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La mondanité et la tentation d’isolement à l’âge classique

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Par   •  7 Juin 2016  •  Dissertation  •  2 639 Mots (11 Pages)  •  945 Vues

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 La mondanité et la tentation d’isolement  à l’âge classique  

Problématique :

 Incapable de vaincre une passion irrésistible et incandescente, la princesse de Clèves n’a d’autre ressource que  de se retirer. Elle fuit Nemours qu’elle  aime.   Ce  qu’elle craint le plus au monde c’est la fugacité des passions.     Mais ce qui nous intéresse ici plus particulièrement c’est la manière de s’esquiver en se retirant dans un couvent.  « Elle se retira, sous prétexte de changer d’air, dans une maison religieuse, sans faire paraître un dessein arrêté de renoncer à la cour. »

La princesse de Clèves ne déclare pas son retrait,  comme s’il s’agissait d’un acte désapprouvé moralement.  Elle évite de nommer l’acte qu’elle entreprend.

    On pourrait se demander comment sont conçus la  retraite   & son corollaire la mondanité     dans l’espace culturel de l’ancien régime notamment jusqu’à 1750.

« Se retirer du monde    »  implique une mise à distance de la société ou du monde,  jugés nuisibles voire invivables. L’homme estime que ses valeurs et ceux de la société ne coïncident plus, voire se contredisent diamétralement.  L’idée de retraite remet en question la possibilité du bonheur au sein de la société et traduit un malaise de l ‘être qui révoque la civilisation en doute, en tant que source du bien être. Freud dans son  « Malaise dans la civilisation »  distingue deux voies offertes  à l’homme pour réaliser le bonheur sur terre : une voie positive  et ce par l’obtention de la jouissance et  une autre négative qui consiste à  éviter la souffrance. Et Freud de présenter toute une gamme de procédés pour réaliser ce bonheur négatif.   L’isolement occupe la première place dans sa liste.

« L’isolement volontaire, l’éloignement d’autrui, constitue la mesure de protection la plus immédiate contre la souffrance née de des contacts humains. Il est clair que le procédé acquis par cette mesure est celui du bonheur. »

L’isolement et la tragédie classique.

A l’âge classique, la tragédie aussi bien que le roman  ont brodé, autour du topos de la retraite. Racine termine un certain nombre de ses pièces par le retrait du monde. Dans « Britannicus »,  Junie se retire après l’assassinat de son amant Britannicus, perpétré par Néron.

Mais, il s’agit dans tous ces cas, plus d’une issue d’une crise que d’un traitement particulier de la retraite. Celle ci constituerait une sortie du personnage de l’œuvre, une manière de  liquider symboliquement un personnage. C’est pourquoi, souvent la retraite préfigure la fin de la pièce qui ne tarde pas à  lui succéder.

    La tragédie reste au fond imprégnée par l’esprit de la mondanité. Au niveau intradiégiétique, les pièces prennent la cour et ses habitants pour actants principaux. La cour de Pyrrhus, de Thésée, d’Auguste  et d’autres semblables voilà les lieux représentés sur la scène classique…Au niveau de la réception, C’est un spectacle offert, dans une cour,  au roi et à la noblesse, écrit selon le goût du siècle.     Racine écrivait son Andromaque en consultant la sœur du roi. Les dramaturges ne peuvent se passer de la cour,  ou d’un mécène qui gravite autour de l’espace royal.      Racine, malgré son éducation janséniste – courant religieux contre la mondanité- fut un courtisan forcené et devint historiographe de Louis XIV.  

Dans la production romanesque.

Le sort du roman ne peut égaliser celle de la tragédie considérée comme genre noble.

Revenons  à  « La princesse de Clèves ».   C’est un roman inspiré des grandes intrigues amoureuses et politiques de la cour.   La princesse de Clèves lutte contre une passion brûlante envers Mr de Nemours  avec pour arrière fond  les fastes de la cour de Henri II.   Et s’il est vrai qu’elle   préfère renoncer à son amour pour Nemours et disparaître dans un couvent, son retrait se veut, en revanche,  un tant soi peu discret comme si elle craignait qu’elle ne choque car il paraît à contre sens de l’esprit du siècle.  

La solitude et la retraite n’étaient pas concevables puisqu’elles étaient conçues comme des comportements extrêmes qui vont à l’encontre du modèle du « juste milieu » prôné par les moralistes.

