Explication linéaire Toby-Chien des Vrilles de la Vigne de Colette
Analyse sectorielle : Explication linéaire Toby-Chien des Vrilles de la Vigne de Colette. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar ctquille • 26 Mars 2023 • Analyse sectorielle • 986 Mots (4 Pages) • 6 297 Vues
Analyse Linéaire n˚3 : Toby-Chien
Carpe diem est une métaphore latine qui illustre le fait de profiter de tous les instants, c’est une référence directe à l’épicurisme. En lisant Les Vrilles de la Vigne de Colette, autrice née en 1873 en Bourgogne, on peut trouver un lien avec cette devise et la considérer comme épicurienne, car pour elle profiter de la nature autour d’elle était ce qu’elle valorisait le plus. Recueil de 23 textes indépendants d’autofiction où Colette publié en 1930. L’autrice nous fait part du portrait cultivée, athée et originale de sa mère, Sido, qui l’a transmis sa connivence avec la nature. Ce texte a été écrit peu de temps après la séparation de Colette et Willy ; la jeune femme choisit d’y faire quelques mises au point sur cette relation, de s’affranchir et de s’affirmer, dans une situation d’énonciation un peu décalée, qui n’est pas sans humour. Comment dans cet extrait Colette dresse-t-elle un autoportrait passionné à travers le regard de Toby-Chien ? D’une part, nous verrons que Toby-Chien porte un regard affectueux mais décalé sur la narratrice. D’autre part, nous observerons que l’amour est ici mis en abyme.
Dans un premier temps, l’extrait nous montre qu’« Elle » est observée et analysée par ses animaux, Toby-Chien et Kiki-La-Doucette, qui portent un regard affectueux sur leur maîtresse. Toby-Chien recueille avec attention et émotion la parole de celle qui se confie à lui. Il se fait confident de la femme qui adopte les postures de l’animal, haletant se tenant à « quatre pattes » vu (l.2). Il lui permet de se livrer pleinement, librement, dans une grande intimité, comme indique la posture qu’elle adopte, « sa tête […] contre la mienne » à la ligne suivante.
Dans un deuxième temps, c’est contre « Il » qu’« Elle » se positionne, « Il » renvoyant sans ambiguïté à Willy, dont sont évoquées les infidélités dans le passage qui précède. « Il », donc, ne sait pas aimer, ce qui est clairement formulé par l’emploi du verbe « aime » (l.6) suivit du nom « amour » à la prochaine ligne, formant dérivation, chacun dans une tournure négative, « n’aime pas », « méconnaît ». « Elle » au contraire revendique ce don, en employant une première fois le verbe « aimer » de manière absolue, sans complément : « Moi, j’aime ! » (l.8). Les termes « j’aime » sont repris quatre fois, et s’y ajoute le gérondif « en aimant ». La répétition de ce même verbe, qui constitue un polyptote, contribue à mettre en valeur la définition de ’'amour ici proposée, un amour qui ne se conçoit qu’avec intensité, comme l’indiquent l’adverbe « tant » (l.8) ou le verbe « m’emplit » (l.12). Aimer ouvre à la beauté, à la joie, offre « force » et « défaillance » (l.11-12) antithèse qui rappelle que pour Colette la dualité est toujours source de vie. Sa tirade multiplie les marques de son exaltation : une ponctuation expressive importante, l’anaphore « Si tu… » (l.9-11), les nombreuses répétitions, les ruptures de rythme des phrases. Cette exaltation est à la mesure de l’enjeu du propos : définir ce que sont. « l’amour véritable » (l.7) et le « frôlement du bonheur » (l.13-14). Cette réflexion sur l’amour ouvre sur une tentative de définition à travers des évocations poétiques. Plusieurs sensations sont convoquées, le bonheur pour Colette ne pouvant se concevoir sans pleine implication du corps. Des sensations décrites comme presque imperceptibles, ce que formule clairement l’oxymore « caresse impalpable » à la ligne 14. Le toucher est évoqué par les termes « frôlement », « caresse », « frisson », la vue par la description métaphorique du « cher paysage » (l.18) avec l’adjectif « argenté » ou le verbe « fleurit », l’odorat par la notation sur « l’haleine mûre et musquée » (l.20-21), l’ouïe par la comparaison le « bondissement […] d’un cœur plus mobile que celui d’un chevreuil » (l.22-23). L’intensité du bonheur repose bien aussi dans son caractère mystérieux, éphémère, suggéré dans les expressions « frisson mystérieux, angoisse légère » (l.17) ou dans l‘évocation « des fins de jour » (l.21). Cette fugacité ne provoque cependant pas de désespoir, mais une « triste voluptueuse », nouvel oxymore qui synthétise une conception du bonheur où sens et sentiments, joie et mélancolie sont indissociables. Pour clore la boucle, « Elle » en revient à l’amour, évoquant discrètement sa « sûre amie » (l.25) très certainement Missy à laquelle Colette était alors liée. Évoquer l’exaltation des sens, la force et la fragilité des sentiments est pour Colette une manière de célébrer le monde.
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