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Quatrevingt-treize - Hugo et Le conte de deux cités - Dickens.

Dissertation : Quatrevingt-treize - Hugo et Le conte de deux cités - Dickens.. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  25 Novembre 2016  •  Dissertation  •  4 368 Mots (18 Pages)  •  1 401 Vues

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Dissertation littérature comparée :

Quatrevingt-treize, d’Hugo et Le conte de deux cités, de Dickens.

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Depuis toujours, l’Homme et sa complexité ont attiré l’intérêt des artistes et notamment des écrivains. Au 19ème siècle, l’Europe est bouleversée par des révolutions politiques, industrielles et philosophiques, qui lui font subir un tournant sans précédent de son histoire. Elle tente alors de rétablir une quelconque stabilité, en vain. C’est dans ce contexte que deux auteurs cherchent à comprendre les fondements de leur époque, par la description littéraire de la Révolution Française, et de l’Homme dans ce qu’il a de plus grand. Le premier d’entre eux est Charles Dickens, romancier anglais profondément démocrate, qui publie, en 1859, à l’âge de 47 ans, Le conte de deux villes. Cette œuvre est rendue publique en Angleterre lors de la période victorienne, où la révolution industrielle est en marche depuis une dizaine d’années. Le second est le non moins connu Victor Hugo, revenu en France après son exil de 20 ans, renouant avec sa patrie lors de la proclamation de la 3ème République en 1870. Quatre années après celle-ci, il publie Quatrevingt-treize, qui sera sa dernière œuvre. Alors qu’il débute le premier livre de sa troisième partie « En Vendée », il proclame : « L’histoire a sa vérité, la légende a la sienne. La vérité légendaire est d’une autre nature que la vérité historique. La vérité légendaire, c’est l’invention ayant pour résultat la réalité. Du reste, l’histoire et la légende ont le même but, peindre sous l’homme momentané l’homme éternel. » (p.232). Plusieurs notions sont utilisées dans cette citation. Tout d’abord, Hugo mentionne l’histoire, qui vient du grec historia : « la connaissance par l’enquête ». Hérodote, au 5ème siècle avant J.C, théorise la vérité historique comme « l’enquête » du passé réel, permettant à l’Homme de ne pas oublier ses actes, bons ou mauvais ; la réalité découlant elle-même du latin res, « la chose ». La légende, quant à elle, provient du latin legenda, « qui doit être lu » : la vérité légendaire serait donc la connaissance pouvant être apportée par la fiction. Cette affirmation, écrite suite à un passage descriptif, soumet la démarche utilisée par les romanciers dans leur ouvrage, afin d’entreprendre leur dessein. Mais comment y insèrent-ils l’histoire et la légende, et dans quel but ? Dans notre intention de comprendre ces « moyens populaires et pittoresques » tel que l’énonce Dickens dans sa préface, nous développerons en premier lieu le concept de vérité historique comme objet de réalisme, puis celui de la fiction comme art du « mentir-vrai », et, en dernier lieu, le but recherché par ces deux procédés : présenter l’ « homme individu » en tant qu’ « Homme humanité ».

Parce que les deux œuvres sont des romans historiques, leurs auteurs respectifs optent pour des inspirations et un style réalistes.

Le roman historique prend ses marques dès le 17ème siècle par l’écriture de nouvelles telles que La Princesse de Montpensier, par Mme de la Fayette en 1662, ou encore Dom Carlos, qui est publié par Saint Réal en 1672. Ces auteurs fondent les principes du genre par la mise en place d’un cadre romanesque vraisemblable et d’une documentation essentielle au concept de vérité historique. Ayant ainsi ses origines en France, ce genre va pourtant s’affirmer sous la plume d’un écrivain écossais connu sous le nom de Walter Scott. En effet, ce dernier publie en 1814 Waverley, où il joue avec les codes du romance, alors discrédité en Angleterre, pour se démarquer de l’écriture gothique de cette période, alimentée par des auteurs tels qu’Ann Radcliffe ou Horace Walpole. Il utilise alors des procédés spécifiques comme le in media res ou les principes réalistes, qu’ils soient historiques, sociologiques, psychologiques ou physiques. On considère aujourd’hui Waverley comme l’œuvre fondatrice du roman historique, qui inspira notamment Honoré de Balzac, l’un des pères du mouvement Réaliste français. Le romancier admire d’ailleurs la figure qu’est Walter Scott lorsqu’il écrit Les Chouans en 1829. De ces deux productions nait l’ « embryon » Quatrevingt-treize. Hugo écrit dès 1823 dans un article « A propos de Walter Scott » : « Après le roman pittoresque mais prosaïque, de Walter Scott, il restera un autre roman à créer, plus beau et plus complet encore selon nous. C’est le roman à la fois drame et épopée, pittoresque mais poétique, réel mais idéal, vrai mais grand, qui enchâssera Walter Scott à Homère. ». Ainsi, dix années plus tard, il publie Notre-Dame de Paris, où il réintègre à travers un passage sa propre citation d’alors. Il y aborde des thèmes qui lui sont chers, qu’il ne cessera d’étudier à travers sa vie, terminant celle-ci par le fruit de ses années pensives : Quatrevingt-treize.

