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La poésie nous éloigne-t-elle de la réalité ordinaire ?

Dissertation : La poésie nous éloigne-t-elle de la réalité ordinaire ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  2 Février 2020  •  Dissertation  •  3 250 Mots (13 Pages)  •  3 635 Vues

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Sujet : La poésie nous éloigne-t-elle de la réalité ordinaire ?

Plan :

I) La poésie, loin du monde réel et du quotidien.

a) La poésie fait voyager.

b) La poésie et la quête de l’idéal, du sublime.

c) La poésie est capable de créer un monde nouveau.

II) La poésie, peinture du monde réel.

a) Une poésie attentive à la vie.

b) Une poésie engagée.

c) Une poésie exprimant des réalités intérieures (sentiments).

III) La poésie, compréhension et transfiguration de la réalité.

a) Une poésie qui transfigure le quotidien.

b) Un poète déchiffreur du monde.

c) Une poésie permettant de vivre plus pleinement au cœur de la réalité ordinaire.

[Amorce] « Faire une perle d’une larme… » Ainsi Musset définissait-il dans L’Impromptu l’une des fonctions de la poésie. Par la poésie, la larme reflétant un chagrin réel devient une perle langagière, un bijou de mots. La poésie donne parfois lieu à des définitions contradictoires, notamment quant à son rapport avec la réalité. Le poète semble tantôt la fuir, tantôt s’en inspirer, pour la dénoncer ou la sublimer. D’ailleurs, pour la plupart des gens, au quotidien, est poétique est ce qui est un peu ailleurs, un peu dans les nuages.

[Problématique + une reformulation] La poésie nous éloigne-t-elle donc de la réalité ordinaire ? La poésie est-elle une fuite du quotidien, un moyen de s’échapper du monde ?

[Annonce du plan] Si la poésie emmène parfois le poète et le lecteur vers un ailleurs, elle peut cependant aussi peindre la réalité qui les entoure. De fait, la poésie transfigure la réalité et permet au poète et au lecteur d’approcher les mystères du monde réel pour y vivre plus pleinement.

La poésie est souvent associée par le poète à un voyage ou une échappatoire au monde réel. Ce voyage n’est pas toujours exotique et peut également être la quête d’un idéal, d’une réalité spirituelle supérieure à l’ordinaire. La poésie, par son essence même, est capable de créer un monde nouveau, par un usage particulier des mots.

Le poète se présente volontiers comme un être venu d’ailleurs, éternel voyageur qui fuit la réalité, « n’importe où, loin du monde » (« Anywhere out of the world », titre d’un poème du Spleen de Paris de Baudelaire). Rimbaud, fugueur dès l’adolescence, lorsqu’il renonça aux voyages par l’imagination − tels ceux décrits dans le « Bateau ivre » − s’élança aux confins du monde, justifiant le surnom donné par ses amis : « l’homme aux semelles de vent ». Le poète est souvent un être d’évasion, sa poésie ressemble à une échappatoire au monde réel. Souvent malheureux dans un monde qui ne le comprend pas, il tente de fuir la réalité. Il « vit la vie à côté » (Charles Cros). C’est le sens du poème de Baudelaire « L’Albatros » : le poète y est ce « roi de l’azur », « ce voyageur ailé », « prince des nuées ». Hugo le décrit, lui, « Les pieds ici, les yeux ailleurs » (« Fonction du poète », Les Rayons et les Ombres). Sa poésie peut devenir un voyage, un périple pour s’éloigner d’un lieu réel qui n’apporte que tristesse et insatisfaction. « Fuir ! Là-bas fuir ! », s’exclame Mallarmé dans son poème « Brise marine. » La poésie de l’exil, de la nostalgie, sublime par exemple un lieu idéal que le poète n’a plus sous les yeux. Ainsi, dans « Heureux qui comme Ulysse », Du Bellay qui se sent étranger dans la Rome de la Renaissance, regrette sa Touraine natale et la dépeint, dans « Jardins de France » Senghor se souvient, depuis la France, de la vigueur de son Afrique natale. La poésie leur permet de revenir, en pensée et en mots, vers un lieu aimé. La nature même de la poésie en fait un moyen d’évasion particulièrement efficace. Domaine privilégié des images, elle s’apparente à la peinture (ut Pictura poesis, Horace) et transporte dans un univers riche de sensations qui font vivre au lecteur de façon physique et concrète l’évasion vers un ailleurs proche ou lointain, rêve (poésie onirique) ou véritable voyage. Le poème « L’invitation au voyage » de Baudelaire, tiré des Fleurs du mal, par son titre même, propose au lecteur de rejoindre avec lui un ailleurs idéal, où tout n’est qu’ « ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté. »

