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Qui n'a pas commencé à imiter ne sera jamais original

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Par   •  4 Mars 2022  •  Dissertation  •  3 466 Mots (14 Pages)  •  876 Vues

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« Jamais l'imitation n'a rien créé » disait Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, en effet, on a tendance à penser que l’imitation n’est que plagiat et copie, mais comme il le dit, elle peut être à l’origine de création ou d’invention. La psychologie définit l’imitation comme la reproduction du comportement d’un modèle observé. Finalement, elle peut être vue comme un mécanisme d’apprentissage des nouvelles conduites. Dans le domaine de la littérature, il n’est pas rare que les écrivains aient des modèles ou des références, ainsi ils imitent la nature, des écrivains, des œuvres ou encore la réalité. Selon Théophile Gautier, « qui n’a pas commencé par imiter ne sera jamais original », l’imitation serait alors un passage obligatoire pour accéder à l’originalité. Au premier abord l’originalité et l’imitation apparaissent comme opposés, d’un point de vue juridique elle est jugée selon l’expression et la composition de l’œuvre. Généralement, l’originalité est définie comme ce qui est singulier, personnel, nouveau ou particulier, dans le domaine de l’art elle est une valeur supérieure qui suscite l’intérêt de tous les artistes dont les écrivains. Une œuvre originale, c’est une œuvre qui se distingue par son style, son genre, sa structure ou encore les sujets dont elle traite. A priori, il n’est donc pas possible d’imiter et d’être original à la fois, ce que conteste Théophile Gautier. Ainsi, on peut se demander si l’imitation est un passage nécessaire pour être original ou si au contraire elle est un frein à l’originalité. Nous verrons dans un premier qu’elle apparaît comme un procédée nécessaire pour accéder à l’originalité. Après avoir vu que l’imitation peut nuire à l’originalité de l’œuvre, à l’auteur et à la littérature, nous mettrons en évidence que l’imitation est en fait une réinvention constante et qu’elle peut être à l’origine de l’originalité absolue.

L’imitation permet d’accéder à l’originalité, en effet l’auteur imite pour s’inspirer de la nature, d’œuvre ou encore de la réalité. L’imitation est un aussi un moyen pour s’améliorer et pour apprendre de ses erreurs. Elle intervient aussi dans la construction du caractère de l’auteur puisqu’elle lui permet de devenir soi.

L’originalité pure, absolue est une utopie, l’éducation, les lectures, l’époque de l’écrivain l’influencent, l’inspirent d’une quelconque manière. L’auteur ne peut se passer de puiser dans le monde qui l’entoure. La redécouverte des textes de l’antiquité et surtout des textes grecs ont été comme des tremplins pour de nombreux auteurs lors du XVI -ème siècle. Les œuvres antiques ont été comme une source de renouveau et d’originalité, le processus d’imitation des textes antiques étaient vus comme une innutrition soit la fréquentation, l’absorption, la digestion et les imitations des œuvres des Anciens. Ronsard utilisera l’innutrition pour écrire ses poèmes. Aucun artiste est sorti indemne de la lecture d’une œuvre. La période classique est particulière puisque tous les écrivains s’inspiraient d’auteurs classiques, cela était comme une obligation. Jean De La Fontaine dira « On s’égare en voulant tenir d'autres chemins », cela montre que les auteurs antiques étaient des modèles à suivre et qu’ils montraient le chemin à suivre. Racine est l’auteur qui a amené la tragédie à son accomplissement, il sera l’un des auteurs principaux de tragédies et accèdera au succès de par son originalité, la profondeur des personnages, la richesse de la versification, dans la construction tragique et la musicalité de ses pièces. Racine a toujours assumé le fait qu’il s’est inspiré, il dira dans la Préface de Phèdre « Voici encore une tragédie dont le sujet est pris dans Euripide. ». Racine a suivi de près Sénèque et Euripide lors de l’écriture de Phèdre. Dans la pièce de Sénèque comme dans celle de Racine, Phèdre avoue de la même manière son amour à Hippolyte en lui parlant de Thésée jeune. Les vers de Racine sont très similaires à ceux de Sénèque. Mais dans le passage où est rapporté la mort d’Hippolyte, Racine se distingue de Sénèque, car l’atmosphère est devenue pesante et fait penser à une procession funéraire. Racine sait doser son imitation et adapté son modèle à son époque et à son style. Racine a imité Sénèque et Euripide, mais le terme d’inspiration est plus approprié. Racine a imité pour s’inspirer, cela le conduira au succès et à l’originalité. L’imitation est un moyen de se distinguer et d’être original.

Imiter est aussi un moyen d’apprendre et d’améliorer son style d’écriture, en effet lire des œuvres est un moyen d’enrichir sa culture et d’approfondir son apprentissage. Il ne s’agit pas d’imiter pour faire une pâle copie de l’auteur, mais de s’inspirer de sa technique, de son style pour en tirer le meilleur. Les vertus éducatives des œuvres littéraires sont incontestables. L’imitation est loin d’être une pratique littéraire simple, en effet elle nécessite des capacités d’analyse et de compréhension particulières. L’imitation est un moyen de corriger ses œuvres, de les perfectionner et d’ainsi s’améliorer. Par exemple Théodore de Banville s’inspira de nombreux auteurs, mais aussi de sculpteur tel que Daumier, ainsi il intégrera les techniques de la caricature dans la poésie. De la même manière, l’écrivain lira et s’inspirera des rythmes poétiques de Ronsard. Théodore de Banville trouve son inspiration partout, il prend exemple et imite des poètes de la Pléiade comme des chansons populaires. Son art poétique redynamise la poésie, l’imitation peut être à l’origine de création, d’amélioration et de renouveau. L’écrivain se distinguera grâce à sa gaité et à sa maitrise brillante de la versification comme Trente-six balades joyeuses. Théodore De Banville deviendra un homme influent dans le domaine de la littérature et inspirera toute une génération de nouveaux poètes, même s’il a été beaucoup critiqué. Dans ce cas-là et dans plein d’autre, l’imitation a permis l’émergence de vraie virtuose dont l’originalité est devenue incontestable. La pastiche comme le dit Proust nous apprend à écrire nous-même, l’imitation est source d’apprentissage. La majorité a tendance à croire que l’imitation ne peut être source de création et d’originalité, elle intervient indirectement comme directement dans ces processus tant recherchés par les écrivains. L’imitation avec ses valeurs pédagogiques fait de l’œuvre littéraire quelque chose de dynamique, de fluctuant qui peut être transformée, aménagée ou corrigée.

