La pièce du Malade Imaginaire vous apparaît-t-elle n'être qu'une comédie ?

Molière considéré comme le plus grand dramaturge français, a mis au cœur de ses représentations la comédie. Ses pièces portent en elles une critique entre autre de l’imposture religieuse avec son Tartuffe (1669) puis de l’imposture médicale dans son Malade Imaginaire (1673). Précisément, cette comédie-ballet met en scène un père hypocondriaque (Argan) qui veut marier sa fille (Angélique) à un médecin (Thomas Diafoirus). Cependant Angélique est éprise de Cléante et n’a pour défendre son bonheur que sa fidèle servante Toinette. La belle-mère d’Angélique, Béline souhaite seulement mettre les deux filles d’Argan dans un couvent afin de récupérer la fortune d’Argan à sa mort. Écrite spécifiquement pour le triomphe en Hollande du Roi Louis XIV, cette pièce emblématique de son Œuvre a suscité beaucoup de commentaires sur sa nature, sa composition et son but. C’est dans cette optique que nous répondrons à cette problématique. Le Malade Imaginaire n’a-t-il les caractéristiques que d’une comédie ? Autrement dit, Le Malade Imaginaire a-t-il pour but unique de faire rire ? Pour répondre à cette problématique, notre plan s’articulera autour de deux axes : les éléments constitutifs de la comédie dans Le Malade Imaginaire et ensuite en quoi cette pièce va-t-elle au-delà de la comédie.

Dans Le Malade Imaginaire, Argan atteint d’hypocondrie veut marier sa fille à un médecin, à travers cette mise en scène Molière développe sa comédie. Cette dernière désigne un genre classique présent surtout au XVIIe siècle qui tire ses racines de la comédie latine avec des auteurs comme Térence et Plaute et de la farce médiévale. Elle a pour caractéristique par exemple la mise en scène de la parole avec des personnages archétypaux dans des situations types et ridicules. Peut-on les retrouver dans Le Malade Imaginaire? Molière dans sa comédie-ballet met en scène la parole qui devient le centre de l’attention et non l’accessoire à travers lequel les personnages s’expriment. Nous pouvons voir cela dans la Scène 5 de l’Acte 1 où Toinette, grâce à sa maîtrise de la rhétorique, arrive, malgré son langage familier, à utiliser la parole pour découvrir la vraie raison de ce mariage et ainsi ridiculise Argan. Dans cette pièce, ce qui est le plus représentatif de la comédie est néanmoins le comique de mot, geste et situation dont nous retrouvons l’utilisation répétée dans ce spectacle. Molière les utilise avec abondance que ce soit les coupures constantes entre Monsieur Diafoirus et Argan au début de la Scène 5 de l’Acte 2, ou la poursuite ridicule de Toinette par Argan à la suite de leur argument pendant la Scène 5 de l’Acte 1 ou encore les allers-retours constant entre Toinette et elle-même déguisée en médecin. Cependant, Molière utilise aussi des personnages et des relations inter personnages archétypaux qui retracent leurs origines à la commedia dell'arte italienne. La relation saturnale entre Toinette et Argan est typique de la comédie classique, nous retrouvons cette relation conflictuelle entre le maître et le servant dans Les Fourberies de Scapin du même auteur entre Scapin et Géronte. Une autre caractéristique de ce genre est la scène d’exposition où l’auteur introduit les personnages ainsi que les thèmes principaux. Précisément, dès la première scène dans le long monologue d’Argan, Molière expose son délire obsessionnel avec la médecine et l’importance de l’argent à ses yeux. Nous pouvons dire la même chose du décor, le salon parisien d’Argan est assez typique des comédies du XVIIe. Nous retrouvons cet environnement notamment chez M. Jourdain dans Le Bourgeois gentilhomme. Un élément caractéristique de la comédie qui est respecté dans cette oeuvre est la règle des trois unités, c’est à dire l’unité de lieu, d’action et de temps car la pièce se déroule toujours dans l’appartement parisien d’Argan cité ci-dessus, l’action tourne autour du mariage d’Angélique et elle se déroule avec une continuité temporelle. Molière établit aussi la double dimension sonore et visuelle présente au théâtre avec de multiples scènes de chants et de musiques tels que la pastorale (Acte 2 Scène 5) ou les intermèdes. L’utilisation de ces éléments caractéristiques de la comédie classique tels que les personnages, les décors, les relations ainsi que le respect de la règle des trois unités, dans Le Malade Imaginaire montre son appartenance à ce genre mais se limite-t-il à cela?

Le Malade Imaginaire de Molière fait part de beaucoup d’éléments qui montrent son appartenance à la comédie classique du XVIIe, cependant cette pièce a pour but d’aller plus loin et ne se limite pas seulement à cela. Tout d’abord la structure de la pièce est fondamentalement différente du modèle de l’époque; les cinq actes classiques sont réduits à seulement trois. Molière y ajoute aussi des parties; les actes traditionnels sont ponctués par des intermèdes burlesques comme par exemple, les danses entremêlées de chansons des Mores (Intermède 2), censés faire sauter des singes sur scène ou le rite d’initiation d’Argan à la médecine (Intermède 3) qui est complètement ridicule de part ses personnages et son contenu. De plus, l’églogue qui constitue le prologue met en scène des dieux, des zéphirs ainsi que des troupes de bergères et bergers qui chantent et dansent en faisant des louanges à “LOUIS”. Cela va à l’encontre de la norme, l’auteur étant censé commencer sa pièce en exprimant son intention d’écriture à travers une préface ou commencer la pièce directement. Toutefois, la structure de cette comédie-ballet n’est pas la seule chose qui montre que Le Malade Imaginaire n’est pas une simple comédie, les sujets sur lesquels la pièce nous pousse à réfléchir le montre aussi. Une des thématiques importantes