Synthèses séquence Manon Lescaut
Commentaire de texte : Synthèses séquence Manon Lescaut. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar deborah25 • 23 Juin 2024 • Commentaire de texte • 11 157 Mots (45 Pages) • 145 Vues
Synthèses Séquence Manon Lescaut.
Extrait 1. La rencontre.
En 1731, l’Abbé Prévost publie son roman Manon Lescaut sous le titre Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut. À l’origine, ce récit constitue le septième chapitre d’un roman-mémoires, Mémoires d’un homme de condition dont le narrateur est un certain comte de Renoncour. Assez rapidement, l’Abbé Prévost décide de publier ce récit isolément. Une des caractéristiques de ce roman est que le véritable incipit est retardé dans le sens où les premières pages du livre permettent au comte de Renoncour de céder la place de narrateur au Chevalier des Grieux. Dès lors, celui-ci commence son récit en évoquant sa première rencontre avec celle qui deviendra sa compagne, Manon Lescaut. Comment ce début de récit, tout en possédant les caractéristiques du topos de la rencontre amoureuse est-il annonciateur de suite du récit ? Dans un premier temps, de « J’avais marqué le temps… » à « …la curiosité », le narrateur expose le contexte de la rencontre. Ensuite, de « Il en sortit quelques femmes… » à « …la maîtresse de mon cœur », des Grieux évoque l’apparition de Manon. Puis, de « Quoiq’elle fût encore… » à « …ses malheurs et les miens », il relate les premières paroles échangées. Enfin, de « Je combattis… » à « …nul moyen de l’éviter », des Grieux clôt cette introduction par une annonce programmatique et explicite de la suite de l’histoire.
Dans un premier temps, des Grieux expose le contexte de la rencontre qu’il vit avec Manon. Il en donne une indication précise teintée de lyrisme. Après une année d’études studieuses en philosophie, comme il l’a révélé quelques lignes avant l’extrait, des Grieux est au commencement de ses vacances et envisage le retour à la maison familiale : « J’avais marqué le temps de mon départ d’Amiens ». Or, ce qui aurait pu être source de joie est montré rétrospectivement comme cause d’une lamentation comme l’atteste l’interjection « Hélas ! ». Cette lamentation est aussi teintée de regret. L’exclamative « que ne le marquais-je un jour plus tôt » qui a presque des accents de question rhétorique le souligne tout comme l’emploi du conditionnel passé dans la fin de la phrase : « j’aurais porté chez mon père toute mon innocence ». Le groupe nominal « toute mon innocence » laisse deviner au lecteur l’idée d’une faute grave, ce qui ne manque pas de susciter son intérêt.
Toutefois, le narrateur n’apporte pas davantage de précision sur cette faute éventuelle, et revient au cadre spatio-temporel. Des compléments circonstanciels le précisent : « La veille même de celui que je devais quitter cette ville », « jusqu’à l’hôtellerie où ces voitures descendent ». Les éléments constituent ainsi des informations attendues au sein d’un début de récit. Le propos de des Grieux prend d’ailleurs ici l’allure d’un incipit traditionnel.
Enfin, toujours dans cette perspective d’un incipit, le narrateur précise les personnages et le début du schéma narratif. Récit autobiographique, Le propos de des Grieux le met bien évidemment en scène à travers le recours au pronom personnel de la 1ère personne du singulier. En outre, il souligne la présence à ses côtés d’un personnage qui, d’ailleurs, aura un rôle important dans la suite du roman : « étant à me promener avec mon ami, qui s’appelait Tiberge ». La proposition subordonnée participiale « étant à me promener » constitue la situation initiale alors que la proposition principale « nous vîmes arriver le coche d’Arras » constitue l’élément perturbateur. Enfin, à cette principale s’ajoute une proposition coordonnée (« et nous le suivîmes ») qui correspond à la première péripétie. La conjonction de coordination a ici une valeur consécutive même si la dernière phrase du mouvement vient quelque peu minorer l’événement avec le recours à la négation restrictive : « Nous n’avions pour d’autre motif que la curiosité ».
Le cadre étant ainsi posé, le narrateur évoque ensuite l’apparition de Manon, l’héroïne éponyme.
