Toby, le chien qui parle dans Les Vrilles de la Vigne de Colette
Commentaire de texte : Toby, le chien qui parle dans Les Vrilles de la Vigne de Colette. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Souleil Mahsine • 5 Janvier 2024 • Commentaire de texte • 1 041 Mots (5 Pages) • 609 Vues
Chez Colette, comme chez La Fontaine, les animaux parlent. Mais à la différence du fabuliste, Colette les fait parler en tant que bêtes et non en tant qu'humains. Ils ne sont l'allégorie de rien, existent pour eux-mêmes et s'ils s'entretiennent sur les hommes, ils le font avec leur regard particulier d'animaux. Plusieurs nouvelles animalières figurent dans les vrilles de la vigne. Elles mettent le plus souvent en scène un chien, un bouledogue plus précisément, et une chatte Ces deux personnages, au caractère bien marqué, dialoguent et observent. Plus exactement, ils dialoguent de leur observation commune d'un être qui les relie, leur maîtresse. Ils sont sans doute Colette. L'écrivain adopte la voix et le regard de ces bêtes pour peindre par petites touches son portrait, lequel ne représente jamais qu'un visage parmi d'autres d'une femme qui, tout à la fois, se livre et se cache. Pour le dire autrement, rendant compte alors d'un étrange paradoxe littéraire, les animaux servent à Colette de masque pour se montrer. Ce n'est pas comme chez l'écrivain japonais Mishima, la confession d'un masque, mais l'inverse, le masque d'une confession. Dans Toby chien parle, le bouledogue assiste à la colère de sa maîtresse. Contrariée par un article lu dans le journal, sans doute une critique offensante sur ses mœurs libres, c'est l'occasion pour elle de laisser éclater à voix haute ses aspirations de femme émancipée.
D'une chiquenaude, elle rejeta le bord du tapis qui me coiffait, puis leva vers le plafond des bras pathétiques. J'en ai assez, s'écrit à elle. Je veux faire ce que je veux. Un silence effrayant suivit son cri, mais je le répondais du fond de mon âme. Qui t'empêche ? Oh, toi qui règnes sur ma vie, toi qui peux presque tout, toi qui d'un plissement volontaire de tes sourcils rapproche dans le ciel les nuages. Elle semblait m'entendre et repartit un peu plus calme. Je veux faire ce que je veux. Je veux jouer la pantonime, même la comédie. Je veux danser nue si le maillot me gêne et humilier ma plastique. Je veux me retirer dans une île, s'il me plaît, ou fréquenter des dames qui vivent de leur charme pourvu qu'elle soit gaie, fantasque, voire mélancolique et sages, comme sont beaucoup de femmes de joie. Je veux écrire des livres, tristes et chastes, où il n'y aura que des paysages, des fleurs, du chagrin, de la fierté et la candeur des animaux charmants qui s'effraient de l'homme. Je veux sourire à tous les visages aimables et m'écarter des gens laids, sales et qui sentent mauvais. Je veux chérir qui m'aime et lui donner tout ce qui est à moi dans le monde.
Mon corps rebelle au partage, mon cœur si doux et ma liberté. Je veux, je veux. Je crois bien que si quelqu'un ce soir se risquait à me dire: Mais enfin, machin, eh bien, je le tue. Oui, je lui ôte un œil ou je le mets dans la cave. Qui dit la doucette pour lui-même. Dans la cave ? Je considérerais cela comme une récompense, car la cave est un enviable séjour d'une obscurité bleutée par le soupirail embaumé de paille moisie et de l'odeur aliacée du rat. Toby chien, sans entendre. J'en ai assez, vous dis-je. Elle criait cela à des personnes invisibles, et moi, pauvre moi, je tremblais sous la table. Le passage nous fait découvrir une vraie sauvage. Ce n'est plus la femme qui se retient, la petite chose polie qui se tait et qui reste à sa place, non, c'est la femme bestiale, donc primitive et authentique. Elle crie théâtralement, se défend, menace s'il faut. Tout cela se résumant à un seul refrain, celui de la volonté: Je veux, je veux, je veux faire ce que je veux. La redondance peut paraître banale et pourtant, quand on est une femme, il faut se battre pour que cette évidence soit acceptée, faisant figure d'exception.
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