La quête d’un idéal, par le langage poétique, permet également d’aspirer à une réalité supérieure, loin du monde, supérieure au monde, comme le montre le poème « Élévation » de Baudelaire, qui définit son art, par une volonté de se « purifier dans l’air supérieur » et de s’envoler loin des « miasmes morbides » que constitue la basse réalité. Dans ce poème, c’est le fait même d’écrire qui donne accès à un autre monde, par l’élévation de l’esprit jusqu’au sublime. La poésie peut montrer au lecteur le monde de la beauté idéale, comme le fait à nouveau Baudelaire dans le poème « La Vie antérieure », où il présente au lecteur le lieu et le temps d’un âge d’or perdu « J’ai longtemps habité sous de vastes portiques / Que les soleils marins teignaient de mille feux. » Dans ce poème, Baudelaire crée sous les yeux du lecteur l’image d’un monde disparu qu’il n’a jamais vu.

L'étymologie du mot « poésie » (poiein en grec : « créer ») indique que le poète peut créer un monde nouveau par le langage poétique, notamment par le recours aux images et par la juxtaposition de réalités hétéroclites. Selon Jean-Paul Sartre, dans son essai Qu’est-ce que la littérature ? , les poètes sont des hommes qui refusent « d’utiliser » le langage, c’est-à-dire qu’ils ne cherchent pas à faire passer un message, démontrer quelque chose, ou à nommer le monde réel avec précision (usage « habituel » du langage) mais qu’ils considèrent les mots pour eux-mêmes, comme des réalités sonores et sémantiques, avec d’infinies possibilités de combinaison, permettant de renouveler le langage, de créer des images, de nouvelles réalités poétiques. Les poètes surréalistes du XXème siècle (et leurs inspirateurs) disloquent le réel, créent des images imprévisibles, novatrices, donnent une nouvelle jeunesse au langage. Rimbaud, qui a inspiré les surréalistes, prônait un long « dérèglement de tous les sens » pour tendre à une poésie de la « voyance. » À sa mère, qui ne comprenait pas bien le « sens » de son poème intitulé « Le Bateau ivre », il répondit « ça veut dire ce que ça veut dire. Littéralement et dans tous les sens. », refusant ainsi d’expliciter le rapport entretenu par sa poésie avec la réalité ordinaire, lui confiant un pouvoir de suggestion plus que d’explicitation du monde. André Breton, dans le poème intitulé « L’Union libre » évoque dans une longue anaphore du groupe nominal « Ma femme », de nombreuses images originales et incongrues qu’il associe à la femme, comme « Ma femme aux épaules de champagne », « Ma femme aux yeux de savane » ou encore « Ma femme au dos d'oiseau qui fuit vertical. » Dans son poème « Zone », Apollinaire transforme la Seine en bergerie  : « Bergère, ô Tour Eiffel / le troupeau des ponts bêle », Éluard nous fait survoler une terre bleue… « comme une orange » (L'Amour la poésie)…

Néanmoins, la poésie surréaliste voulait exprimer le fonctionnement réel de la pensée. Par son origine (la main et le cœur de l’homme), la poésie ne se détache jamais réellement du réel et est toujours une peinture particulière de la réalité ordinaire.

La poésie est issue de la réalité quotidienne, de l’ordinaire : le poète y puise son inspiration et y est attentif. Il peut également faire de sa poésie le lieu d’un engagement ou encore un lieu d’expression de réalités intérieures.

Le poète est attentif à la réalité. Il voit ce que nous ne voyons parfois plus. Le poète Blaise Cendrars résume cette attention par une jolie métaphore : « Je ne trempe pas ma plume dans un encrier mais dans la vie. » La poésie trouve donc ses sujets dans les objets, les choses, les lieux coutumiers qui émaillent notre vie. Dans son recueil de poèmes en prose intitulé Le Parti pris des choses, Ponge magnifie les réalités les plus usuelles : un pain, un cageot, une huître… Dans son poème intitulé « La Pluie », il évoque dans une prose fluide, semblable au trajet de l’eau, les infimes détails de ce phénomène météorologique que nous oublions souvent de contempler : « La sonnerie au sol des filets verticaux, le glou-glou des gouttières, les minuscules coups de gong se multiplient et résonnent à la fois en un concert sans monotonie, non sans délicatesse. » Il rappelle au lecteur la délicatesse, la beauté du simple quotidien, de cette réalité qu’est la pluie, remplissant ainsi le rôle que Madame de Staël assigne à la poésie : selon elle, le propre de la poésie est de « réfléchir par les couleurs, les sons et les rythmes, toutes les beautés de l’univers. » Mais le poète ne parle pas que de la beauté du

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