Rêve et ambition

Corpus « Rêve et ambition »

La faculté de rêver, d’imaginer est inhérente à la nature humaine. Emile Zola, dans le roman Au bonheur des dames, 1883, pose un regard critique et sévère sur le rêve, sur l’intérêt de rêver. Près d’un siècle plus tard, en 1960, le chanteur Charles Aznavour partage, dans la chanson Je me voyais déjà, ses rêves de jeune provincial naïf, ingénu et enjoué puis ses désillusions. En 1984, le groupe « Téléphone », dans Un autre monde, chante ses espoirs et sa vision du rêve. Au XXI° siècle, en 2008, Paul Valadier décrit l’ambiguïté qui entoure la notion de l’ambition, assimilée au rêve, dans Réhabiliter l’ambition. En quoi rêver, faculté consubstantielle de l’homme, peut être souvent néfaste pour l’accomplissement personnel ? Nous étudierons l’origine et l’objet de nos rêves, puis nous verrons en quoi le rêve est un leurre bien souvent cruel, destructeur et aliénant. Enfin nous nous intéresserons à l’évolution de la notion du rêve entre le XIX° s et le XXI° s.

Le rêve ne participe pas à notre accomplissement personnel car il nous est bien souvent inculqué par la société et il ne nous est guère propre. Paul Valadier énonce clairement que les rêves ambitieux, que chacun porte en soi, résultent de notre conditionnement par la société. Dès notre plus jeune âge, nous sommes élevés dans un environnement compétitif où la réussite prime, déplore Paul Valadier. La recherche de gain, de profit, de réussite selon les codes de la société, nous sont imposés. Emile Zola critique avec véhémence les prémices du dogme de la société consumériste. Il emploie le mot « bétail » pour désigner cette foule de dames se précipitant dans le magasin d’Octave Mouret. Emile Zola met en lumière que les désirs matérialistes largement répandus, propagés et acceptés, abaissent l’esprit, et ne participent en rien à la construction du bonheur. De plus, l’écrivain soutient que les rêves rendent manipulables. Quant au groupe «Téléphone », il adresse un autre reproche aux rêves : celui d’être bien souvent futiles. Les rêves contreviennent à notre épanouissement dans la mesure où ils nous enferment dans la passivité et l’immobilité. Charles Aznavour souligne dans Je me voyais déjà que les rêves de richesse, de réussite et de succès sont non seulement les signes de notre prétention mais encore de notre naïveté. Les rêves ne permettent pas notre épanouissement car trop restreints à des rêves matérialistes par la société.

Rêver ne participe pas à l’accomplissement personnel non seulement car l’aptitude à rêver est conditionnée par la société qui étouffe les désirs profonds, mais encore car la faculté de rêver constitue bien souvent un leurre, une tromperie, une duperie.

En effet, Charles Aznavour chante ses espoirs candides de réussite facile, d’ascension rapide et de succès fulgurant mais surtout sa déception amère, ses désillusions et le retour cruel à la réalité. A trop rêver, le rêveur déchante vite. Le chanteur prévient que leurre et rêve sont intrinsèquement liés. Charles Aznavour insiste sur la peine et la douleur provoquées par nos désillusions. Le rêve peut être destructeur. Le groupe « Téléphone » ajoute à cette dimension que la velléité de l’homme est le ferment des désillusions : les rêves restent trop souvent au stade d’intention, sources alors inévitables de déceptions. Paul Valadier partage cette idée que les rêves peuvent être nocifs, dans la mesure où l’ambition dévorante qui les porte, prive l’homme de son discernement et de sa lucidité.