Sensation, Rimbaud
Fiche : Sensation, Rimbaud. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar raniabkr • 13 Avril 2024 • Fiche • 1 256 Mots (6 Pages) • 335 Vues
Séquence 3 - Séance 6
LL n°12 – Le poème « Sensation » Arthur Rimbaud, Cahiers de Douai, 1870
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
5 Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme, Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme.
Mars 1870
Introduction
Le romantisme devient au XIXe siècle un courant culturel européen majeur. Il influence, de fait, la jeune génération de cette époque à laquelle appartient Arthur Rimbaud. C’est ce que nous retrouvons dans le poème « Sensation », écrit en 1870 quand le poète n’a que 15 ans. « Sensation » est un court poème formé de deux quatrains en rimes croisées et en alexandrins. Dans ce poème lyrique, Rimbaud manifeste son besoin de fugue, de liberté et expose le bien-être qu’il ressent grâce à la Nature. Il montre l’union entre l’Homme, ses sens et le monde. Nous nous demanderons ainsi comment la célébration de la Nature permet au poète de rêver d’extase et de liberté. Nous avons pu dégager deux mouvements dans ce poème : le premier quatrain montre le début de la fugue et l’épanouissement physique du poète tandis que le second quatrain s’attarde sur son extase émotionnelle.
Enjeux : liberté ; bien-être ; union entre le poète et la Nature.
- Plénitude physique : le début de la fugue et l’épanouissement physique (v.1 à 4)
- Le poème s’ouvre sur un complément circonstanciel de lieu « Par les soirs bleus d’été ». Paradoxalement, la fin de la journée, le soir, ouvre le début d’une nouvelle aventure, comme le symbole d’un renoncement : abandonner ce que le poète était pour devenir autre. Une idée qu’on retrouve dans la symbolique mythologique : la déesse Diane, représentée parfois par le soir et la nuit incarne le passage d’un monde à un autre.
La quête du poète débute ainsi dans un cadre apaisant et doux : les mots « bleus » et « été » ont ici une connotation positive. C’est la beauté de la Nature qui conduit le poète à débuter sa quête, on devine dès le début qu’elle aura de l’importance à ses yeux.
- Dans la suite du premier vers, le « je » poétique fait son apparition. Le poème apparaît donc comme autobiographique.
L’emploi d’un verbe de déplacement au futur « j’irai » montre la nécessité d’une quête qu’il n’a pas encore menée. Toutes les sensations qu’il évoquera dans le poème ne sont pas encore vécues par le poète : la Nature représente donc un idéal de bonheur, un espoir de plénitude.
- Le vers suivant instaure une complémentarité entre le poète et la Nature. Le contraste entre le participe passé et l’infinitif montre que le poète agit sur la Nature (« fouler ») mais s’abandonne aussi à elle (« picoté »).
Le lexique des sensations, notamment le toucher, devient omniprésent jusqu’à la fin de la strophe :
« picoté » v.2, « fouler » v.2, « sentirai » v.3, « baigner » v.4. Le poète veut communier avec la Nature.
- Avec l’adjectif « rêveur » placé en début du vers 3, le poète est confiant et peut se plonger dans un état de contemplation. Le bien-être physique lui permet de s’évader aussi psychiquement, d’échapper à la réalité. La Nature est ainsi perçue comme un refuge, une bulle protectrice.
- La première personne devient de plus en plus passive : de « j’irai » v.1, on passe à « je laisserai »
v.4. Le poète se donne à une Nature qui l’apaise. C’est pour cela qu’il se trouve « baigner » par le vent : en devenant passif, il laisse la Nature le submerger, l’envelopper pour faire un avec elle.
On retrouve en ce quatrième vers la complémentarité entre Nature et poète : la fragilité du poète fait écho à la délicatesse de la Nature (on trouve à la rime les expressions « herbe menue » v.2 et « tête nue » v.4). Pour communier avec la Nature, le poète s’expose entièrement, sans artifices.
Bilan : A la fin du vers 4, nous constatons que la première strophe est traversée par une assonance en [é]. Un son harmonieux omniprésent qui, en marquant une régularité, montre l’équilibre du rapport poète / Nature.
Transition : Dans cette première partie, nous avons vu que le poète espère renouer avec la Nature et le bonheur par la fugue et la liberté. Un souhait qui semble s’intensifier dans le second mouvement.
- Plénitude spirituelle : une extase émotionnelle (v.5 à 8)
- La recherche de plénitude du poète semble passer par un détachement de la conscience humaine. En renonçant à la pensée et au langage par les deux négations du v.5, le poète s’immerge dans un espace hors de la conscience. Il renonce à la réflexion et ne s’épanouit que par le biais des sensations physiques. Il semble atteindre une forme d’extase (être transporté hors de soi et du monde sensible).
- Le poète précise toutefois que cet état d’extase ne correspond pas à un vide puisqu’il l’emplit d’un sentiment positif « l’amour ». Par l’emploi des deux points, on comprend que la sensation d’amour est la conséquence du renoncement intellectuel, comme une condition sine qua non.
Le verbe « monter » suggère une idée d’élévation, notion également positive qui sous-entend que le poète s’accomplit, gagne quelque chose de nouveau.
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