 

La situation politique et culturelle.

La situation économique fait que le poète et l’écrivain soumettent leurs plumes au service du roi ou d’un puissant richissime   comme un Fouquet.

Le XVII ème siècle est caractérisé par la centralisation du pouvoir entre les mains de Louis XIV qui devient ce soleil autour de qui gravite la vie politique.    Le bonheur public aussi bien qu’individuel n’était conçu qu’en fonction du roi.  Il est le centre du monde. L’absolutisme en France est plus une pratique qu’une doctrine. L’intérêt de l’État doit passer avant tous les autres intérêts du royaume. Le roi est le premier serviteur de l’État ; mieux, il incarne l’État. Les Belles- lettres et l’art n’ont d’autres fonctions que de le servir. La consécration de ce  modèle absolutiste se traduisit par l’encadrement du domaine de l’art, qu’il s’agissait de contrôler tout en le faisant servir à la grandeur nationale : la fondation de l’Académie française par Richelieu ou de grandes manufactures, comme celle des Gobelins, sous Louis XIV, s’inscrivaient dans cette perspective.  

 Les pensions délivrées aux écrivains sont au cœur de ce système. Chapelain, le serviteur de Colbert posait comme condition de la pension l’éloge du roi soleil : Fumaroli   explique dans son « le poète et le roi »  « sa définition du poète pensionné : un des instruments de la gloire du roi par les ouvrages de l’esprit »   

La cour est le centre du monde. La distribution des valeurs est hiérarchisée par rapport à elle.  Être à la mode revient à imiter le parler, le mode vestimentaire, le  comportement du roi.

  La mode était, donc, non pour la réclusion mais pour la mondanité.  Et cela pour une autre raison.

L’honnête homme et le juste milieu

D’autre part, le XVIIème siècle est imprégné par la pensée d’Aristote au niveau de la morale et de  la politique. Les idées de l’auteur de « L’éthique à Nicomaque » sont très actives dans la pensée politique du siècle. Selon Aristote, l'homme serait cet "animal politique». Pour accéder à l'humanité véritable,  il faut être au sein de la cité, au sein de la communauté: "l'homme est par nature un animal politique" dit Aristote (Politique).  D’autre part, au niveau de la morale, l’ancien régime va prendre à son compte une idée maîtresse.  L’idée du  juste milieu   va modeler l’idéal social de l’honnête homme. : Le bonheur de l’homme réside dans une position du milieu, ou plus exactement un juste milieu entre l’excès et le défaut. Le Maître de Claville, dans son  « Traité du vrai mérite de l'homme [Document électronique] : considéré dans tous les âges et dans toutes les conditions, avec des principes d'éducation propres à former les jeunes gens à la vertu. » exprime ce concept en ces termes :    « Trop de retraite affaiblit l’esprit, trop de monde le dissipe. »  
La même règle régit le commerce des femmes, la sagesse réside entre la misanthropie condamnable et le libertinage abus des femmes. « Le renoncement au commerce des femmes fait d’un galant homme un misanthrope insupportable aux autres, et sans ressource pour lui-même.
Un brutal renonce aux femmes, en supposant à toutes les défauts de quelques-unes. Un libertin ne cherche qu’à abuser du commerce des femmes, et porte quelquefois la débauche jusqu' à les mépriser. Un homme sage et délicat passe de doux moments avec des femmes estimables, et il ne cherche point à se dégoûter par trop de licence, d’un commerce qu’il a intérêt de continuer toujours. »  

L’honnêteté est un compromis entre les exigences de la société et l’individuel. C’est ce que résume Philippe Erlanger dans son Louis XIV «  l’honnête homme abhorre les excès et pratique une politesse exquise, recherche la conciliation « entre la sagesse antique et les vertus chrétiennes, entre les exigences de la pensée et celles de la vie, entre le journalier et le sublime » » P.161. Cet idéal est façonné par plusieurs traités et manuels pédagogiques en partant d’ Il Libro del Cortegiano, paraît en 1528 à Venise. Castiglione vise à élaborer une figure idéale, le gentilhomme, dont la vie se déroulera sur la scène d'un théâtre permanent où la grâce seule importe. D'où l'art de masquer les efforts, l'embarras, l'art de la dissimulation et du jeu, la nécessité d'une codification des usages, statuts et fonctions du courtisan. Le XVII ème siècle prolongera cet effort à travers des moralistes.

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