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Le jeu dans Le joueur d'échecs de Zweig

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Par   •  19 Décembre 2022  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 621 Mots (7 Pages)  •  643 Vues

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Le Joueur d’échecs, Stefan Zweig

  • nouvelle écrite entre septembre 1941 et février 1942 juste avant suicide de l’auteur
  • publiée à titre posthume en 1943

L’histoire

Sur un paquebot, le narrateur, qui, par curiosité, disputerait bien une partie contre le maître des échecs Czentovic afin de cerner sa personnalité, attire peu à peu de nombreux amateurs autour d’un échiquier, dont MacConnor, un ingénieur écossais ayant fait fortune en Californie. Ils finissent par attirer quelques secondes l’attention de Czentović qui, jaugeant d’un coup d’œil la qualité de jeu, ne fait que passer, de loin. Mais MacConnor le prie d’accepter de disputer une partie contre eux, ce qu'il accepte finalement, moyennant rétribution. Il bat bien sûr ses modestes adversaires, qui jouent en équipe contre lui, puis MacConnor accepte de le rémunérer à nouveau pour une autre partie. Au cours de la revanche, un mystérieux inconnu, Monsieur B, se porte au secours des joueurs amateurs et, doué de remarquables capacités, il leur permet d'obtenir un match nul. Là, maladroit et contrit de s’être immiscé au sein de la partie, il indique aussi qu’il n’a pas touché un échiquier depuis plus de vingt ans puis se retire, laissant un public incrédule mais dont la curiosité est attisée. On découvre qu’il est autrichien, comme le narrateur ; c’est donc ce dernier qui est chargé de le « cuisiner », en jouant auprès de lui le rôle de psychanalyste.

  • La nouvelle n’est pas divisée en parties ni en chapitres, elle est racontée d’un seul bloc
  • Nouvelle centrée autour de la psychologie des personnages, les points forts des uns viennent combler les failles des autres
  • Zweig est né en Autriche et face aux persécutions des nazis, quitte son pays pour aller en Angleterre où il sera naturalisé. Il décide ensuite de s’installer au Brésil.
  • écriture de Zweig souvent très simple, ses écrits sont courts mais dentelle psychologique comme s’il avait accompagné les personnages dans la vraie vie, il parvient à se glisser dans la peau de plein de personnages différents

  1. Les échecs comme une nécessité mais qui peut conduire à l’aliénation

        a) le jeu qui offre une revanche sociale

Le personnage de Czentovic dans la nouvelle est présenté de manière peu flatteuse. Il est né d’une famille pauvre de paysan, orphelin, élevé par le curé du village. Celui-ci tente de l’instruire, mais en pure perte puisqu’il demeure illettré, rechignant à toute activité de réflexion. Rien ne semble pouvoir le sortir d’une sorte de prostration mentale ; il est considéré par tous comme vaguement débile. C’est par hasard lors d’une partie entre le curé et un brigadier que son don pour le jeu d’échecs sera révélé. Sa progression au sein du monde des joueurs d’échecs est fulgurante puisque six mois de formation à Vienne lui suffisent pour maîtriser l’ensemble des différentes techniques.

Les échecs lui offrent alors l’opportunité de s’élever dans la société grâce à l’argent gagné en tournois. Il devient alors une personnalité publique mais demeure cependant l’ignorant qu’il était au départ.

Czentovic reste un personnage grossier et immoral, que seul l’appât du gain intéresse dans le jeu d’échecs. Il a donc un rapport uniquement professionnel avec ce jeu, doté d’une « tactique sûre », pratiquant un « jeu lent, tenace et imperturbable ».

        b) le jeu qui sauve de l’ennui et de l’ennemi

Monsieur B. est né riche, il est instruit, a un physique fin et se représente mentalement le jeu. Il joue aux échecs pour échapper à la folie du vide.

Lorsqu’il est enfermé par la Gestapo dans une chambre d’hôtel, il est confronté à l’absence totale d’interaction et de réflexion, au néant absolu, hors du monde. Il n’a rien à faire, rien à entendre, rien à voir. Alors, quand il aperçoit un livre dans la poche d’un manteau lors d’une séance d’interrogatoire, c’est la survie intellectuelle qui le pousse à le voler.

A partir de ce moment, jouer les parties d’échecs du livre lui permet de tuer le temps et de résister à ce néant. De plus, cela lui permet de ne pas craquer face aux interrogations de la Gestapo. (p80 : “sans m’en douter, je m’étais perfectionné sur l’échiquier dans la défense contre les fausses menaces…” )

        c) la folie du jeu

enfermement psychique et physique

« une même chose peut sauver et détruire »

  • “jouer aux échecs contre soi-même  = aussi paradoxal que vouloir sauter au-dessus de son ombre”

Une mémoire phénoménale doublée d’une pratique aussi intensive que possible du jeu, quitte à frôler la pathologie mentale

Schizophrenie : pp83…

  1. Les catégories du jeu de Caillois dans la nouvelle

        Les échecs dans la nouvelle de Zweig sont présentés comme un jeu mais aussi comme un moyen d’exprimer bien plus que cela, comme un art, une science voire une philosophie.

pp. 50-51 : “Mais n’est-ce pas lui faire injure déjà, que de le réduire à un jeu ? N’est-il pas aussi une science, un art, flottant entre ces catégories comme le cercueil de Mahomet entre ciel et terre, alliance unique de tous les antagonismes; très ancien et pourtant éternellement nouveau, mécanique dans son principe et pourtant inopérant sans l’imagination, limité dans l’espace par une rigoureuse géométrie et pourtant illimité en combinaisons, toujours en développement et néanmoins stérile ? C’est […] le seul jeu qui appartienne à tous les peuples et à tous les temps et dont nul ne sait quel dieu l’apporta sur terre pour tuer l’ennui, aiguiser les sens, stimuler l’âme.”

On peut retrouver dans les échecs les différentes qualifications du jeu définies par Caillois tout au long de la nouvelle.

« seul jeu qui appartient à tous les peuples et à toutes les époques »

Tout d’abord, les échecs sont présentés comme “le jeu royal”, le jeu noble par excellence, où deux stratégies se développent différemment dans la tête des joueurs, bataille tactique où l’on tente de deviner les objectifs de l’adversaire. Il s’agit d’une rivalité intellectuelle et on peut donc y voir un bon exemple d’Agôn, dominé par le ludus, loin de la paidia.

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