Denis Diderot - supplément au voyage de Bougainville
Mémoire : Denis Diderot - supplément au voyage de Bougainville. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoirest progressivement réduit à écouter voire à relancer le vieux sage Tahitien par ses questions à partir de la ligne 26. Ce déséquilibre s'instaure même dans les 1eres lignes du texte. L'aumônier y explique en effet les conséquences de la naissance d'un enfant hors mariage en Europe : les phrases sont courtes et déclaratives, elles décrivent toutes chacune à leur manière, le jugement social qui s'abat sur chacun des responsables de la naissance : "méprisée", "lâche séducteur", "désolés". Personne n'est épargné comme le montre aussi le parallélisme et l'opposition entre "l'époux volage" et "l'époux trahi", tous deux également coupables aux yeux de la morale sexuelle d'époque. L'indignation d'Orou devant ces condamnations est sensible aux reprises rhétoriques ponctuées d'exclamations et d'interrogations.
Orou manifeste comme une sorte d’incrédulité douloureuse devant les jugements sociaux des européens. Mais cette indignation éclate surtout dans sa première longue réplique lignes 9 à 25. L’expression initiale « monstrueux tissu d’extravagance » souligne bien grâce à l’hyperbole, la force de sa dénonciation. Orou déploie ensuite toute sa force persuasive grâce à de nombreux procédés : syntaxiques et lexicaux essentiellement. Il reproche aux Européens de se faire les juges de toutes choses et en montre les conséquences dans la vie sociale à une énumération qui dénonce l’atmosphère viciée et corrompue « on se blâme, on s’accuse, on se suspecte, on se tyrannise ». il emploie un lexique péjoratif pour qualifier les européens à l’intérieur d’une autre énumération « un ramas où d’hypocrites […] où d’infortunés […] où d’imbéciles […] où d’êtres mal organisés ». La corruption de la société européenne ressort grâce au lexique du crime qui lui est systématiquement associé « étoufferont », « négligeront », « abandonneront »
En opposition à ce qu'il a condamné, le vieux sage propose ici une toute autre définition du mariage et de la morale sexuelle, caractéristique de l'utopie. Le mariage est pour les Tahitiens ici imaginé, "le consentement d'habiter une même cabane et de coucher dans le même lit". Elle est l'association provisoire, consentie, entre deux êtres libres, de partager une même vie. Le fondement du mariage est donc la libre volonté et cela en fixe aussi des limites puisqu'il n'existe que tant que cette volonté s'exprime, c'est-à-dire tant que les partenaires sont heureux. Si ce modèle social paraît ici un idéal, c'est parce qu’il garantit une place toute spéciale à l'enfant, considéré comme "un bien précieux", comme le montre le jeu d'opposition à l'intérieur du parallélisme de construction: "la naissance d'un enfant est toujours un bonheur et sa mort un sujet de regrets et de larmes". Le mariage n'est donc pas envisagé comme l'institution qui légitime la procréation, c'est celle-ci qui est conçue comme une fin en soi parce qu'elle fait la force de la nation tahitienne. Le locuteur a recours ici aux effets de symétrie ("un accroissement de fortune pour la cabane et de force pour la nation"), sur les groupes binaires ("la joie domestique et publique", "des bras et des mains de plus"), sur des énumérations ("un agriculteur, un pêcheur, un chasseur [...]") pour souligner l'importance accordée à l'enfant.
Diderot utilise donc le vieux Tahitien comme porte-parole pour défendre un modèle social différent où la liberté sexuelle garantit l'harmonie des rapports entre les hommes et la force du peuple. Mais il est clair que ce modèle relève de l'utopie. En effet, les personnages sont imaginés. On constate que "l'indigène" dirige le dialogue. L'Occidental qui était censé être le porteur d'une culture civilisée se trouve mis à mal par le vieux sage Tahitien. C'est pourquoi on peut affirmer que Diderot crée un dialogue fictif; les personnages sont inventés ainsi que leur rôle. De plus, pour corroborer cette idée, il est bon de rappeler que Diderot n'était présent lors de ce voyage et que les faits sont le fruit de son imagination.
Pour conclure, Diderot défend la liberté de penser, d'imaginer, et a constamment recours au dialogue comme une forme privilégiée du débat. Chaque personnage représente les opinions
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