Commentaire composé d'un extrait du roman Tristan et Iseult

Grand philologue romaniste français et spécialiste de la littérature médiévale, Joseph Bédier reprend Le Roman de Tristan et Iseut, publié à la fin du XIXe siècle.

Le récit atteint un grand succès et de nombreuses rééditions sont suscitées. Contrairement aux divers auteurs, ne disposant que de quelques bouts de la légende, Bédier parvient à se différencier des diverses versions. Il reconstitue le roman à partir des différents fragments de manuscrits retrouvés, principalement ceux de Béroul et Thomas, deux trouvères, qui font l'objet des deux plus grands extraits que l'on a retrouvé. Ainsi, il recréé l'histoire dans sa totalité.

L'extrait concerné évoque les thèmes de l'amour-passion et de la souffrance. Il décrit le moment où Tristan et Iseut boivent le philtre de l'amour et de la mort par erreur lorsqu'ils se trouvent sur la nef et qu'ils tombent éperdument amoureux l'un de l'autre.

Afin de démontrer que cet extrait fait partie du registre tragique, nous analyserons dans un premier temps, le premier axe qui traite principalement le malheur, puis nous étudierons le deuxième axe qui va nous montrer que les deux amants vivent un amour impossible.

Cet extrait évoque le début du désastre dans la vie de Tristan et Iseut provoqué par le philtre, ce qui nous amène donc au malheur des deux amants.

Dans un premier lieu, on éprouve leur chagrin à travers un émoi de désespoir. Iseut souffre car elle aimerait haïr Tristan et non l'aimer. Suite à ça, elle ressent une frustration à l'égard de ses sentiments irrépressibles. En effet, Iseut extériorise sa désespérance en s'exprimant face à Tristan à l'aide d'interjections telles que « Ah » (p.38, l.24 et 31) ainsi que « Hélas » (p.38, l. 27). Par ailleurs, le narrateur utilise également une métaphore : « des larmes éteignirent le rayon de ses yeux » (p.38, l.35). Entre autre, une image faisant référence à la tristesse qui met fin à la joie.

Joseph Bédier va même toucher au registre pathétique en utilisant l'hyperbole : « la face trempée de larmes » (p.39, l.43). Elle permet au narrateur d'insister sur l'effet de désespoir et de tristesse.

Deuxièmement, le philtre nous renvoie à la présence du malheur parce qu'il est synonyme de fatalité. Par ailleurs, la fatalité est illustrée par une antithèse entre « l'amour et la mort » (p.39, l.12). Cette opposition résume bien l'amour charnel des deux amants qui les mènera inévitablement à la mort. Cependant, le philtre symbolise aussi la révélation ainsi que la tragédie parce que lorsqu'ils boivent cette potion, Tristan et Iseut tombent immédiatement amoureux l'un de l'autre. De plus, comme le philtre a été donné à la mauvaise personne, il symbolise la malédiction, donc indirectement la tragédie. En effet, on retrouve une allitération en « r » : « Deux jours elle les épia, (...) l'horreur du premier aveu. » (p.37, l.7 – p.38, l.2). Cette allitération crée un effet de dureté, entre autre, par rapport à leur difficulté à gérer cet amour incontrôlable qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. Finalement, on repère le champs lexical de la mort, composé des mots suivants : cruellement (p.37, l.29), horreur (p.38, l.1), périr (l.15), tueur (l.15), Ennemi (p.39, l.8), châtiment (l.10), crime (l.11), maudite (l.12), mort (l.15)

Ainsi, nous avons vu que le registre tragique se caractérise par la présence du malheur ainsi que la fatalité des deux amants. Néanmoins, il serait aussi intéressant d'analyser la problématique sous un angle différent : celui de l'amour impossible entre les deux amants.

La raison pour laquelle l'amour impossible entre Tristan et Iseut fait également partie du registre tragique, est due, tout d'abord, au fait que leur relation dépasse le cadre de l'amour courtois.

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