Dès son premier chapitre, ses références sont clairement définies : à l’instar de Walter Scott, il met en place un « chronotope » précis, dès les premières lignes : « Dans les derniers jours de mai 1793, un des bataillons parisiens […] fouillait le redoutable bois de la Saudraie » (p.31). Il en est en effet de même dans Waverley : « Il y a soixante ans qu’Edouard Waverley, le héros de cet ouvrage, quitta sa famille pour joindre le régiment de dragon ». Sa seconde référence immédiate est pour Balzac et ses chouans, alors qu’il met en scène une fausse embuscade par la mère Fléchard ; le premier chapitre du roman balzacien se nomme effectivement « L’embuscade », et plante aussi le cadre spatio-temportel rapidement.

Tout comme le réaliste, il y décrit des personnages anonymes sans grande importance pour l’Histoire, qui, s’ils ne sont pas illustres, sont au moins l’égal des grandes figures révolutionnaires telles que Robespierre, Marat ou Danton, par leurs actions en cette année 1793. Michelle Fléchard, qui sera épique à la fin du roman, semble ici insignifiante dans son état dépassé, presque bestial : « Elle était maigre, jeune, pâle, en haillons ; […] Elle laissait voir son sein nu avec une indifférence de femelle. » (p.35).

On remarque aussi l’ouverture in media res, confirmant l’ambition d’Hugo d’écrire un roman historique.

Il profite aussi notamment de la technique de la mimésis, ou « effet de réel », pour introduire le résultat de sa documentation et plusieurs faits historique : « C’était l’époque où, après l’Argonne, Jemmapes et Valmy, du premier bataillon de Paris, qui était de six cents volontaires, il restait vingt-sept hommes, du deuxième trente-trois, et du troisième cinquante-sept. » (p.31). Cependant, la mimésis inclut aussi la description : lorsque Balzac dresse un tableau détaillé des tenues portées par les paysans, Hugo ne s’attarde pas et préfère peindre une nature environnante, contrastante avec les évènements qui s’y déroulent : « Les oiseaux gazouillaient au-dessus des baïonnettes. » (p.32). Il s’écarte déjà du réalisme balzacien pour le mettre au service de ses idées.

Dickens, lui, n’a évidemment pas le même style qu’Hugo, ni les mêmes références. En effet, le romancier anglais ne cherche en rien à suivre les codes du roman historique, et se permet même de jouer avec eux.

On ne retrouve que très peu de marqueurs historiques dans son premier chapitre intitulé « L’époque », et le in media res permettant un « chronotope » précis en début de lecture est absent : seule une description générale permettra de poser le cadre spatio-temporel cher au genre, mais n’évoquera en rien les évènements de cette période, qui sont remplacés par une ironie critique des monarchies de l’année 1775 : « Dans les deux pays, il était clair comme eau de roche pour les grands maîtres des viviers et des greniers royaux, que l’ordre des choses était réglé à tout jamais. » (p.25). Dickens va encore plus loin et nous propose dans ses premières lignes une vision grotesque et antithétique de ce siècle par une écriture stéréotypée : « C’était le meilleur et le pire des temps, le siècle de la sagesse et de la folie, l’ère de la foi et de l’incrédulité, la saison de la lumière et des ténèbres, le printemps de l’espérance et l’hiver du désespoir » (p.25). L’ironie et les anecdotes futiles prennent ainsi beaucoup de place dans le premier chapitre et supplantent l’historiographie.

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