Le Mariage de Figaro Lecture Linéaire exposition
Commentaire de texte : Le Mariage de Figaro Lecture Linéaire exposition. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar chrisdup • 6 Décembre 2023 • Commentaire de texte • 4 119 Mots (17 Pages) • 153 Vues
1 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 | Analyse linéaire n°5 Le Mariage de Figaro Acte I, scène 1 FIGARO, SUZANNE FIGARO. Tu prends de l'humeur contre la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements. La nuit, si Madame est incommodée, elle sonnera de son côté ; zeste, en deux pas tu es chez elle. Monseigneur veut-il quelque chose : il n'a qu'à tinter du sien ; crac, en trois sauts me voilà rendu. SUZANNE. Fort bien ! Mais quand il aura tinté le matin, pour te donner quelque bonne et longue commission, zeste, en deux pas, il est à ma porte, et crac, en trois sauts... FIGARO. Qu'entendez-vous par ces paroles ? SUZANNE. Il faudrait m'écouter tranquillement. FIGARO. Eh, qu'est-ce qu'il y a ? bon Dieu ! SUZANNE. Il y a, mon ami, que, las de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme ; c'est sur la tienne, entends-tu, qu'il a jeté ses vues, auxquelles il espère que ce logement ne nuira pas. Et c'est ce que le loyal Bazile, honnête agent de ses plaisirs, et mon noble maître à chanter, me répète chaque jour, en me donnant leçon. FIGARO. Bazile! ô mon mignon, si jamais volée de bois vert, appliquée sur une échine, a dûment redressé la moelle épinière à quelqu'un... SUZANNE. Tu croyais, bon garçon, que cette dot qu'on me donne était pour les beaux yeux de ton mérite ? FIGARO. J'avais assez fait pour l'espérer. SUZANNE. Que les gens d'esprit sont bêtes ! FIGARO. On le dit. SUZANNE. Mais c'est qu'on ne veut pas le croire. FIGARO. On a tort. SUZANNE. Apprends qu'il la destine à obtenir de moi secrètement certain quart d'heure, seul à seule, qu'un ancien droit du seigneur... Tu sais s'il était triste ! FIGARO. Je le sais tellement, que si monsieur le Comte, en se mariant, n'eût pas aboli ce droit honteux, jamais je ne t'eusse épousée dans ses domaines. SUZANNE. Eh bien, s'il l'a détruit, il s'en repent ; et c'est de ta fiancée qu'il veut le racheter en secret aujourd'hui. FIGARO, se frottant la tête. Ma tête s'amollit de surprise, et mon front fertilisé... SUZANNE. Ne le frotte donc pas ! FIGARO. Quel danger ? SUZANNE, riant. S'il y venait un petit bouton, des gens superstitieux... FIGARO. Tu ris, friponne ! Ah ! s'il y avait moyen d'attraper ce grand trompeur, de le faire donner dans un bon piège, et d'empocher son or ! SUZANNE. De l'intrigue et de l'argent, te voilà dans ta sphère. FIGARO. Ce n'est pas la honte qui me retient. SUZANNE. La crainte ? FIGARO. Ce n'est rien d'entreprendre une chose dangereuse, mais d'échapper au péril en la menant à bien : car d'entrer chez quelqu'un la nuit, de lui souffler sa femme, et d'y recevoir cent coups de fouet pour la peine, il n'est rien plus aisé ; mille sots coquins l'ont fait. Mais... (On sonne de l'intérieur.) SUZANNE. Voilà Madame éveillée ; elle m'a bien recommandé d'être la première à lui parler le matin de mes noces. FIGARO. Y a-t-il encore quelque chose là-dessous ? SUZANNE. Le berger dit que cela porte bonheur aux épouses délaissées. Adieu, mon petit Fi, Fi, Figaro ; rêve à notre affaire. FIGARO. Pour m'ouvrir l'esprit, donne un petit baiser. SUZANNE. A mon amant aujourd'hui ? Je t'en souhaite ! Et qu'en dirait demain mon mari ? FIGARO l'embrasse. SUZANNE. Eh bien ! Eh bien ! FIGARO. C'est que tu n'as pas d'idée de mon amour. SUZANNE, se défripant. Quand cesserez-vous, importun, de m'en parler du matin au soir ? FIGARO, mystérieusement. Quand je pourrai te le prouver du soir jusqu'au matin. On sonne une seconde fois. SUZANNE, de loin, les doigts unis sur sa bouche. Voilà votre baiser, monsieur ; je n'ai plus rien à vous. FIGARO court après elle. Oh ! mais ce n'est pas ainsi que vous l'avez reçu. Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1784 |
Analyse linéaire n°5, Le Mariage de Figaro, Acte I, scène 1 (extrait)
