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L’affrontement est un thème important au théâtre

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Par   •  8 Juin 2019  •  Fiche de lecture  •  2 055 Mots (9 Pages)  •  782 Vues

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Introduction :

L’affrontement est un thème important au théâtre ; il peut prendre différentes formes même si c’est l’affrontement verbal qui est privilégié (puisque le théâtre est le genre de la parole par excellence) ; il peut être traité dans différents registres (comique, tragique). Molière a souvent traité le thème de l’affrontement sur un registre comique, mais ses pièces ont tout de même souvent une résonance sérieuse. Molière (Jean-Baptiste Poquelin), 1622-1673. Dramaturge et comédien. Des pièces très connues : L’Avare, Le Malade imaginaire, Le Médecin malgré lui. Appartient au classicisme. Pour lui, la comédie doit « corriger les mœurs par le rire ». Le Misanthrope est une comédie en vers (alexandrins) en 5 actes, créée en 1766. Elle met en scène Alceste, un misanthrope (du grec mis-, détester et anthropos, l’être humain), amoureux de Célimène, une coquette. Il s’agit d’une comédie, néanmoins la pièce a souvent été lue de façon « tragique » ou sérieuse (voir la plupart des mises en scène d’aujourd’hui), notamment à l’époque romantique, qui avait tendance à valoriser le misanthrope. Scène 1 de l’acte II.  Premier tête à tête sur scène entre Alceste et Célimène, qui tourne à la dispute. Donc une scène d’affrontement, ce qui suppose la mise en place d’un rapport de force.

I. Un duo amoureux surprenant

« duo amoureux » : au théâtre ou à l’opéra, on parle de « duo amoureux » lorsque deux personnages amoureux sont mis en scène en train de parler de leur amour.  Or ici, le duo tourne au duel, puisque nous assistons à une dispute...

A. Des reproches d’Alceste…

- Dès sa première réplique, A. évoque la rupture : « je sens qu’il faudra que nous rompions ensemble » (5). Puis de nouveau, deux vers après, « tôt ou tard nous romprons indubitablement » (7).On remarque que l’on passe du subjonctif (« rompions »), qui est le mode du virtuel, à l’indicatif futur qui présente la rupture comme certaine, ce qui est d’ailleurs souligné par l’adverbe « indubitablement » (6 syllabes, donc s’étend sur un hémistiche complet). Alceste semble donc avoir pris sa décision avant même que l’échange ne commence.

- A. formule d’emblée des reproches à Célimène : « de vos façons d’agir je suis mal satisfait » (2). Célimène ne s’y trompe pas, puisqu’elle répond « c’est pour me quereller donc…/Que vous avez voulu me ramener chez moi » (11). Il marque son mécontentement à l'aide de longues répliques (troisième réplique par exemple) - Que reproche A. à Célimène ?

- D’avoir « trop d’amants » (16), c’est-à-dire trop de prétendants (amant = amoureux au XVIIe)

- De donner aux hommes « trop d’accès dans [son] âme » (15), autrement dit d’être trop gentille, douce et complaisante avec les hommes qui la courtisent.

- Ce reproche va jusqu’à l’hyperbole « tout l’univers est bien reçu de vous » (=vous vous montrez gentille et séductrice avec tout le monde).

=> c’est Alceste qui domine l’échange jusqu’à la ligne 69 environ.

B. … à la déclaration d’amour de Célimène

- Célimène se défend des reproches d'Alceste à l'aide de phrases interrogatives pour marquer sa surprise et son début de colère (19,20,22,52), ainsi qu'en utilisant la répartie grâce à des répliques brèves (répliques 1,2,4,). Pour se défendre, Célimène souligne que si elle des amants (c’est-à-dire des hommes qui l’aiment), ce n’est pas de sa responsabilité : elle ne peut être coupable de ce que font et ressentent les autres ; et elle ne veut pas répondre aux amabilités par des refus. Mais Alceste continue ses reproches. 

