Le mariage de Figaro, acte 5, Scène 3, Baumarchais
Fiche de lecture : Le mariage de Figaro, acte 5, Scène 3, Baumarchais. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Emma Guerrero • 20 Juin 2017 • Fiche de lecture • 1 655 Mots (7 Pages) • 1 758 Vues
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Le mariage de Figaro, acte5 scène3, Beaumarchais
La scène 3 de l’acte V est composée d’un long monologue de Figaro, qui croit que sa fiancée Suzanne le trompe avec son maître le Comte Almaviva.
I – La fonction psychologique
A – Un personnage en crise
1 – L’énonciation
L’énonciation trahit l’agitation du personnage :
- Les juxtapositions / parataxe aux lignes 1 à 9 accentuées par les phrases exclamatives des lignes 1 à 9 « Femme! femme! femme! créature faible et décevante!... nul animal créé ne peut manquer à son instinct; le tien est-il donc de tromper?... Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse; à l'instant qu'elle me donne sa parole; au milieu même de la cérémonie... Il riait en lisant, le perfide! et moi comme un benêt! Non, Monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas... vous ne l'aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! »
- Les points de suspension qui créent des pauses soulignant sa difficulté à construire un discourt cohérent et également sa confusion. Aux lignes 5 à 6 « au milieu même de la cérémonie... Il riait en lisant, le perfide ! » : il repense aux événements, car les idées se bousculent et cela est tellement insupportable de repenser à l’action de Suzanne donnant le billet au Comte que cela lui coupe la parole.
- le présent de narration qui insiste sur les points forts : « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! » ligne 8 à 9.
- le passage sans transition du pronom personnel « il » ligne 13 à « elle » ligne 16 ; il n’énonce pas les noms. Le désordre dans ces phrases illustre le désordre dans sa tête.
- les didascalies qui s’opposent « seul, se promenant dans l'obscurité, dit du ton le plus sombre » et « Il s'assied sur un banc » ligne 19.
- les questions rhétoriques à la ligne 10 « Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? », mais également ligne 19 – 20 « Est-il rien de plus bizarre que la destinée ? » qui montre sa volonté de s’extérioriser.
2 – les sentiments opposés
Figaro éprouve des sentiments forts
- Il éprouve de la colère, motivée par la trahison de Suzanne : ligne 1 « créature faible et décevante », « nul animal » avec ces propos imagés il déshumanise sa femme.
- Il éprouve également de la colère vis-à-vis du Comte : il est désigné avec un lexique péjoratif « le perfide » ligne 6 qui étymologiquement désigne quelqu’un qui est à côté de la foi. Ce dernier a trahi la parole qu’il avait donnée et Figaro l’insulte, car la foi et le respect de sa parole sont une caractéristique de la noblesse. Or ici le Comte ne tient pas sa parole. Nous retrouvons un lexique de la trahison « décevante » ligne 1, « tromper », ligne 3, « perfide » ligne 6.
- Les compléments circonstanciels « à l’instant que » ligne 4 et « au milieu » ligne 5 montre le caractère insupportable de la trahison.
- Il éprouve également un mal-être suscité par la découverte que celle qu’il aimait l’a trahi. Cela est mis en évidence avec l’adjectif « benêt » ligne 6, la périphrase « le sot métier de mari » ligne 18 : il est devenu le cocu et a donc le mauvais rôle dans l’histoire. Il en arrive à conclure que c’est lui qui s’est trompé. Les didascalies nous placent dans un univers parallèle à celui de la tragédie avec un lexique tragique avec « se promenant dans l'obscurité » et « ton le plus sombre ».
- Beaumarchais fait une pause de l’action ce qui nous permet de voir le désespoir de Figaro suite à sa découverte.
B – Les traits de personnalité de Figaro
Cinq traits de caractère sont mis en évidence dans ce texte.
- Sa lucidité ce qui est mis en avant avec la didascalie « Il s'assied sur un banc » Il affronte la réalité.
- Sa curiosité intellectuelle dans tous les domaines avec l’énumération « chimie, la pharmacie, la chirurgie » ligne 23, « le théâtre » ligne 27, « une comédie » ligne 28. Il s’intéresse à la culture scientifique et littéraire de son époque.
- Il est aussi impulsif : il réagit trop vite à certains moments aux lignes 26 « je me jette à corps perdu dans le théâtre ».
- Il est pragmatique : il s’adapte aux situations concrètes « Las d'attrister des bêtes malades et pour faire un métier contraire » ligne 25 – 26.
- Il est dynamique : il ne se lamente pas, il sait rebondir avec la question rhétorique « me fussé-je mis une pierre au cou ! » ligne 27 suivit de « Je broche une comédie » ligne 27.
