque vous juriez, toi, Gaîne, de t’en tenir à un seul Coutelet ; toi, Coutelet, de t’en tenir à une seule Gaîne. »

Nous venons de montrer que dans cet extrait de Jacques le Fataliste, Diderot introduit une réflexion philosophique sur le couple et la fidélité mais le texte va bien au-delà puisque comme nous allons le voir il est en fait une critique de la morale au temps de l’auteur.

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