- Face à l’échec de cette stratégie défensive, elle en vient elle-même à formuler un reproche à Alceste : « Mais de tout l’univers vous devenez jaloux » = hyperbole soulignant les excès d’Alceste… ce à quoi Alceste répond, on l’a vu, « c’est que tout l’univers est bien reçu de vous » = stichomythies, soulignées par la rime « jaloux »/ « vous ».

- Enfin, poussée à bout, lorsqu’Alceste lui demande « qu’ai-je de plus qu’eux tous, madame, je vous prie ? », elle répond « Le bonheur de savoir que vous êtes aimé » (69). Cette répartie est clairement une déclaration d’amour : « vous êtes aimé » = « je vous aime » : l’utilisation de la voix passive est une manière d’atténuer la déclaration, de la formuler indirectement, parce qu’il n’est pas évident pour une jeune veuve de ce milieu, au XVIIe siècle, de déclarer sa flamme ; elle se doit de garder une certaine réserve : cette déclaration, même indirecte, est donc un geste fort que Célimène fait envers Alceste. Or, au lieu de prendre pour argent comptant cette déclaration d’amour inattendue au milieu de la dispute, Alceste continue ses reproches…

C. L’inversion du rapport de force : Célimène l’emporte ?

- La 7ème réplique de Célimène marque un tournant dans le dialogue. Elle vient de déclarer son amour, et Alceste, au lieu d’en être heureux et reconnaissant, a poursuivi ses attaques, en suggérant qu’elle pourrait très bien mentir : « Et quel lieu de le croire a mon cœur enflammé ? » = il demande des preuves ! Or Célimène refuse de répondre à cette demande : « un aveu de la sorte a de quoi vous suffire » (14). Puis Alceste demande une nouvelle fois et va jusqu’à formuler explicitement son soupçon : « qui m’assurera que, dans le même instant / Vous n’en disiez aux autres tout autant ? » (76). La réaction de Célimène ne se fait pas attendre : « de tout de ce que j’ai dit je me dédis ici » = elle « retire » sa déclaration d’amour ! + « soyez content » = ironie qui souligne la défaite d’Alceste.

- Donc, on assiste à un véritable retournement du rapport de force : c’est à présent Célimène qui domine la situation. Alceste est déstabilisé, ce qui est souligné par la modalité interrogative (71-76-77) et par la modalité exclamative (86-87-88). Sa surprise est également marquée par les interjections « Morbleu » (l.86) et « Ah » (l.87).

- On voit bien qu'Alceste s'est rendu compte de son erreur car il tente tant bien que mal de se « rattraper ». Il déclare deux fois son amour dans la même réplique : « faut-il que je vous aime ! » (86) et « c’est pour mes péchés que je vous aime ainsi » (92). Il la supplie (« de grâce »l.106) et souhaite mettre fin à cette dispute « Parlons à cœur ouvert et voyons d'arrêter… » (107)

- Célimène ne se laisse plus faire puisqu'elle fait de l'ironie en rebondissant sur les répliques d'Alceste, par exemple aux lignes 96-103 : Alceste déclare l’aimer comme personne (« Personne n’a, madame, aimé comme je fais » = hyperbole pour souligner la force de son amour), Célimène réplique « la méthode en est toute nouvelle / car vous aimez les gens pour leur faire querelle », en jouant sur le double sens du mot « comme » pour retourner l’argument d’Alceste en reproche contre lui.

II. Deux conceptions opposées et incompatibles de la relation amoureuse

A.L’amour selon le misanthrope

- L’impossibilité qu’ont les deux personnages à tomber d’accord et à se comprendre mutuellement tient à ce qu’ils conçoivent l’amour de façon radicalement opposée. Le désaccord est profond.

- Alceste fait des reproches à Célimène sur sa façon d’aimer. Donc à travers ses reproches, on peut comprendre sa vision de l’amour et ses attentes :

- il exige que Célimène repousse clairement les autres => pour lui l’amour doit être exclusif.

- il exige que Célimène repousse notamment Clitandre même s’il peut lui être utile pour gagner son procès (l. 54-55) => pour lui, l’amour exige une loyauté entière et totale, jusqu’au sacrifice de soi et de ses intérêts.

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