Détour

e par les mots : on ne parle que très rarement de certaines maladies de façon directe : longue maladie est une façon pudique de dire cancer. De même, on parle de quelqu’un qui nous a quittés et non de quelqu’un de mort ; on peut dire aussi : triste nouvelle. Depuis une vingtaine d’années, les gouvernements successifs nous ont demandé de changer notre regard et notre façon de classer les personnes handicapées : un aveugle est devenu un non voyant ; un sourd, un malentendant un paralysé, un poly‐handicapé etc. Les personnes accomplissant un travail peu valorisé ont vu changer la dénomination de leur métier : le balayeur devient le technicien de surface, la caissière est devenue hôtesse de caisse etc. 1

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Certains départements qui avaient des noms où apparaissaient des mots considérés comme gênants ont été débaptisés : la Seine Inférieure est devenue Seine Maritime, les Basses‐ Alpes sont devenues Alpes de Haute Provence et les Côtes du Nord se nomment actuellement Côtes d’Armor. La place de l’humour. Certains sujets difficiles à aborder sont détournés par des artistes en tous genres, contournés par le biais de l’humour. Pensons à Edmond Rostand qui, en 1897 dans Cyrano de Bergerac, se moque de son nez en utilisant comparaisons, métaphores, exagérations humoristiques. On le trouve parfois de mauvais goût mais il permet de dire des choses qu’on n’aurait pas pu ou pas osé aborder. Faire de l’humour c’est se permettre de dire des choses… Parfois des publicités, pour montrer les dangers de la cigarette ou autre produit dangereux, abordent humoristiquement le thème, afin que ce chemin détourné touche les esprits de façon plus forte. Les non‐dits. Les gestes remplacent parfois les paroles : un bouquet de fleurs offert à telle ou telle personne est un discours à lui tout seul ; c’est un détour que l’on utilise pour dire… sans dire…. Des mouvements de bras, des plissements d’yeux….la psychologie a même mis en place des décodages de gestes afin de faciliter leur interprétation. Il y peut y avoir gestes sans paroles,… façon détournée de parler… Un regard peut aussi être une façon de donner à voir sans dire. Le détour en politique Le « politiquement correct » est de mise et des lois ont été votées qui rendent illégal de dire du mal de tel ou tel groupe ou personne….à tel point que l’on doit faire attention à chaque mot utilisé pour être sûr de ne pas être « hors la loi ». Ceux qui désirent stigmatiser, doivent donc contourner l’interdit. Que fait la diplomatie ? Elle use de stratagèmes en général verbaux pour régler certains conflits, éviter des heurts, voire des guerres. Ce sont des détours mis en place par les ambassadeurs pour dire sans choquer ou contourner les obstacles. Dans les guerres napoléoniennes, on sait que l’empereur et ses généraux bâtissaient des stratégies diverses pour faire croire qu’ils recherchaient sur le terrain un but, alors qu’en fait, ils en désiraient un autre. Quand on veut comprendre une situation politique ou économique, on ne peut se contenter d’aller voir directement les données d’un problème ; il faut faire des détours, rechercher la situation plusieurs dizaines d’années en arrière pour comprendre le vécu, puis chercher les contextes sociaux, économiques, démographiques…. qui permettront au bout du compte d’appréhender l’évènement de manière satisfaisante. Le détour en littérature Des expressions populaires existent qui montrent que l’on utilise parfois des détours langagiers : « tourner autour du pot » ou « tous les chemins mènent à Rome » en sont des exemples. On utilise des tournures de phrases qui font des détours : euphémisme, comparaison, métaphore, périphrase sont des façons détournées de dire des choses, plus élégamment. 2

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Beaucoup d’auteurs ont écrit des œuvres en faisant des détours dans les contes et les fables : La Fontaine et Perrault par exemple ont mis en scène des animaux qui utilisent les défauts des être humains, se permettant ainsi de les dénoncer. La morale n’est ainsi jamais faite directement, mais à travers eux. La pédagogie est une façon plus ou moins détournée de faire passer un message à des étudiants. Le professeur use d’exemples pour rendre compte de quelque chose de difficile, il explique de diverses façons pour mieux faire comprendre son propos.