Introduction 1) Contextualisation (présentation de l’auteur, du contexte historique et de l’œuvre) (présentation de l’extrait) 2) Lecture 3) Problématique 4) Mouvements | - Beaumarchais est un dramaturge connu des Lumières qui a écrit une trilogie sur le personnage de Figaro. Dans Le Barbier de Séville, comédie représentée en 1775, il met en scène le valet Figaro venant au secours de son maître le comte Almaviva afin qu’il épouse Rosine. Neuf ans plus tard en 1784 et après des années de censure, sa pièce Le Mariage de Figaro met en scène Figaro qui entend épouser la servante Suzanne, mais le comte Almaviva la convoite et veut appliquer le droit de cuissage, ce droit féodal qui autorisait un seigneur à passer la nuit de noce avec la jeune épouse d’un serf. - Le passage que nous étudions fait partie de l’exposition. Il s’agit d’un dialogue joyeux et rythmé de comédie, entre Figaro et Suzanne préparant leur mariage. Dans les répliques qui précèdent notre extrait, Suzanne vient de refuser catégoriquement le logement offert par le comte dans le château. Elle doit s’en expliquer à Figaro et va donc lui révéler la terrible intention du comte. - À écouter, ça aide pour la lecture https://www.youtube.com/watch?v=aecJeY8eS04 - Comment cette scène d’exposition joyeuse et rythmée met-elle en place la révolte à venir des deux valets contre leur maître le comte Almaviva ? - Nous étudierons trois mouvements : tout d'abord la valeur symbolique de la chambre ou le cadeau mal intentionné du comte ; puis le désir de vengeance de Figaro qui n’interrompt pas la bonne humeur de la pièce ; et enfin la vivacité de la fin de la scène et sa signification. |
Premier mouvement : la valeur symbolique de la chambre ou le cadeau mal intentionné du comte
FIGARO. Tu prends de l'humeur contre la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements. La nuit, si Madame est incommodée, elle sonnera de son côté ; zeste, en deux pas tu es chez elle. Monseigneur veut-il quelque chose : il n'a qu'à tinter du sien ; crac, en trois sauts me voilà rendu. SUZANNE. Fort bien ! Mais quand il aura tinté le matin, pour te donner quelque bonne et longue commission, zeste, en deux pas, il est à ma porte, et crac, en trois sauts... FIGARO. Qu'entendez-vous par ces paroles ? SUZANNE. Il faudrait m'écouter tranquillement. FIGARO. Eh, qu'est-ce qu'il y a ? bon Dieu ! SUZANNE. Il y a, mon ami, que, las de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme ; c'est sur la tienne, entends-tu, qu'il a jeté ses vues, auxquelles il espère que ce logement ne nuira pas. Et c'est ce que le loyal Bazile, honnête agent de ses plaisirs, et mon noble maître à chanter, me répète chaque jour, en me donnant leçon. BILAN du 1er MVT | - Dès la première réplique, Figaro, qui ignore tout des intentions du comte, oppose à Suzanne un argument pratique en faveur de la chambre. Sa commodité provient de sa situation entre l’appartement de « Madame » et celui de « Monseigneur ». Figaro met ainsi en valeur la rapidité avec laquelle ils pourront les servir, à l’aide des onomatopées : « zeste », « crac » et des CC de manière : « en deux pas », « en trois sauts ». - La reprise par Suzanne des mots de Figaro « zeste, en deux pas », « crac, en trois sauts » produit un effet comique, cependant elle leur donne un sens nouveau qui sous-entend les intentions libertines du Comte. - Figaro, qui se trouve dans la même posture que le spectateur, lui demande des explications en la vouvoyant soudainement : « Qu'entendez-vous par ces paroles ? ». Les verbes (entendre/écouter) ainsi que l’emploi de l’adverbe « tranquillement » soulignent les précautions que prend Suzanne pour s’expliquer. La réponse de Figaro construite sur deux interjections et une phrase interrogative ( « Eh, qu'est-ce qu'il y a ? bon Dieu ! ») montre qu’elle a réussi à l’inquiéter. - La réplique de Suzanne répond alors aux attentes de la scène d’exposition. Elle s’adresse d’une part au personnage sur scène en l’interpellant « mon ami », et d’autre part, par la double-énonciation, aux spectateurs qu’elle informe. On apprend ainsi que le personnage appelé « Monseigneur » est « le comte Almaviva ». « Sa femme » est alors reconnue par le spectateur averti comme le personnage de Rosine. Puis, elle informe sur le nœud de la pièce et donc les visées du comte. L’expression « c’est sur la tienne… qu’il a jeté ses vues » annonce qu'il veut rétablir le droit de cuissage. - On comprend aussi qu'il est aidé par Bazile dont elle dresse un portrait ironique peu flatteur au moyen des antiphrases «loyal Bazile», «honnête agent» et « noble maître » ainsi que le double sens du GN : « maître à chanter » (professeur de chant/maître-chanteur). - La chambre a donc une valeur symbolique : elle représente la volonté du comte de s'immiscer dans l'intimité des domestiques. C'est le nœud de la pièce, auquel les jeunes gens sont confrontés et que Figaro entend bien résoudre. |
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