Francis Ponge, Le parti pris des choses
Commentaire de texte : Francis Ponge, Le parti pris des choses. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar julie mojica • 20 Janvier 2021 • Commentaire de texte • 3 360 Mots (14 Pages) • 1 800 Vues
MOJICA Julie
M1 MEEF Lettres
LE PARTI PRIS DES CHOSES, FRANCIS PONGE.
L’ORANGE.
Introduction.
Le XIXème siècle voit naître une poésie d’un genre nouveau, le poème en prose. C’est sous cette forme que Francis Ponge poète du XXème siècle, écrit son recueil « Le parti prix des choses » dans lequel il exploite le monde des objets quotidiens. Avant d’écrire ce recueil Ponge a lu le Littré, ce qui l’a aidé à élaborer une langue qui se veut être à la hauteur du réel et du lexique, il faut trouver le bon mot pour décrire le mieux possible. Il exploite les qualités linguistiques du langage (signifiant et signifié) car plus le langage est étendu plus notre monde s’élargit. Il est aussi important de préciser qu’il a pendant un temps fréquenté le groupe des surréalistes.
Ce recueil est donc conçu comme une galerie d’art où l’exposant (l’auteur) nous fait état de divers objets, bibelots, aliments en les recyclant au travers de souvenirs d’enfance. Il nous invite ainsi à redécouvrir le monde.
Dès le titre du recueil on entend parfaitement la polysémie. En effet le parti prix peut-être un engagement personnel en faveur des choses, des oubliés de l’homme laissés de côté. Dans « parti prix des choses » on entend l’art de la persuasion avec un discours délibératif, judiciaire et elliptique. Ponge entre dans la peau d’un avocat en faisant l’éloge de ces objets du quotidien pour défendre leur beauté et leur redonner de l’importance.
Ce recueil est composé de trente-deux poèmes juxtaposés et autonomes dans lesquels l’auteur joue avec les oppositions : le consistant et l’inconsistant, des poèmes longs et d’autres courts. Il met aussi en place un écho entre certains poèmes, le recueil s’ouvre avec la pluie et se ferme avec le galet.
Dans le poème « L’orange » Ponge nous décrit ici un fruit comestible. Cette description s’étend sur 5 paragraphes. Tout pourrait laisser croire qu’il ne s’agit pas vraiment d’un texte poétique, car il à certains codes d’un texte faisant état d’une argumentation. Pourtant si on accepte la définition que la poésie est une forme de langue écrite qui interroge la réalité on ne peut qu’affirmer la réelle présence de la poésie dans ce poème. Il s’agira donc ici de se demander comment et par quels moyens l’auteur réussit à mêler argumentation et poésie.
Pour mener au mieux cette analyse il faut scinder ce poème en trois parties :
Les deux premiers paragraphes correspondent à la première partie : Duel entre une orange et une éponge. Il s’agira ici d’analyser ce duel aux traits de l’argumentation et par la suite nous étudierons la métaphore qui est mise au service de l’objet décrit.
Le paragraphe 3 sera le second mouvement du poème : Une orange et un citron. Nous verrons ici comment le citron est introduit dans le poème et donc dans la description de l’orange, puis nous verrons comment l’auteur joue avec les sens en se servant des mots pour décrire le goût.
Les deux derniers paragraphes clôtureront cette étude, l’orange sera le seul sujet. On parlera ici de contemplation et de raison d’être.
Duel entre une orange et une éponge (paragraphe 1 et 2)
Duel argumentatif
Le poème débute par « Comme dans l’éponge il y a dans l’orange une aspiration à reprendre contenance après avoir subi l’épreuve de l’expression » Comme on prend une aspiration avant de parler le poète image cette acte comme si le poème prenait lui-même une aspiration puis expire avant de débuté.
Ponge, pour parler de l’orange la compare à une éponge et instaure une dualité entre les deux. Le poème débute avec un adverbe comparatif qui introduit la comparaison : « Comme dans l’éponge » suivi d’une tournure présentative : « il y a ». On retrouve les traces d’une argumentation.
