La Culture Et Le Barbarisme
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Nous voilà arrivés là à un point crucial, un point qui n'est pas un simple point de friction entre culture et barbarie, car contrairement aux apparences la culture n'a plus pour cible la barbarie.
La culture à laquelle nous nous proposions de faire appel pour échapper à la barbarie, à laquelle il est censé lui demander de tracer les frontières du territoire de l'homme qui ne veut pas verser dans la barbarie, cette culture nous y plonge d'une manière la plus perverse qui soit, non pas en occultant la barbarie, mais en l'intégrant à elle-même, en nous faisant des barbares malgré nous, par l'éducation qu'elle nous dispense pour nous instruire.
Vient en écho, en contrepoint, cette alerte d'Emmanuel Levinas: "L’être emprisonné, ignorant sa prison est chez soi"!
On aurait pu penser au début de notre réflexion, que dresser l'inventaire de tous les merveilleux esprits, dans toutes les disciplines, qui ont élevé la pensée et la sensibilité humaines à un si haut degré de culture, permettrait de trouver où s'est située la faille.
Illusion : la culture n'est pas un antidote à la barbarie. Eichmann était un amateur éclairé de Bach. Heidegger, alors recteur de l'université de Fribourg, avait pris sa carte du parti nazi et en avait même revêtu l'habit. C'est sous son mandant que HUSSERL est radié du corps professoral en raison de sa judaïté. Culture barbare n'est plus alors un oxymore !
Toute culture peut se prévaloir d'une supériorité selon un critère qui lui est propre, mais comme aucun de ces critères n'est plus pertinent qu'un autre, aucune culture ne peut se considérer comme supérieure aux autres.
Ce que nous avons appris sur la barbarie peut nous suffire. Se pose alors la question ultime : comment, non pas échapper à la barbarie, mais comment aller vers son éradication, comment éviter qu'elle naisse ?
On reste un peu interdit. De quelque coté vers lequel on se tourne, une objection surgit aussitôt :
- la culture ? : ce sont les hommes qui l'écrivent,
- la religion ? : elle a trop besoin des hommes pour survivre,
- le droit : se sont les hommes qui légifèrent,
- la société ? : pour qu'elle me dise avec qui coucher et qui j'ai le droit de tuer ? Emmanuel Levinas dit à ce propos : "l'impossibilité de tuer n'est pas réelle, elle est morale".
- alors ne rien faire : le non-agir est encore un agir, et cet immobilisme les cautionne tous,
- ou bien espérer dans l'avenir : je cite encore Levinas : "On ne peut travailler efficacement pour l'avenir, que si on veut le réaliser immédiatement". Alors que d'occasions manquées, ou alors que d'échecs, que de régressions !
- ou encore le retour à la mythologie : je cite à nouveau Levinas : "le mythe fut-il sublime, introduit dans l'âme cet élément trouble, cet élément impur de magie et de sorcellerie et cette ivresse du sacré et de la guerre qui plongent l'animal dans le civilisé".
Il y aurait donc des choses que l'histoire ne peut pas transmettre !
Ce serait alors à la littérature, au théâtre par sa catharsis (ce lieu où on regarde), à la peinture (par la totale la liberté dont elle jouit), à la musique (Dans le film "Le Pianiste" de Roman Polanski, l'officier SS est "démobilisé" par la Ballade en sol mineur de Chopin que joue le pianiste), et tous les autres arts, bref, c'est à eux tous de transmettre, de constituer une culture qui crée du lien.
C'est aussi au droit, mais dans l'unique mesure où c'est sur le mode de la plainte que nous pénétrons dans le monde de l'injuste et du juste.
L'expérience de la reconnaissance juridique donne accès au respect de soi et par la-même à celui des autres. Ce n'est pas un hasard si au sortir de la 2ème guerre mondiale, les hommes ont éprouvé la nécessité de rédiger une déclaration universelle des droits de l'homme.
Notre sens de l'injustice est plus perspicace plus aigu que celui de la justice : c'est l'injustice qui doit nous révolter.
C’est pourquoi, chez les philosophes, c’est l’injustice qui la première met en mouvement la pensée.
Et cette pensée s'étaye sur une injonction dernière, irréductible :
"Ce que tu ne voudrais pas que l'on te fît, ne l'inflige
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