- Beaumarchais se démarque dans la construction du personnage qui va avoir une psychologie plus approfondie, complexe et sensible, ce qui rend compte d’une personnalité plus riche ce qui permet aux spectateurs de s’identifier à Figaro, par opposition aux valets de Molière avec une psychologie plus grossière et des personnages types
II. La fonction argumentative
A – La critique des femmes
- Elles sont les premières cibles de Figaro avec dès la ligne 1 la répétition « Femme ! femme ! femme ! » Suivit d’une métaphore « créature faible et décevante ! ». Figaro généralise et montre leur côté impulsif : il pense que puisque Suzanne l’a trompé, toutes les autres femmes font de même. C’est une manière inconsciente d’atténuer sa souffrance. Il n’est pas le seul, les autres sont pareils.
- Il s’appuie également sur la Bible ce qui constitue un argument d’autorité violent. Suzanne, comme toutes les femmes, est à l’image d’Ève qui, sous l’influence du serpent, mordit dans le fruit défendu. Cela est mis en évidence avec « Animal » et « créature faible ».
- Il s’agit d’un passage où Beaumarchais ne fait pas de Figaro son porte-parole. Le lecteur ne peut avoir aucun doute. Le spectateur est en surplomb, c’est-à-dire qu’il ait plus que Figaro et donc sait que Suzanne n’est pas infidèle et que la critique de Figaro est injuste. Le dramaturge montre l’impulsivité des hommes et que la vision des hommes sur les femmes est erronée et faites par des hommes aveuglés par leur passion.
B – La critique sociale
- Figaro fait aussi une critique des abus de la noblesse des lignes 6 à 16 avec un parallélisme « grand seigneur » ligne 8, « grand génie » ligne 9, qui remet en question les statues / l’ordre social et l’intelligence / le mérite personnel. Cela est accentué avec la modélisation « vous vous croyez » ligne 10-11.
- L’abus de la noblesse est également mis en avant avec l’énumération des privilèges avec un lexique de la richesse « noblesse, fortune, un rang, des places » ligne 9. Cela montre l’orgueil des nobles.
- L’antithèse « vous » ligne 11 et « moi » ligne 12 oppose le Comte qui est juste né et rien de plus pour avoir son mérite contre Figaro qui est né dans des conditions obscures, mais qui a du mérite avec les sciences et les calculs déployés.
- Nous retrouvons la remise en cause d’une société d’ordre où tout se joue sur la naissance qui donne des avantages abusifs à une minorité.
- Au-delà de la critique sur la noblesse, il y a une critique plus générale.
- Figaro dénonce en effet une société qui n’accorde pas assez d’importance au mérite avec à la ligne 21 « veux courir une carrière honnête » qui sous-entend les conséquences « la société ne veut pas de gens honnêtes » et également une opposition « la société est indifférente aux efforts que font certaines pour devenir honnêtes »
- À la ligne 22 – 23 « la chirurgie; et tout le crédit » la conjonction de coordination « et » marque en réalité une opposition entre les efforts faits et la place dans la société faite à Figaro qui est dérisoire face aux efforts. Ce qui est plus grave est que sa place obtenue n’a rien à voir avec le mérite, mais est due parce qu’il a été pistonné. L’arbitraire est mis en évidence aux lignes 23-24 avec « le crédit d'un grand seigneur ».
C – La critique de la censure
- Figaro utilise l’ironie pour dénoncer la censure avec la disproportion évidente entre la cause (« une comédie dans les mœurs du sérail ») et les faits qui touchent tout le Moyen-Orient avec l’énumération de différentes régions orientales « un envoyé... de je ne sais où se plaint que j'offense, dans mes vers, la Sublime Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Égypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc » lignes 31 à 34
- L’ironie est renforcée avec l’exagération ligne 35 « dont pas un, je crois, ne sait lire » qui met en évidence l’inculture des censeurs.
- Le passage s’achève sur une sentence qui est sans appel : « Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant » avec la généralisation du propose du au pronom indéfini « on » et au présent de vérité générale. Cette sentence a la forme de deux octosyllabes avec une césure à l’hémistiche qui engendre un rythme régulier et facilite la mémorisation. Elle résume la pensée de Figaro et donc celle de Beaumarchais et devient une arme de combat.
- En dehors de la première partie de la critique antiféministe des Femmes, Figaro est le porte-parole de Beaumarchais et des revendications des Lumières.
Conclusion
- Ce monologue à deux fonctions psychologique et argumentatif. Il permet à Beaumarchais de conférer à son héros éponyme une importance toute particulière. En effet, Figaro étant le porte-parole de Beaumarchais, grâce à double énonciation, il devient également un personnage doté d’une psychologie complexe bien éloignée de celle assez schématique des valets de Molière : c’est pourquoi ce passage est le début d’un morceau de bravoure.
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