La première phrase sert à comparer ces deux objets grâce au phénomène de compression. L’orange est le comparé et l’éponge le comparant. « Il y a dans l’orange une aspiration à reprendre contenance » : avec le substantif « contenance » l’auteur semble personnifier l’orange en la dotant d’une certaine volonté. La deuxième phrase s’ouvre avec une conjonction de coordination : « mais » qui sert de liaison et qui va amener à comparer le résultat de cette compression : à l’inverse de l’orange, l’éponge retrouve toujours sa forme d’origine : « où l’éponge réussit toujours, l’orange jamais. » L’apparente dépréciation de l’orange est mise en relief par une antithèse en opposant les deux adverbes qui marquent des degrés absolus : « jamais », « toujours ».
La deuxième conjonction de coordination : « car » amène l’explication de l’échec subi par l’orange face à l’éponge : « ses cellules ont éclaté, ses tissus se sont déchirés. » Ces participes passés marquent la fragilité de l’orange car ils sont en général assimilés à la faiblesse. On retrouve ici une isotopie de la violence. On a ici le début d’une personnification par les mots : « cellules » et « tissus » qui se rapportent plus aux êtres vivants.
La troisième phrase s’ouvre avec une locution conjonctive : « tandis que l’écorce seule se rétablit», Cela fait référence à la peau qui se régénère. La locution conjonctive « tandis que » sert de transition, après avoir parlé des « cellules » de l’orange il s’agira ici de son jus: « un liquide d’ambre […] parfums suaves » : on a ici une métaphore avec l’ambre qui est reconnue pour ses vertus médicinale et sa couleur normalement attribuée au domaine de l’œnologie. « suave » est un adjectif qualificatif qui incarne la douceur. En comparant le jus de l’orange avec l’ambre et en qualifiant son parfum de « suave » l’auteur surélève le rang de ce fruit en lui redonnant un peu de gloire. Il fait appel à l’odorat pour évoquer le jus. « suave » fait partie d’une antithèse car il est à rapprocher syntaxiquement de « rafraîchissement » et de « amère ».
Ce premier paragraphe se clôture avec l’arrivé des pépins : « mais souvent aussi de la conscience amère d’une. » On est toujours dans une sorte de personnification, l’orange à une conscience amère, amère qui ferait aussi référence à l’amertume des pépins. Mais pas seulement. Comme nous le verrons dans la prochaine partie ce poème fait référence à la seconde guerre mondiale, et avec l’expression : « expulsion de pépins » on peut y voir une référence aux balles tirées par les armes.
Dans ce paragraphe Ponge joue sur des références proches de la torture : « subi l’épreuve de l’expression » ; « cellules ont éclaté » ; tissus déchirés » ; « conscience amère d’une expulsion prématurée ».
Dans ce premier paragraphe l’auteur fait ressortir les aspects les plus négatifs de l’orange, elle n’est pas vraiment mise en valeur. Le comparatif annonce une dévalorisation en opposant la « fragilité » de l’orange qui ne peut reprendre sa forme après compression, à la vaillance de l’éponge. Mais après ce « test » de compression il s’agira de maintenant de montrer toutes les qualités de cette dernière.
La métaphore au service de l’objet.
Le deuxième paragraphe commence par une question : « Faut-il prendre parti entre ces deux manières de mal supporter l’oppression ? » Avec cette interrogation l’auteur semble prendre à parti le lecteur en le questionnant sur ce qui résulte de l’oppression vis à vis de l’éponge et de l’orange. On ne peut aussi qu’y voir un rappel avec le titre de son recueil.
La deuxième phrase est une continuité de la comparaison, l’objet étant toujours le jus. Alors que l’orange se trouvait en mauvaise posture dans le premier paragraphe elle reprend ici la beauté et la force qui lui est dû : « L’éponge n’est que muscle et se remplit de vent, d’eau propre ou d’eau sale. » Ici on a une nouvelle métaphore qui fait encore une fois appel au corps vivant, l’éponge est comparée aux muscles. On aussi la présence d’une antithèse avec « muscle » et « vent », comment un muscle peut se remplir de vent ? Il y a la présence d’une autre antithèse avec « d’eau propre ou d’eau sale ». C’est donc ce jus qui va les distinguer définitivement l’une de l’autre. Ce liquide qui avec les pépins clôture le premier paragraphe est ici reprit en filant le travail comparatif avec l’éponge. Après avoir fait appel à l’odorat Ponge fait ici appel au goût : « L’orange a meilleur goût ». Il continue ainsi de jouer avec les opposés : « l’orange a meilleur goût mais elle est trop passive ». L’orange continue d’être personnifiée car l’auteur lui confère un certain caractère avec l’adjectif : « passive ».
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