L’imitation s’est aussi la mutualisation intellectuelle de deux auteurs, l’un peut tirer le meilleur comme le pire de l’autre. Elle est finalement la rencontre entre deux esprits, deux styles et deux façons de faire et de penser. Plus qu’intellectuelle cette mutualisation est aussi esthétique et littéraire, cela intervient dans la construction du caractère et du style de l’auteur. Tout écrivain s’est inspiré en lisant des œuvres par exemple, ces écrits font partie de lui et le façonne au fur et à mesure que son art mûrit. C’est grâce à des modèles que l’écrivain devient soi, apprend à se connaître. L’éducation que l’écrivain reçoit est aussi déterminante, Rousseau dans Les Confessions affirme que la lecture d'œuvre classique l’a influencé dans sa manière d’écrire et de concevoir les choses. L’imitation est dans certain cas un moyen de renouer avec son enfance et avec ce avec quoi on a été confronté étant plus jeune. Giraudoux a imité Plaute au moment d’écrire Amphitryon 38, malgré quelques modifications concernant l’intrigue, le déroulement de l’histoire est similaire. Giraudoux a fait d’Amphitryon un personnage qui se rebelle malgré la puissance avérée de Jupiter. L’écrivain du XX -ème siècle a réussi à faire d’Amphitryon, une pièce classique grecque, une pièce originale et moderne dans laquelle la condition humaine est critiquée. C’est en imitant une pièce de Plaute que Giraudoux accède à l’originalité, mais il a été avéré dans l’histoire que l’imitation peut freiner l’originalité voir lui nuire. Cette mutualisation intellectuelle induit l’idée que l’écrivain qui s’est inspiré gardera une trace de cette lecture, son style d’écriture, son univers et sa façon de retranscrire une histoire seront influencés. L’influence et l’imitation sont des notions liées, mais on peut totalement imiter sans être influencé. L’imitation est un moyen pour l’écrivain de choisir ce qui lui plait, de l’adapter à lui, de nourrir son écriture et d’affirmer son style comme une marque identitaire, une signature. Il faut en fait imiter pour rompre avec l’imitation plus tard, l’imitation est un guide, un tuteur qui mène vers la liberté d’écrire, vers l’originalité. L’imitation peut être consciente et inconsciente et ainsi demeurer un frein pour l’originalité et la création.

L’imitation peut cependant apparaître comme une limite, un danger pour l’originalité de l’œuvre, pour l’auteur et pour la littérature. Nous verrons donc un premier que l’auteur perd son originalité, sa singularité, car il est influencé par ce qu’il imite. Ensuite, si les règles n’étaient pas transgressées et si les modèles étaient constamment imités, la littérature n’évoluerait pas.  

L’auteur en étant influencé et en imitant perd sa singularité et son authenticité. Imiter des écrivains, s’en inspirer en les lisant oriente la façon d’écrire, de percevoir le monde et de penser. L’imitation apparaît ici comme un voile entre l’auteur et son vrai soi, on pourrait dire que l’imitation dépossède l’auteur de sa vraie façon d’écrire et de voir les choses. L’imitation modèle l’auteur, le forme mais dans le même temps, elle lui impose un style qui n’est fondamentalement pas le sien. Finalement, il imite l’originalité d’un autre et empêche la sienne de s’exprimer, l’œuvre n’est donc plus authentique et personnelle puisqu’il existe en en elle la trace d’un autre. On pourrait se demander si c’est l’écrivain qui parle ou celui qui a écrit l’œuvre qu’il imite. Imiter dans tous les cas, contraint l’auteur à se limiter dans l’expression de sa propre personne et de sa pensée. L’imitation impose un cadre, les codes et les manières de faire de l’auteur qu’on imite, logiquement l’écrivain est influencé et limité par ses différents facteurs. Par exemple, dans la période classique l’imitation était prônée. Cependant, elle devait se faire en fonction de certaines règles telles que la bienséance, les trois unités ou encore la vraisemblance, en plus des codes et du style imposés par l’auteur. Par exemple Montaigne dans Les Essais emprunte de nombreuses fois des citations, des arguments aux auteurs antiques. On peut donc se demander si la pensée de Montaigne n’est pas totalement influencée par celle des auteurs antiques et si c’est vraiment la sienne. A cela s’ajoute le fait qu’il ne cite pas, ni ne précise la source de ses citations. Cela permet à Montaigne d’attirer l’attention du lecteur sur le contenue et pas sur la source de cette citation, mais dans le même temps cela montre l’influence des auteurs antiques sur l’auteur et le fait qu’il ne peut s’en détacher dans ses propres œuvres. Ainsi l’imitation apparaît dans certains cas comme un moule auquel l’auteur doit se conformer.

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