2. LE DETOUR DANS LE DOMAINE SOCIAL

Les pays qui se développent utilisent des moyens détournés pour vendre leurs produits : très bas salaires ou travail des enfants sont autant de chemins pour réussir à se maintenir et même à obtenir des places sur le marché mondial. Lorsque le pays a atteint un développement suffisant il change du moins en partie de stratégie, car il n’est plus obligé de faire travailler les petits par exemple.

3. LE DETOUR DANS LA RELIGION

La religion chrétienne a recours à des détours à travers les évangiles : ce sont des paraboles qui racontent des histoires et permettent ainsi l’apprentissage de cette religion. Depuis que l’on construit des cathédrales, le labyrinthe est un motif dessiné très souvent au sol. Il a été repris des cultes païens qui l’utilisaient souvent. Il est représenté en pavé ou en marbre et est une invitation à l’introspection, le pénitent devant prier de façon informelle en l’empruntant. Par ailleurs, il est souvent situé à l’ouest qui est le côté de la mort (le soleil se levant à l’est), empêchant ainsi le démon d’arriver au chœur de l’église en se perdant dans le dédale du labyrinthe.

4. LE DETOUR EN PSYCHOLOGIE

Des psychologues, médecins et philosophes considèrent que les pensées passent par des chemins détournés. La place de l’inconscient Freud, dès les années 20, a mis en évidence qu’il y avait un lien entre les rêves et la pensée. Celle‐ci fait un détour et « prévient » la personne des problèmes qu’elle n’a pas élucidés en mettant en place une stratégie onirique. De même les maladies psychosomatiques sont des signes visibles de ce que vit la personne et dont elle ne se rend pas forcément compte : le psoriasis par exemple, preuve psychique d’un stress que la psyché ressent. C’est par ce type de détours que le corps exprime ce que veut dire l’esprit. Des maladies beaucoup plus graves sont développées parfois, ayant pour origine le mental. Chacun d’entre nous, sans n’avoir jamais étudié la psychologie, a déjà entendu l’expression : acte manqué ou lapsus révélateur. On considère qu’oublier quelque chose n’est pas un acte anodin mais la révélation d’un problème ; de même un mot dit à la

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place d’un autre prouverait la préoccupation de l’esprit sur tel ou tel sujet. Autant de détours qu’utiliserait l’esprit.

5. LE DETOUR DANS LES ARTS

Les artistes nous permettent de réfléchir sur des sujets divers ; leur peinture sculpture, musique….sont autant de moyens de dire des choses par des chemins détournés. Les peintres font des esquisses, et il faut que leur esprit vagabonde pour pouvoir donner libre cours à une œuvre riche ; de même les musiciens et autres artistes. On n’imagine pas qu’une symphonie ait pu être écrite directement. Si l’on consulte les partitions originales de Mozart par exemple, on peut voir qu’elles sont énormément raturées, preuve des détours intellectuels du compositeur. A l’intérieur des courants artistiques, certains utilisent plus que d’autres les dédales de la pensée. Le surréalisme en fait partie, qui se dresse contre l’ordre établi d’où qu’il vienne et met en place le rêve, l’instinct et le désir pour aboutir (Apollinaire, Debussy, Miro, Picasso…) Les artistes n’y montrent pas directement ce qu’ils voient mais ce qui leur vient à l’esprit sur un sujet donné. Ils nous donnent leur point de vue de façon détournée. Cette technique de représentation nécessite un travail d’analyse pour retrouver le but ultime de l’artiste. Les jeux demandent aussi des détours de pensée : les échecs en sont un exemple frappant, ainsi que tous les jeux faisant appel à la stratégie, à des feintes ou des ruses : comment ne pas montrer que l’on veut aller faire « échec au roi » ? En faisant semblant d’utiliser une autre voie pour aller ensuite au but après avoir cheminé par un sentier biaisé.