L’entrée en scène de Manon vise à souligner sa singularité. En effet, ce n’est pas elle qui est d’abord évoquée mais ces compagnes de voyage : « Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt ». La brièveté de la phrase permet ainsi à l’auteur de poursuivre avec une période plus longue qui, par contraste, va s’attarder sur un autre personnage ? La conjonction de coordination « Mais » renforce cette opposition. La description qui en est faite l’isole encore : « il en resta une, fort jeune, qui s’arrêta seule dans la cour ». Si elle a un compagnon à ses côtés, le narrateur précise assez vite ce qu’il peut être pour la jeune personne : « pendant qu’un homme d’un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur s’empressait pour faire tirer son équipage de paniers ». Ainsi, les expansions du nom qui caractérisent l’homme n’en font pas un rival potentiel pour le narrateur et permettent de deviner que la jeune fille est d’une certaine condition. De fait, les premiers mécanismes de la scène de rencontre amoureuse, topos littéraire, sont mis en avant.
De plus, le narrateur continue son propos en évoquant les effets que produisent sur lui les premiers instants de la rencontre. Le jeu des pronoms personnels est significatif. C’est Manon qui est sujet du premier verbe de la troisième phrase du mouvement : « Elle me parut ». Toutefois la structure construite à partir de l’adverbe d’intensité « si » devant l’adjectif qualificatif « charmante » introduit des conséquences qui s’impose au narrateur. Celui-ci se met en exergue avec la tournure emphatique constituée du pronom personnel « moi », repris et renforcé par l’incise « dis-je » et suivi de propositions subordonnées relatives coordonnées (« qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention » / « dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue ». La succession de propositions subordonnées relatives permet de retarder l’énoncé de la proposition principale qui traduit le coup de foudre : « je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’au transport ». La locution adverbiale « tout d’un coup » et le sens hyperbolique du groupe adjectival « enflammé […] jusqu’au transport attestent bien du coup de foudre autre élément du topos littéraire de la scène de rencontre amoureuse.
La dernière phrase du mouvement achève de souligner l’évolution du narrateur. Dans un premier temps, il se présente comme quelqu’un de timoré : « J’avais le défaut d’être excessivement timide et facile à déconcerter ». Là encore, la conjonction de coordination a une valeur consécutive le groupe adjectival « facile à déconcerter » pouvant être vu comme une conséquence de l’adverbe « excessivement ». La suite de la phrase met en lumière le changement opéré chez le narrateur par la rencontre avec Manon. C’est la conjonction de coordination « mais » qui le souligne. Toutefois, le choix des mots vient signifier le pouvoir exercer par Manon et ses charmes sur le chevalier des Grieux : « loin d’être arrêté alors par cette faiblesse, je m’avançais vers la maîtresse de mon cœur ». Le verbe « je m’avançai » traduit une forme d’audace mais c’est aussi le signe d’une soumission dans la mesure où le lieu de destination est dominé par le groupe nominal « maîtresse de mon cœur ».
Après avoir relaté l’apparition de l’être aimé, le narrateur obéit à un autre élément du topos littéraire de la rencontre amoureuse, en l’occurrence, l’échange des premières paroles.
Assez rapidement, le narrateur révèle des informations importantes sur la jeune femme. Il ne s’embarrasse pas à relater les salutations échangées et les résume en quelques mots, prenant soin de souligner le côté peu farouche de la jeune personne : « Quoiqu’elle fût moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée ». Dès les premiers mots, Manon est présentée comme quelqu’un de bien moins timide que le narrateur. Il rapporte ensuite les autres paroles au discours indirect : « Je lui demandai ce qui l’amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance ». De fait, le dialogue s’engage assez rapidement sur les attaches de la jeune fille. Des Grieux idéalise quelque peu la scène pour en donner une image plutôt innocente comme le suggère l’emploi de l’adverbe « ingénument ». La jeune fille paraît donc être une personne de qualité et moralement irréprochable. Le narrateur la présente aussi comme obéissante à ses parents : « Elle me répondit ingénument qu’elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse ». La tournure passive souligne que, comme bien souvent, à l’époque, la jeune demoiselle n’est pas libre de ses choix. En ce sens, l’Abbé Prévost glisse une touche de réalisme à la scène.
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